René Raban, résistant
La rue de
Pont-Saint-Pierre qui prolonge la Grande rue vers Douville porte son nom, et la
place de la Mairie d'Amfreville-sous-les-monts. Nous publions ici, sans
commentaires, ce témoignage qui explique pourquoi.
Témoignage sur les événements tragiques du 24 août au Plessis
Ce jeudi 24 août 1944 un détachement
allemand qui a réussi à franchir la Seine, fait halte au Plessis. Les soldats
se reposent dans des bâtiments agricoles ou chez l'habitant. Peu de matériel en
vue, seul un char d'assaut, après avoir franchi une haie, s'est mis à l'abri
sous un arbre. De toute évidence les militaires redoutent les vols de
l'aviation alliée.
Depuis quelques
jours, mon père et moi sommes « réfugiés » au Plessis, chez ma tante, madame Y.
Dailly, qui en l'absence de son mari exploite une petite ferme. Cet après-midi
là un soldat se trouve dans la cuisine ; il nous montre la photo de sa femme et
de ses enfants : on le sent très déprimé et à ce moment là il n'a rien d'un
occupant arrogant. D'autres de ses camarades sont allongés sur la paille, dans
la grange. C'est alors que survient un officier qui braille des ordres
impérieux. Aussitôt, notre Allemand nostalgique, sortant son pistolet, nous
ordonne de le suivre. Nous traversons la cour, lui devant, nous derrière, quand
arrivés au niveau de l'étable, mon père nous entraîne le long du bâtiment, puis
dans un pré attenant dont nous franchissons la haie, je ne sais de quelle
manière. Et là, aplatis sur le sol, nous entendons des ordres, des cris
impressionnants, véhéments, venant de la mairie voisine. (Par chance notre
Allemand dépressif n'était sans doute pas vindicatif, car il nous a tout
simplement laissés fuir ).
De la cour de la mairie parvient un brouhaha incompréhensible, ponctué bientôt par des coups de feu, eux trop compréhensibles !
Je ne saurais
préciser le temps durant lequel nous sommes restés terrés derrière la haie.
Nous sortons de
notre refuge quand le calme est enfin revenu et alors les témoins oculaires, en
fait les otages, commentent le drame. Ordre a été donné aux militaires en
repos, de rassembler les hommes du hameau dans la cour de la mairie, sous la
menace des armes : d'où les ordres et les cris que nous avons entendus. Or l'un
de ces hommes craignant le pire s'est échappé en courant, pas assez vite, le
malheureux, stoppé dans sa course par une rafale. C'était Alidor Cras, réfugié
depuis peu dans la commune pour fuir les bombardements du Havre ...
C'est alors qu'un triste individu entre en scène, agissant seul de son plein gré, pour désigner aux occupants les Amfrevillais membres des FFI (Forces Françaises de l'Intérieur).
Ce jeune garçon
séjournait depuis peu au Plessis, attiré par les beaux yeux d'une adolescente,
appartenant à une vieille famille de la commune. Elle connaissait l'existence
du groupe de résistants (dont l'un de ses frères faisait partie) et, sans
doute, par sotte vantardise, en a-t-elle parlé à celui que j'appellerai X.
Celui-ci, à n'en pas douter ouvert à la propagande vichyssoise, est allé tout
raconter à un officier allemand, lequel a déclenché la rafle.
Et parmi tous les hommes rassemblés dans la cour de la mairie le triste X a vite désigné René Raban comme étant un « terroriste », comme les médias désignaient encore les résistants.
Pas de jugement, la seule affirmation de X a suffi aux militaires pour exécuter le jeune garçon et le laisser là, à terre, à quelques mètres de sa maison.
C'est le seul
membre du groupe FFI qui fut pris dans la rafle, d'autres, les frères Clée
notamment, ont pu dévaler les collines, poursuivis en vain par les soldats.
En fin d'après-midi ils cherchent toujours ; l'un d'eux m'apercevant, pose son pistolet sur ma poitrine en me dévisageant, mais comme je ne corresponds pas à celui qu'il traque, il me relâche aussitôt. Le soir les habitants sont contraints de gagner les abris creusés depuis plusieurs jours au fond de la cavée. La mère, le père et la sœur de René sont parmi nous. (Monsieur Raban figurait au nombre des hommes rassemblés dans la cour de la mairie : il a donc assisté à la mort de son fils).
Le lendemain
chacun regagne le village.
Bientôt quelques personnes se regroupent autour du corps de René, gisant devant la mairie, depuis la veille. Dans la matinée il est décidé de mettre le corps en terre. Préalablement une fosse avait été creusée dans la cour d'une maison voisine où habitent une vieille dame, Madame Rivette, et sa fille.
Mon père et moi transportons la victime, suivis par quelques habitants et par l'affreux Monsieur X. Il est là, goguenard, affichant un air suffisant : il sifflote, joue avec des pièces de monnaie qui tintent dans sa poche. Mon père se fâche lui faisant remarquer qu'il pourrait montrer plus de retenue, d'autant qu'il est face à un garçon de son âge, ajoutant « avant de le déposer dans sa tombe je vais l'embrasser au nom de sa mère ». X ne réplique pas. Aucun militaire n'est présent lors de cette triste cérémonie. Pour eux, vraisemblablement, il s'agit d'une histoire entre Français.
Dans l'après-midi, mon père, ma tante et moi partons pour Senneville, rejoindre des parents. Nous y resterons jusqu'à l'arrivée des Canadiens, pour retrouver le Plessis 2 jours plus tard, vide de tout militaire.
D'après les récits
il ne s'est pas agi d'une retraite organisée, mais plutôt d'une débandade, car
les militaires ont fui en désordre, qui sur des vélos volés, qui a cheval sur
le dos du brave Bijou (asthmatique), qui dans le tombereau. Beaucoup de vides
dans la ferme, y compris dans la basse-cour.
Et puis ce fut la
liesse générale générée par la liberté retrouvée.
Quant à X, lui aussi a disparu, comme les militaires, mais il sera arrêté les jours suivants, jugé et condamné.
Amfreville-sous-les-Monts devait déplorer deux autres victimes :
- l'institutrice, Mademoiselle
Privé, qui du fait de sa fonction habitait la Mairie-Ecole, a vu le drame se
dérouler sous ses yeux : les images sont trop violentes pour elle, impossibles
à supporter, si bien que sa raison vacille. On doit l'interner dans les jours
suivants. Elle quittera son école et son père en ambulance, pour ne plus
revenir.
- antérieurement, le 23 mai 1943,
André Bocquet, gardien au château des 2 Amants, effectuant sa ronde, se trouve
face à face devant 2 soldats allemands déserteurs. Dans la crainte d'être
dénoncés, ceux-ci abattent le gardien. Il appartenait à une vieille famille du
pays, marié à une jeune fille du village, père depuis quelques mois.
Claude Certain, décembre 2010
QUELQUES
ASCENDANTS DE RENE RABAN
Charles RABAN 1843-
|
Adelphine BROUARD 1850-
|
Irénée Marie REMOND 1851-1930
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Marie Dorothee NADIN 1856-
|
Isidore Alexandre DUVAL
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Louise Celina THUILLIER †1888
|
Louis Florentin DEBERGUE †1872
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Appoline SAUTEUR
|
Jules Raoul RABAN 1879-1959
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Marie Anna REMOND 1886-
|
Alexandre Augustin DUVAL 1871-
|
Hubertine DEBERGUE 1871-
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Rene Delphin RABAN 1905-1969
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Germaine Suzanne Desiree DUVAL 1908-1993
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René Hubert Raoul RABAN 1927-1944
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