Entente Cycliste du Manoirune longue histoire
Bref historique
En 1935, les vicissitudes du Club
cycliste des Andelys amènent Adrien Fromager et René Delamare à créer le Vélo
Club Andellois à Romilly. Après une interruption due aux années de guerre, le
club reprend son activité.
En 1953 il est dissous et quelques
coureurs du club, dont Adrien Fromager, René Vigor, Paul Chéron, René
Delamarre, Gilbert Bonnetier, auxquels s'associent avec le maire du Manoir,
Albert Becquart, et le directeur de Pompey, futur Manoir Industries, Henri
de Costier, fondent l'Entente Cycliste du Manoir.
En 1963, les coureurs se rallient à l'association des cheminots de Rouen, un club plus important, qui paie les pleins de carburant pour les déplacements et fournit des maillots.
Le club est finalement dissous au début des années 2000 par manque de volonté de continuer, peut-être parce que le vélo attire moins les jeunes que le football.
Un club de champions
Le club recrute sur la basse vallée
de l'Andelle, et jusqu'à Louviers. Les "mousquetaires" de l’ECM
écument les courses de la région, sur toute la Normandie, et il n’est pas rare
de trouver trois coureurs de l’ ECM dans les cinq premiers d'une course. L'effectif
compte également de bons coureurs de première catégorie comme Michel
Breemersch, finaliste du Maillot des jeunes en 1957 et souvent classé dans les
régionales du Maillot, ou René Baudard, vainqueur d'une régionale en 1959,
ainsi que Jacques Fromager. En 1967, l’Entente gagne le championnat de
Normandie des sociétés.
Coureurs et bénévoles
Derrière ces succès, il y a un
groupe de coureurs qui s’entraident et de bénévoles, très importants pour le
développement du club, qui peut compter ainsi en tout jusqu'à 75
personnes.
Les coureurs sont essentiellement
des garçons non mariés, d'environ 16 à 25 ans, qui non seulement
s'entraînent régulièrement, au moins deux fois la semaine en plus des courses,
mais contribuent à l'entraînement des moins de 16 ans, les minimes.
Réunis chez la secrétaire du club, on s’amuse de voir son patron, M. Brugeot, rappeler à René Baudart ses devoirs de menuisier en lui confiant son double-mètre…. |
Les non coureurs forment une équipe, rouage essentiel pour assurer les déplacements, l’organisation des rencontres, la trésorerie, et des activités sociales comme le bal et les repas. Il arrive encore au début qu’un coureur se rende à vélo sur le lieu de départ de la course, petite mise en jambes... mais de plus en plus, des déplacements motorisés sont organisés, souvent dans une camionnette réellement surchargée, prêtée par l’usine du Manoir, puisque le club court dans toute la Normandie, et que des finales ou demi-finales ont lieu à Yvetot, Pont-Audemer et même Cherbourg.
Les coureurs devant le café
A
l'entraînement
Les entraînements, raconte René
Baudart, se faisaient sur des distances de 50 à 60 km, et encore avec un pignon
fixe au début, ce qui oblige à pédaler constamment, y compris dans les
descentes, ce qui est excellent pour la souplesse des jambes... C'était souvent
une vingtaine de membres, de 16 à 30 ans, qui se retrouvaient pendant au moins
deux heures le dimanche matin, à tourner autour du Manoir et de Pîtres, avec
plusieurs montées et descentes de la côte du Taillis ou de celle d'Amfreville
et de la Neuville, et ce à longueur d'année si l’on excepte les quelques mois
d’hiver. Enfin, une tradition était de faire courir ensemble un dirigeant du
club et un coureur.
Passage à Pîtres lors d'une course vers 1990 |
Pompez ici, meilleur qu'en face
Le café du Manoir qui se trouvait
en face de la Seine était le quartier général de l’Entente, avec un slogan qui
faisait allusion à la proximité de l’usine et du fleuve : " Pompey
ici, meilleur qu'en face ! "
Les aciéries n'étaient pas
officiellement sponsors, mais prêtaient largement véhicules et locaux, et quand
le club se trouva officiellement un sponsor, ce furent les cafés Titane.
Les maillots du club, jaune et
noir, sont de laine tricotée.
La course
Les courses se font souvent lors
des fêtes de village, pour lesquelles elles représentent alors le clou du
spectacle, à Pont de l’Arche, à Pîtres, etc.
René Baudard développe quelques
aspects techniques concernant les courses, parle en connaisseur des braquets,
de la bonne façon de pédaler, de l’importance de prendre des leçons de
l'adversaire. Il a roulé une fois avec Jacques Anquetil et en a retenu son
obstination. Son ami Jean-Pierre Levacher, qui fut responsable du club de 1986
à 2000 raconte aussi les problèmes d'organisation. Il se souvient
particulièrement d'une autorisation de la Préfecture qui n'était toujours pas
arrivée la veille d'une course importante et pour laquelle durent
d'intervenir en urgence les maires du Manoir, de Pont de l’Arche, d’Alizay, et
même le député François Loncle, pour qu’au dernier moment cette autorisation
dont la demande avait pourtant été faite en temps et en heure parvienne à être
tamponnée dans un bureau de la Préfecture... ré-ouvert tout spécialement.
Aujourd'hui, à près de
quatre-vingts ans, René Baudard continue à avaler les kilomètres avec sa femme,
en cyclotouriste, ne parcourant pas plus de 50 ou 60 km par jour, mais
dépassant le millier de kilomètres par an.
Il faudra attendre les années 80
pour voir arriver des coureuses.
Carte postale d'époque, pas du tout correcte ! |
Un peu de mécanique…
Les vélos de 1953 ne sont pas les
mêmes qu'aujourd'hui. Ils pèsent environ 10 à 11 kilos alors qu'aujourd'hui
c’est plutôt 8 kilos et même 6 kilos et demi en course professionnelle. Les
casques sont encore des casques à boudins, et ils restent facultatifs. Le
coureur se promène avec ses bidons sur le cadre, les pieds attachés aux pédales
par des courroies.
... de stratégie…
Les techniques de course sont restées assez semblables : on
s'entraîne en peloton jusqu'au moment où on laisse passer devant le champion
pour qu'il gagne.
... et de chimie !
Le dopage de l'époque, c'est
éventuellement, un œuf secoué dans de la Pelforth ou du café dans le bidon. Au
pire, on assiste à des abus de Synthol liquide.
Sponsors
En plus de l'aide des aciéries, que
nous avons évoquée, l'équipe du Manoir était aussi sponsorisée par Motoconfort,
ce qui voulait seulement dire qu'elle pouvait acheter des vélos à moitié prix,
obtenir des maillots de course gratuits, et parfois des primes.
René Baudart et un des frères Blomme, à l'arrivée devant le café du Manoir |
Quelques
noms ...
Les présidents du club
Albert
Becquart maire 1953-59
Redon
1966-73
Delaplace
1978
Hanryon
1979-84
Churin
1985-87
Levacher
1988-93
Burel
1994
Janine
Levacher 1995-2000
Artaud
2001-2003
et les coureurs : Vigor, Baudaurd,
les frères Blomme, Fromager, Churin, Griffon, Mony, Artaud, Da Silva,
Breemerch, Chassy…
René Baudart et son petit frère Gilbert, à l'arrivée du Prix de la Sica. A l'époque, les filles sont plutôt à l'arrivée, mais le cyclisme féminin va commencer à se développer! * |
* notons que dès le départ, fin
XIXème siècle, on (les hommes …) considéra que le vélo n'était pas pour les
femmes, parce qu'il pouvait déranger leurs organes reproducteurs, et même leur
apporter un plaisir tout à fait malsain. (moralement…)
Le vélo permit pourtant aux femmes
d'avoir le droit de porter, au sens propre, le pantalon, pour le pratiquer : en
effet avant 2013, descendue de sa bicyclette, une femme n'avait théoriquement
pas le droit, depuis une loi datant de 1800, d'être en pantalon ! (soyons
juste, cela lui était aussi permis si elle tenait les rênes d'un cheval...)
En 1959, l'ECM est engagé dans ce criterium national, où René Baudart court les 45 km contre la montre |
1959 Paris-Normandie s'enthousiasme pour l'ECM et son jeune champion !
[…] M. Vente, de Pitres, qui avait
massé autrefois les joueurs du Sotteville Football Club, s'offrit à donner ses
soins aux coureurs tout en assurant le secrétariat. Dès lors, l'Entente
Cycliste du Manoir, bien administrée et bien équipée, pouvait aller de l'avant.
L'ambiance était à ce point agréable que la fille de Vente elle-même, Mme
Yvette Heuzé, rapidement séduite par les courses qu'elle découvrait, se laissa
prendre au jeu, au point d'ailleurs qu'elle est maintenant la secrétaire du
club, au lieu et place de M. Vente. Avec 26 licenciés, ce dernier, qui veut
tout de même goûter aux douceurs d'une retraite bien gagnée, ne pouvait plus
suffire. [….]
En raison de l'esprit d'entraide qui le caractérise et de
l'atmosphère cordiale qui y règne, l'Entente Cycliste du Manoir a attiré une
majorité de jeunes sur lesquels elle exerce une influence bienfaisante et pas
seulement en matière technique, qui relève exclusivement de l'attention de M.
Adrien Fromager, l'homme de base, sans lequel la société n'aurait pu s'épanouir
aussi rapidement au point d'avoir amené au tous premiers rangs du Maillot des
jeunes de Paris-Normandie René Baudard, qui faisant du vélo pour s'amuser, se
sentit attiré par l'ECM. Sa progression régulière prouve, en dehors de ses dons
naturels, la valeur et l'utilité des conseils qui lui furent prodigués depuis
ses débuts.
Pierre Lardière Paris-Normandie
Vernon, le maillot des jeunes en 1958 |
René Baudard, retour de l'entraînement, et son père, retour du travail, se sont rejoints pour regagner le toit familial. A bicyclette, le fils est capable de tenir tête au cyclomoteur de papa ! |
Une loi de 1893 instaure une taxe annuelle pour la possession d’un " vélocipède ou appareil analogue".
Les possesseurs
devaient s'enregistrer dans leur commune et recevaient une plaque, remplacée à
partir de 1943 par un timbre fiscal, et les coureurs n'étaient pas
exemptés. Cet impôt est supprimé en 1958.
Sources
-archives
personnelles des auteurs
-Paris-Normandie