4 janvier 2025

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre

Les églises conservent souvent des objets remarquables du point de vue artistique, témoins de la vie des communautés ou des individus, mais restent souvent méconnues, parfois victimes de vol ou vandalisme. Elles appartiennent aux communes depuis 1905 et, quand leur intérêt historique ou artistique le justifie, peuvent être protégées au titre des Monuments Historiques. Depuis la Révolution de 1789, le mot patrimoine désigne un bien commun de la Nation, notion âprement défendue durant cette période par l’Abbé Grégoire, député à la Constituante et Alexandre Lenoir, qui déclara devant le Comité de Salut Public que toute détérioration est "acte de vandalisme des révolutionnaires". Ils contribuèrent ainsi à sauver une partie de ce patrimoine tout en gardant leur tête sur leurs épaules ...

L’âme d’un village était son église, on se repérait à son clocher, elle tenait le rôle de centre social, de la naissance à la mort, comme chez nous en ce 17 janvier 2024, quand plus de 260 personnes de tous horizons, croyants ou non, s'y sont retrouvés pour accompagner une jeune femme, enfant du pays et lui dire un dernier adieu ... 


Pont Saint Pierre

Pont-Saint-Pierre était constitué avant 1809 de deux paroisses, dédiées à St Pierre et à St Nicolas, dépendant du diocèse de Rouen et relevant de l’abbaye de Lyre. L’église Saint Pierre, plus ancienne mais moins fréquentée, disparait en 1794, vendue comme bien national 


Historique

L'église primitive, en bois, a-t-elle souffert dans l’incendie de la paroisse perpétré par Henri Ier duc de Normandie et roi d’Angleterre en 1119 lors du conflit avec Eustache de Breteuil ? (voir bulletin n°12) La reconstruction d'une église romane est mentionnée dans un manuscrit du XIIe siècle de l’abbaye de Lyre comprenant un recueil des miracles de St Nicolas rédigé par un moine du Bec Hellouin, fils du personnage central de cette réalisation, qui nous apprend qu’un édifice en maçonnerie a remplacé une église construite en bois, grâce au dévouement d’un habitant nommé Hugues, particulièrement dévot à St Nicolas, qui demanda pour toute récompense à être inhumé sous le larmier du toit devant la porte latérale de l’église, que l'on aperçoit encore au sud, côté monument aux morts , sous forme d'une ancienne ouverture sur le mur extérieur de la nef.

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - La porte primitive au sud
La porte primitive au sud

Saint Nicolas (270-345)

Evêque de Myre, en Lycie, d’après la Légende dorée de Jacques de Voragine (XVème), il ressuscita des enfants assassinés mis au saloir et sauva un navire dans la tempête. Une huile miraculeuse suintait de son corps, placé dans l’église Saint-Nicolas de Myre. Lorsque la ville fut tombée sous domination turque, des marins de Bari (Italie) y firent une expédition en 1087 pour récupérer le corps et le placer à Bari. Ce saint fut fêté partout en Europe le 6 décembre, ce qui peut suggérer une antériorité des édifices placés sous son patronage. Santa Claus (abréviation de Nicolaos), est l'équivalent du Père Noël .

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - L'orientation de l'église
L'orientation de l'église


L’extérieur

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre

Au sud
on trouve le monument aux morts, à l’emplacement de l’ancien cimetière, transféré en 1844 car les cercueils placés dans le sol gorgé d’eau rendaient l’environnement malsain. L’inhumation des corps dans l’église avait été abandonnée au XVIème siècle pour les mêmes raisons, excepté cependant pour certains notables.
 

Au nord se trouve l’ancien presbytère du XVIIIe siècle, remis en état durant la période révolutionnaire, aujourd’hui demeure privée. L’église est entourée des fossés de coutume qui alimentaient le "moulin de l’église", et de deux routes.

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-PierreElle a la forme d’un tau, orientée d’est en ouest, orientation classique de la période romane (X/XIIe siècles), l’attente du soleil levant (Résurrection) étant un trait essentiel de la spiritualité chrétienne de l’Eglise primitive. 

A l’est, le chevet, tête de l’église, est semi-circulaire, en trois parties correspondant aux absides des chapelles édifiées en 1846 et à l’abside principale. Chaque abside est percée de trois baies romanes en plein cintre. Les murs sont appareillés en moellons calcaires montés en épi de blé ou arêtes de poisson, technique normalisée dans des bâtiments du XIe siècle et plus rarement dans les constructions plus récentes sauf pour harmoniser, par exemple dans les chapelles du XIXe siècle de l'église. 

A chaque abside, deux contreforts pilastres soutiennent les murs du chevet. Les corniches sont supportées par d’épais modillons qui se différencient des corbeaux par le fait qu’ils sont sculptés. Dans la partie centrale du chevet, l’appareillage des murs semble d’origine, la corniche en pierre est soutenue par des modillons sculptés de façon grossière. Ils représentent des têtes humaines accolées ou isolées, des mufles d’animaux, des oiseaux aux ailes déployées .Tout laisse à penser que cette construction est de la fin du XIe siècle. 

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - côté est


Le corps de l’église

L'édifice est construit sur un plan allongé d’environ 40 m dont les élévations à travées sont en moellons calcaires et en pierres de taille appareillés en arêtes de poisson. Trois contreforts de chaque côté épaulent les murs gouttereau nord et sud. L’appareil des contreforts n'indique pas une époque antérieure à la fin du XIe siècle. On peut supposer que la carrière de Romilly, dépendant de la baronnie, a fourni l’essentiel des matériaux de construction. 

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre

Le mur sud
est percé de six baies en plein cintre surmontées d’un linteau échancré en demi-cercle. Il comprend quatre baies identiques à celles du nord, une baie du XIIIe siècle subdivisée en deux lancettes surmontées d’un oculus et une baie du XV/XVIe siècle possédant à meneau avec tympan ouvragé. L’ensemble reçoit un toit en bâtière à long pan couvert en ardoise, plus les toitures des chapelles. En 1982, lors de travaux de couverture faits par l’entreprise Gallienne de Pont-Saint-Pierre, en pleine canicule, la charpente ancienne a dû être remise à niveau par la pose d’un double solivage, et à cette occasion Pierre, le père, a repéré le chevêtre de l’ancien clocher situé au milieu de la nef, comme sur la lithographie de l’église de 1821 et sa représentation sur un plan de la baronnie de 1731.

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - L’église en 1821
L’église en 1821
Les archives de la commune retracent un conflit entre le conseil de fabrique et les élus : quand, en 1847, la fabrique a fait démolir le clocher sans consulter le conseil municipal et prévu de vendre les bois de charpente. Le conseil municipal s'y est opposé, ce bois étant propriété de la commune, et a prévu de le réemployer au nouveau clocher, que le maire, Jean Amédée d’Houdemare fait construire à ses frais, sous la maitrise de l’architecte rouennais Elie Courtonne, connu pour avoir réalisé à partir des matériaux de l’église Saint-Nicolas de Rouen, démolie en 1840, le clocher de l’église de Cottévrard (76), avec lequel celui de Pont-Saint-Pierre, bien que plus ouvragé, a effectivement beaucoup de similitudes. 


La tour-clocher

La tour de type néogothique à trois niveaux est prolongée d’une flèche octogonale surmontée d’une croix et d’une girouette de modèle coq gaulois. Sa hauteur est d'environ 45m. Au faîte sont positionnés quatre clochetons. Les clochers en général, et celui-ci en particulier, sont le refuge des pigeons, et les fientes et les brindilles sèches s’amoncèlent, pouvant être à l’origine d’incendie. La commune y remédie : en 2022, trois bénévoles nettoient le clocher pour préparer les travaux, et une entreprise de travaux d’accès difficiles bouche les 48 orifices.


Les cloches

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre

Le Comité de Salut public réquisitionne en 1793 les cloches pour fabriquer les canons et le plomb des clochers pour fabriquer des balles, en laissant une seule cloche par paroisse, pour le tocsin. Celle qui a survécu s’appelle Marie, fondue en 1517. Elle a un diamètre de 91cm, et pèse donc environ 300 kg et a été fondue au pied de l’église comme cela se faisait au Moyen-Age. Clotilde et Hélène viennent la rejoindre au XIXe siècle. 

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - ancienne croix en fer forgé, de 5m sur 1,50m, de la cathédrale de Rouen
Au nord
est accolée une petite tour polygonale desservant à partir du porche les différents niveaux d’accès au clocher. A ses côtés est fixée l’ancienne croix en fer forgé, de 5m sur 1,50m, de la cathédrale de Rouen. Elle surmontait la flèche de la cathédrale touchée par la foudre en 1822. Le tableau de Hyacinthe Langlois, de Pont-de-l’Arche, illustre bien l’ampleur de l’incendie. Cette croix, donnée par le diocèse de Rouen fut placée en 1847 au sommet de la flèche de l’église de Pont-Saint-Pierre, mais, trop lourde, elle déstabilisait l’ouvrage et fut enlevée.
 
L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - incendie de la cathédrale de Rouen en 1822


L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - portail ouest
A l’ouest, on pénètre dans l’église par un portail à voussures multiples en arcs brisés surmontées par une archivolte ou moulure compris dans le tympan. Verticalement, des piédroits, ou colonnettes sont positionnés de chaque côté, surmontés d’un gâble ajouré. Le nouveau portail s’apparente à celui de la lithographie de 1821, ce qui permet de supposer qu’il était contemporain du pieux Hugues. On peut apercevoir dans la rosace au-dessus du linteau du portail, le blason de la famille d’Houdemare, bienfaiteur de cette tour-clocher. 
L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - Le blason d'Houdemare, tout en bas
Le blason d'Houdemare, tout en bas
On remarque que tous les chantiers et mobiliers financés par le baron sont marqués de ses armoiries. Au-dessus du tympan, on voit une baie à lancettes et au-dessus encore une baie géminée qui existe sur les quatre faces de la tour. Deux cadrans horaires à l’ouest et au sud sont positionnés au troisième niveau. Des abat-son, lames de bois inclinées servant d’ouïes au clocher, sont insérés dans les baies géminées. Ils le protègent des intempéries, ventilent les charpentes et renvoient le son des cloches vers le bas.

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - Abat-son


Le porche ou narthex

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - La Vierge du calvaire
La Vierge du calvaire
En entrant, à droite un calvaire en bois sculpté plein d’expression du XVe siècle, jadis fixé côté sud de la tour, à l’extérieur, protégé par un enduit de plâtre . En face, un couvercle de sarcophage du XIIe siècle, à côté de la porte d’accès au clocher, puis au-dessus la liste des curés de Pont-Saint-Pierre établie par l’abbé Morin (1884) et mise à jour par ses successeurs. 

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre


La nef romane

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - Vue d'ensemble de la nef à l'entrée
Vue d'ensemble de la nef à l'entrée
Comme pour beaucoup d’églises romanes, la nef est à vaisseau central unique bordé de murs percés de six baies de part et d’autre, appareillés de moellons calcaire, qui, avant 1960, étaient recouverts d’un enduit de plâtre, et remis au jour lors d'une époque riche en travaux, initiée par l’abbé Hervé, curé de 1948 à 1970. Son prédécesseur du siècle précédent, l’abbé Goujon, avait trouvé son mécène en la famille d’Houdemare, l’abbé Hervé le trouvera dans la famille Descamps-Béghin. Contre vents et marées, il se lance dans une tâche gigantesque : le décapage des murs de la nef et la reprise totale des joints. L’entreprise Vallette de Radepont relève le défi en 1953. Les travaux durent quatre mois et demi. Le résultat est saisissant car les riches boiseries sont mises en évidence sur fond clair. Le plafond est une voute en berceau sous charpente, recouvert d’un lattis de bois enduits de plâtre gâché à la main. La nef est prolongée par une abside semi-circulaire couverte d’une voute en cul-de-four cachée par la contretable derrière laquelle se trouve la sacristie de l’église. Vers 1980, l’entreprise Mutel rénove le plafond et peint l’ensemble. 


Les boiseries murales

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - Les boiseries provenant en partie de l'abbaye de Fontaine-Guérard
Les boiseries provenant en partie de l'abbaye de Fontaine-Guérard
Quand on pénètre dans l’église, l’œil est attiré par l’abondance du mobilier et plus particulièrement par les lambris sculptés qui décorent le bas de l'ensemble des murs. Il y a environ 450 panneaux, réunis au milieu du XIXe siècle par l’abbé Goujon sous l’administration duquel furent effectués l’agrandissement et les rénovations en harmonie avec le baron de Pont-Saint-Pierre et les élus de la commune. Il n’hésitait pas à sillonner la région dès qu’une porte d’armoire, de bahut pouvait-être récupérée. Tout cela représente un ensemble décoratif et iconographique d’une grande variété où dominent scènes bibliques, sujets religieux, allégories, vertus théologales, sciences, philosophie, astronomie, mathématiques, saints, lansquenets, etc. Cette collection d’une richesse exceptionnelle demande à être parfaitement entretenue contre les dégradations et tout particulièrement contre l’humidité.

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - Les fonts baptismaux
Les fonts baptismaux
En entrant à gauche on découvre les fonts baptismaux et une petite chapelle du XIXe siècle anciennement consacrée à la Vierge. Au-dessus de l’autel un tableau non daté représente une Vierge à l’Enfant entourée de Sainte Catherine de Sienne et de Saint Dominique qui reçoit de la Vierge un chapelet du rosaire pour aller convertir les Cathares…. 


Au centre de la nef

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - La nef vue du chœur, avec l'orgue et son vitrail
La nef vue du chœur, avec l'orgue et son vitrail
L’ensemble des travées est aujourd'hui constitué de bancs permettant aux fidèles de s’asseoir, mais au Moyen Age, les paroissiens assistent debout ou à genoux aux offices. Les premiers bancs médiévaux sont construits le long des murs de l’église et sont en pierre. Au cours du XVIe siècle, progressivement des bancs en bois ouvragés sont installés car les homélies (sermons) sont longues, et les bancs deviennent un signe de statut social. Le produit de leur location constitue la ressource principale des fabriques et les premiers rangs sont occupés par ceux qui ont loué leur place, avec leur nom inscrit sur des plaques en cuivre ou dans des porte-étiquettes, visibles encore maintenant. En résumé, les riches devant, les pauvres derrière ! Et les femmes d’un côté, les hommes de l’autre ! En remontant la nef, on voit à gauche la statue d’un saint abbé et à droite d’un saint apôtre, toutes deux en pierre, du XVIe siècle. A l’extrémité des stalles des fidèles, sur la droite se trouve le banc d’œuvre classé Monument historique, du XVIe siècle, dont le bas-relief représente la descente du Saint Esprit sur les apôtres et devant lui un bahut de la même époque avec banc capitonné servait d’emplacement privilégié aux notables et responsables du conseil de fabrique. Tout au-dessus un calvaire de poutre de gloire du XVIIIe siècle qui parait appartenir aux éléments d’un jubé. En face, se trouve la chaire à prêcher avec son abat-voix du XVII ou XVIIIe siècle.

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre
L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre
En 1793, la municipalité de St Nicolas de Pont St Pierre est autorisée à s’approprier pour les besoins de son église la contretable, la chaire, les stalles du chœur et sans doute une partie du banc d’œuvre, de l’abbaye de Fontaine-Guérard, ce qui a permis de sauvegarder des éléments de l’abbaye soumise au vandalisme et d’enrichir considérablement l’église. On retrouve aussi du mobilier de l’abbaye dans l’église de Daubeuf. 


La clôture.

A l’extrémité de la nef des fidèles, au Moyen Age, la rupture est signifiée matériellement entre le laïque et le religieux par une clôture de pierre ou de bois que l’on appelle jubé, séparant le chœur de la nef. Le jubé se compose de trois éléments : la tribune, la clôture et la poutre de gloire, groupe sculpté de la Crucifixion. De la tribune le clerc lisait les évangiles et prêchait. Le concile de Trente au XVIe siècle n’a plus voulu de cette césure et aujourd’hui, la chaire a remplacé la tribune, mais une clôture en bois à deux vantaux subsiste. 


Le chœur

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre
Au-delà de la clôture on pénètre dans le chœur où trente-cinq stalles sont positionnées contre les murs. Ce mobilier était utilisé à l’abbaye par les religieuses pendant les longs moments passés à prier et assister aux offices. Ce sont des sièges individualisés formant des rangées continues de stalles basses et hautes, au-dessus des précédentes et surmontées par des baldaquins Chaque place est séparée par des parcloses surmontées d’accoudoirs. Ils permettent soit de s’asseoir, soit de se tenir debout avec la possibilité d’appuyer le séant sur une "miséricorde", parfois appelée "patience". Apparues au XIe siècle, elles sont ornées de sujets variés, d’une grande diversité, voire fantaisistes. Ce sont de véritables chefs-d'œuvre de sculpture : masques et bustes humains, feuillages, fruits… 


Le retable

Mais ce qui retient l’attention arrivé à la croisée du transept, c’est la somptueuse contretable de bois sculpté et partiellement doré venue de Fontaine-Guérard, cachant la voute de l’abside principale du XIIe siècle. Le retable est un large portail flanqué de chaque côté de deux colonnes torses. Deux écus armoriés appartiennent aux abbesses Charlotte de Bigards de la Londe et Marie-Madeleine Le Cordier du Troncq.

Le maitre-autel est en bois sculpté du XVIe siècle, comme le tabernacle. Il reçoit en façade un panneau représentant la scène du sacrifice d’Abraham. Au-dessus, la toile centrale représente l’Ascension, proche des œuvres de l’Ecole de Rouen du XVIIIe siècle. Au niveau de la toile, quatre grandes statues : Saint Nicolas, une Vierge à l’Enfant, Saint Jean-Baptiste et St Romain, évêque de Rouen, les unes en pierre supposées venir de l’église Saint-Pierre, datées du XVIe siècle, les autres en terre cuite datées du XVIIIe. Tout en haut, Dieu entouré d’anges et d’angelots. Enfin à la base des colonnes torsadées les quatre évangélistes. Près du retable, un aigle-lutrin du XVIIe siècle dont le pupitre repose sur un globe, et un fauteuil de célébrant, le nom du donateur inscrit au dos : baron d'Houdemare, bienfaiteur de l'église, dont le blason se trouve devant. 

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - Lutrin

Côté nord, au-dessus des stalles se trouve une charité de St Martin en bois taillé du XVIe siècle.

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - charité de St Martin en bois taillé du XVIe siècle
A côté, fixée contre le mur, une dalle funéraire du XIVe siècle représente le châtelain Bertaut de Radepont. Son visage est imberbe, encadré de cheveux mi- longs. Ses pieds foulent deux lions…
L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre -  dalle funéraire du XIVe siècle représente le châtelain Bertaut de Radepont

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - Notre dame de Pont-Saint-Pierre
Surtout, on ne peut oublier Notre dame de Pont-Saint-Pierre, le joyau de cette église d'après l’Abbé Hervé, une statue grandeur nature de 160 cm du XIVe siècle sculptée dans du calcaire à silex, placée sur un socle octogonal. Couverte d’un voile et vêtue d'une robe joliment drapée, elle porte l’Enfant Jésus de la main gauche. Les chaussures sont à bouts ronds et la bordure de son manteau et son col sont ornés de motifs géométriques en verre églomisé, technique qui remonte à l’Antiquité et qui consiste à fixer une mince feuille d’or ou d’argent sous le verre. Elle fut remise à la mode par J-B Glomy, encadreur de Louis XV et de Louis XVI. A observer sous un rayon lumineux ! 


Les chapelles

Les travaux entrepris sous Louis Philippe (1830-1848) ont permis une transformation importante de l’église sous la maitrise de l’architecte Elie Courtonne, entouré de l’abbé Goujon et du baron d’Houdemare. Deux chapelles accolées au chœur forment le transept, leur soubassement fait de silex pour éviter les remontées d’humidité, surmontés de moellons de pierre de Vernon. Pour y accéder, deux percements avec des linteaux en plein cintre ont été créés, garnis d’un arc échancré en demi- cercle. On remarque une similitude de motifs autour des parties supérieures des baies extérieures, ce qui peut laisser à penser que les tableaux des dix baies semblables à l’extérieur ont été remaniés à la même époque. Les chapelles sont dotées chacune d’abside, copiée sur celle de la nef.

En 2024 la commune a fait refaire les murs des chapelles ouest, dont les éléments érodés sont remplacés par des pierres de taille de Vernon jointées par un mortier de chaux et de sable, mises en forme par 

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - Saint Jean Baptiste
Saint Jean Baptiste

Chapelle nord. La chapelle est consacrée à la Vierge et au Saint Sacrement. Sur l’autel se trouve une Vierge à l’Enfant du XVIIIe siècle en pierre badigeonnée imitant le marbre. Derrière l’autel, l’Education de la Vierge par sainte Anne, et un saint Jean Baptiste du XVe ou XVIe siècle. Devant, une pietà en bois sculpté, remarquable par ses détails anatomiques, du XVIIe. Tout en haut sur le mur, un Christ en bois sculpté, du XVIe, élément du calvaire d’une poutre de gloire, qui semble correspondre aux statues de la Vierge et de Saint Jean placées dans la chapelle sud. A droite, un saint Joseph en pierre de Bourgogne du XVIIe siècle. 

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - La piétà de bois sculpté
La piétà de bois sculpté

Chapelle sud. La chapelle St Antoine est devenue chapelle seigneuriale comme l’attestent les blasons de la famille d’Houdemare représentés sur les vitraux. Les habitants de la baronnie avaient une dévotion particulière pour St Antoine car son nom avait été donné à l’Ermitage situé "clos du bec", près du chemin de Romilly.

Elle est construite avec des fonds du baron, et on en accorde la concession à la famille d’Houdemare : la chapelle sera séparée par une grille en fer avec porte, ouverte aux visiteurs…  


Sainte Rita

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - Ste Rita
Aujourd’hui dans cette chapelle est vénérée sainte Rita (1381-1457), "avocate des causes désespérées", originaire d'Ombrie, en Italie, fêtée le 22 mai. L’abbé Hervé, qui lui vouait une grande vénération, connaissait bien les Descamps-Béghin, bienfaiteurs de son église, inhumés à Thumeries (59) où se trouve une chapelle Ste Rita. 

Celle de Pont Saint-Pierre est visitée par de nombreuses personnes venues de tous les horizons, pour demander de l’aide.
L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre
L’autel de la chapelle présente une certaine similitude avec son homologue du nord. Derrière lui, St Jean l’Evangéliste et une Vierge du XVIe siècle, en bois sculpté, qui accompagnaient le Christ en croix de la chapelle nord sur une poutre de gloire. Devant à gauche, St Antoine, ancien patron de la chapelle. Sur le mur sud, une Vierge à l’Enfant et sainte Marie Madeleine du XVIe siècle en pierre polychromée au XIXe. On trouve aussi un meuble néo-renaissance avec panneaux de bois sculptés du XVIe siècle qui provient de l’abbaye de Mortemer. 
L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre


L’orgue.

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - L'orgue devant la verrière
L'orgue devant la verrière
"Une église sans orgue est une église sans âme. Il importait donc de se pencher sur la question… ce fut fait" disait l’abbé Hervé. Projet et devis sont demandés à la Maison Haerpfer-Erman en Moselle qui réalise l’installation, et en 1958 Mgr Gaudron, évêque d’Evreux, inaugure l’orgue dont le coût s’élevait à trois millions de francs de l’époque. 


Verrière ouest.

L’ancienne verrière ne se mariait pas avec le nouvel instrument musical. L’Abbé Hervé connait François Décorchemont, illustre maitre-verrier de Conches en Ouche, où un musée lui est consacré qui a œuvré dans une trentaine d’églises de l’Eure (Igoville, Ménesqueville, Rosay sur Lieure, Lyons la Forêt…). Son œuvre se caractérise par un dessin épuré, des lignes simples, l’éclat, la transparence et la luminosité des couleurs. Il encadre dans la tribune le nouvel orgue par un vitrail apportant une féérie de couleurs au soleil couchant car la rosace ne bénéficie que de la lumière intérieure de la tour du clocher. 


Les Vitraux de la Nef

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - Vitrail en dalles de verre
Vitrail en dalles de verre
L’abbé Hervé fait appel à l’entreprise Loire de Chartres, dirigée par une famille illustre mondialement connue de maitres-verriers. Gabriel Loire utilise des dalles de verre colorié dans la masse, taillées à la marteline, il en éclate la surface pour que la lumière soit diffractée et les sertit à la résine et au mortier. En 1960, onze verrières sont commandée, soit presque 30 m² de vitraux, qui donnent à l’ensemble de l’édifice un cachet étoffé. 


Le chemin de Croix

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - Gabriel Loire dans son atelier
Gabriel Loire dans son atelier
Gabriel Loire et son fils créent quatorze stations de chemin de croix en mosaïque émaux et ors de Venise. Œuvre d’art remarquable réalisée en 1960.

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre


L’éclairage

L’abbé ne s’arrête pas là, il fait appel au spécialiste de l’éclairage des œuvres d’art du musée du Louvre et de Notre Dame de Paris, la Maison Wendel, qui met en place un nouvel éclairage. "Féérie des vitraux, féérie de la statuaire et des boiseries…"déclare l’abbé. Il y a 60 ans cette aventure tient de la prouesse, grâce aux "sponsors" qu'étaient les familles d’Houdemare et Descamps-Béghin. 

Côté sud. Les baies au-dessus des stalles sont les plus anciennes, et leur vitraux sont l'œuvre des maitres-verriers Duhamel-Marette, dont l'atelier ébroïcien fut l’un des principaux artisans du renouveau du vitrail dans la seconde moitié du XIXe siècle en Normandie et bien au- delà. On y voit St Pierre, à droite assis, reniant publiquement le Christ que l’on voit en arrière-plan, et à gauche à genoux devant le Christ, maintenant nimbé, donc pardonné. La baie du XIIIe siècle, début du style gothique, est composée de lancettes à meneau surmontée d’un médaillon ou oculus. On voit à gauche une scène historique de 1270, St Louis nimbé, assis dans un lit, communie devant Tunis de retour de croisade, juste avant de mourir de la peste. A droite, Jeanne d’Arc écoutant ses voix : l’archange St Michel, Ste Catherine et Ste Marguerite.

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - Saint Pierre reniant et pardonné
Saint Pierre reniant et pardonné
Le style des vitraux de Duhamel et Marette s’apparente à celui du Moyen-Age. A cette époque, les représentations historiques, bibliques étaient bien comprises par l’ensemble des gens qui ne savaient souvent ni lire ni écrire. 

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - Saint Louis et Jeanne d'Arc
Saint Louis et Jeanne d'Arc


Côté nord. Le vitrail au-dessus des stalles représente le saint patron de la paroisse, que l'on voit bénissant les enfants qu'il a arrachés au saloir. Le dessin a été réalisé par le lithographe-imprimeur-graveur de Rouen Antoine Sauveur Perruche. Il a été offert par une confrérie* de la paroisse qui existait au XIXe siècle, dont le bâton de procession avec la statuette de St Nicolas et les trois enfants, en bois sculpté et doré, se trouve à proximité.

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - Saint Nicolas
Saint Nicolas
Le haut du vitrail représente les dômes de sanctuaires orthodoxes du pays d’origine du saint. En bas une inscription, datée de 1853 : "donné par la confrérie St Nicolas", suivie de douze noms de charitons* de la paroisse : Aveline (2), Bachet, Dubois, Marc d'argent, Lhuillier, Flambard, Millot, Debon Martin, Hubert, Hugues. Des familles de Pont-Saint-Pierre portent encore ces noms.

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - Le bâton de charité
Le bâton de charité

*membres des confréries, ou charités, qui existaient au Moyen-âge dans presque toutes les paroisses de l’Eure, aujourd’hui quelques- unes subsistent. La confrérie est composée de laïcs, les charitons, chargés à l'origine des funérailles des pauvres (voir bulletin n°4).


Les Vitraux de la Chapelle sud

Les plus significatifs, trois vitraux derrière l’autel, représentent des anges avec des attributs : croix, ciboire et clefs-livre et côté sud, St Jean et le ciboire, St Paul et l’épée, et St Pierre avec les clefs posés sur des piédestaux aux armoiries d’Houdemare. C'était la chapelle seigneuriale de St Pierre. Sur le mur nord le vitrail représente la Vierge de l’Apocalypse 


La Croix de procession

Elle viendrait de l’église Saint-Sauveur, à Rouen. Elle est réputée avoir été présentée à Jeanne d'Arc sur son bûcher le 30 mai 1431, par une tradition orale qui semble solidement établie : Au milieu des guerres de religion, elle aurait transité par Paris avant de rejoindre l'abbaye de Fontaine-Guérard.

L’église Saint-Nicolas de Pont-Saint-Pierre - Croix de procession
En 2020 elle a été prêtée à Rouen pour une cérémonie de centenaire de la canonisation.

Pour éviter un vol, elle se trouve aujourd'hui à l’abri, mais sa place devrait être dans l'église quand celle-ci sera équipée d’un système de surveillance, afin qu’elle soit visible par tous. Les richesses de l'église justifient d'ailleurs amplement l'installation de protection contre le vol et l’incendie. 


En conclusion

Ces lignes font la part belle aux maitres d’ouvrage et maitres d’œuvre, mais on ne peut passer sous silence les artisans : tailleurs de pierre, charpentiers, terrassiers, maçons, plombiers, couvreurs etc.

C’est cette fructueuse collaboration qui fait dire à Victor Hugo dans Notre Dame de Paris : " l’homme, l’artiste, l’individu s’effacent sur ces grandes masses sans nom d’auteur, l’intelligence humaine s’y résume et s’y totalise. Le temps est l’architecte, le peuple est le maçon".

Merci à : Pierre et son fils Jean-Pierre, Philippe, Colette, Claude, Valérie, Robert, Lucien, Albéric, Marcel, Michel, Jean-Claude, Bernadette, Evelyne, Jean-Luc…, tous ces bénévoles sans qui cette église ne serait pas ce qu’elle est. 


Sources

- P.Duchemin La baronnie de Pont-St-Pierre. Gisors 1894

- Dubuisson d'Aubenay par L.Régnier

- Annuaire de l'Association normande de 1909

- revue Confluences( AMSE) juin 1992

 

Jean-Pierre Demeillers 






Les chalets de la verrerie à Pîtres

Les chalets de la rue des moulins à Pîtres - Crue de1910
Crue de 1910


Les chalets de la rue des moulins à Pîtres

 

Les cités ouvrières

Les termes de « cités ouvrières » désignent généralement des ensembles de logements groupés, pavillonnaires ou collectifs, bâtis par une même entreprise pour y loger tout ou partie de son personnel. L’essentiel de cette production d’habitat remonte à la fin du xixe siècle et surtout au début du xxe siècle, quand les patronats des secteurs industriels traditionnels, confrontés à « la dérobade », arme ouvrière pour mettre en concurrence les employeurs, essaient de fixer la main-d’œuvre...

Ce type de production s’est progressivement tari dans la seconde moitié du xxe siècle, avec la prise massive de relais de la construction et de la gestion de logements sociaux par l’État. 


Dans la vallée de l’Andelle

Les premiers logements ouvriers recensés dans la vallée sont édifiés en 1782 par les Fonderies de Romilly, mais ensuite, durant le XIXe siècle, alors que l’expansion industrielle est à son maximum dans la vallée et se conjugue avec une forte croissance démographique, l’habitat ouvrier s’y développe très peu. Au total, quelques dizaines de logements ouvriers sur l’ensemble du secteur, alors qu’en 1866 l’industrie textile emploie à elle seule plus de 3 000 personnes dans la vallée de l’Andelle. Cela peut s’expliquer par la plupart des hommes et des femmes qui travaillent dans les usines sont d’anciens travailleurs agricoles attirés par des salaires plus élevés et recrutés sur place. Ils logent donc au cœur des bourgs de fond de vallée ou dans les villages situés dans un rayon de 5 km, et les trajets quotidiens domicile-usine s’ajoutent aux dures conditions de travail.

Cet habitat se compose systématiquement de petites maisons en bande, construites en brique ou en pan de bois sur le même modèle. Les plus rudimentaires comprennent deux pièces (une cuisine et une chambre) mais disposent d’un grenier, d’un cellier et d’un jardinet.

Le contrat de location figure dans le contrat de travail et si l’ouvrier quitte son emploi il doit abandonner sa maison.

 

Les chalets de la rue des moulins à Pîtres - Avant et après…On distingue bien les parcelles en longueur sur le cadastre actuel, alors qu'au XVIIIème siècle, c'est le bout du village, vide
Avant et après…On distingue bien les parcelles en longueur sur le cadastre actuel, alors qu'au XVIIIème siècle, c'est le bout du village, vide

Les chalets de la rue des moulins à Pîtres - Avant et après…On distingue bien les parcelles en longueur sur le cadastre actuel, alors qu'au XVIIIème siècle, c'est le bout du village, vide


Les chalets de Pîtres
Les chalets de la rue des moulins à Pîtres - Capture d'écran de Google street
Capture d'écran de Google street

Ils se composent de deux fois cinq maisons accolées, construits en 1893 par l’entreprise Goupillières, rue Lafayette à Rouen. On sent une volonté esthétique, avec des motifs en briques rouges et jaunes, agrémentés de décors en céramique qui devaient être de bonne qualité puisque 120 ans après, ils sont toujours intacts.

Les chalets de la rue des moulins à Pîtres

Contrairement à ce que l’on voit, ces chalets ne sont pas parfaitement identiques. Si en façade ils ont tous la même largeur, ils n’ont pas la même longueur. Ceux de l’ouest sont plus longs et ont deux chambres à l’étage alors que ceux de l’est n’en ont qu’une. Différences entre contremaitres et ouvriers, ou taille de la famille. D'autre habitation avaient été construites rue de la gare à Romilly, plus près, donc, de la verrerie, et semblaient conçus pour les cadres.

Les chalets de la rue des moulins à Pîtres

Au fond du long jardin, chaque chalet dispose d’un bâtiment lui aussi de bonne construction : un cellier, un grenier, eux aussi accolés par cinq.

Au fil des années, ces logement ont été modifiés, agrandis mais les façades restent identiques. Les habitants actuels se disent très satisfaits de leur logement et les trouvent très bien isolés. Tous ont rajouté des garages, et sont propriétaires des bâtiments qui ne sont plus au fond du jardin mais séparés par une allée qui leur permet l’accès.

 

La verrerie, vraiment ?

On les a toujours appelés les chalets de la verrerie, mais huit ans d'écart entre la date de construction et l'ouverture de la verrerie en 1901 pouvaient créer le doute, heureusement levé par un acte notarié gentiment transmis par un des actuels habitants.

"...lotissement en onze parcelles numérotées au plan de un à onze de la propriété de la société des "Verreries de Romilly sur Andelle sise à Pitres, lieudit rue des moulins, et cadastrée section B numéros 163 à 173 pour une superficie globale de soixante ares neuf centiares ".

Cependant, en 1901, on ne trouve encore que deux verriers. Par contre en 1926, qui est la période faste de la verrerie, en utilisant, le recensement nous donne sept familles de verriers et dans une même famille plusieurs travaillent à la verrerie :

Malivoir René et Maurice, verriers et Malivoir Rachel, ouvrière

Pain Gaston, journalier de l’usine, et Pain Edouard, verrier (ils sont 7 dans ce logement)

Boucry Hyacinthe, verrier

Cordier Alphonse, Marcel, Eugène tous trois verriers (7 aussi dans ce logement)

Bourdet, magasinier

Bourgoin Emile, Fernand, André tous trois verriers et Bourgoin Charles

Mention spéciale pour les Bourgoin qui venaient de la verrerie de Saint Evroult, dans la vallée de la Charentonne (Orne). Pourquoi sont-ils venus à Romilly ? Meilleures salaires ? Possibilité de logement ?

 

La verrerie de Romilly

Les chalets de la rue des moulins à Pîtres - Verrerie de Romilly

En 1782 l'usine dite de Perpignan est établie à l'emplacement de deux moulins à foulon fondés à la fin du XVIe siècle. C'est l'unité de production principale (le laminoir) des fonderies de Romilly jusqu'à leur fermeture en 1896.

En 1901, elle est reconvertie en verrerie spécialisée dans le flaconnage pour la parfumerie et la pharmacie par la société des Verreries de Romilly. (L’entreprise Delamare située légèrement en amont est productrice de pharmacie)

En 1923, la verrerie emploie 240 ouvriers. Face à la concurrence des verreries de la vallée de la Bresle, l'usine de Romilly ferme définitivement ses portes dans le courant des années 1950.

Après le Seconde Guerre mondiale, l'usine est morcelée et reprise par différentes entreprises ou artisans qui y exercent des activités variées (stockage, ferronnerie et soudure, production d'aliments pour animaux. Couvoir de l’Andelle..).

Les chalets sont parfois vendus aux ouvriers, et des descendants de ce personnel de la verrerie y habitent toujours, mais on trouve aussi dans les recensements beaucoup de cimentiers, travaillant dans l'entreprise Fréret (voir bulletin n°2).

 

Les "bousillés"

Les chalets de la rue des moulins à Pîtres - Un "bousillé" typique, très coloré
Un "bousillé" typique, très coloré

Une tradition bien établie voulait que le verrier puisse parfois en fin de journée se fabriquer pour son compte des petits objets avec les chutes de verre et les fonds de four, leur patron y trouvant aussi son compte puisqu'il améliorait ainsi ses compétences

Des habitants de Pîtres ou de Romilly possèdent encore de ces objets, comme ce poisson ci-dessus, peut-être inspiré par les verres de Murano (Venise).

 

Quelques autres cités ouvrières dans la vallée de l'Andelle 

(photos Christophe Kollmann)

Elles sont presque toujours liées aux usines textiles, qui assurent la majorité de l'emploi dans la vallée au XIXème siècle et au début du XXème.

Les chalets de la rue des moulins à Pîtres - Fleury sur Andelle
Fleury sur Andelle

Les chalets de la rue des moulins à Pîtres - Perriers sur Andelle
Perriers sur Andelle

Les chalets de la rue des moulins à Pîtres - Cité Réquillard à Charleval, logements de la filature
Cité Réquillard à Charleval, logements de la filature

 

Sources

- Site Patrimoine normand, articles d'Emmanuelle Real

- Archives de l'Eure, recensements

 

Liliane Ebro