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1 juin 2017

Qui était René Raban ?


René Raban, résistant

La rue de Pont-Saint-Pierre qui prolonge la Grande rue vers Douville porte son nom, et la place de la Mairie d'Amfreville-sous-les-monts. Nous publions ici, sans commentaires, ce témoignage qui explique pourquoi.

Témoignage sur les événements tragiques du 24 août au Plessis

Ce jeudi 24 août 1944 un détachement allemand qui a réussi à franchir la Seine, fait halte au Plessis. Les soldats se reposent dans des bâtiments agricoles ou chez l'habitant. Peu de matériel en vue, seul un char d'assaut, après avoir franchi une haie, s'est mis à l'abri sous un arbre. De toute évidence les militaires redoutent les vols de l'aviation alliée.
Depuis quelques jours, mon père et moi sommes « réfugiés » au Plessis, chez ma tante, madame Y. Dailly, qui en l'absence de son mari exploite une petite ferme. Cet après-midi là un soldat se trouve dans la cuisine ; il nous montre la photo de sa femme et de ses enfants : on le sent très déprimé et à ce moment là il n'a rien d'un occupant arrogant. D'autres de ses camarades sont allongés sur la paille, dans la grange. C'est alors que survient un officier qui braille des ordres impérieux. Aussitôt, notre Allemand nostalgique, sortant son pistolet, nous ordonne de le suivre. Nous traversons la cour, lui devant, nous derrière, quand arrivés au niveau de l'étable, mon père nous entraîne le long du bâtiment, puis dans un pré attenant dont nous franchissons la haie, je ne sais de quelle manière. Et là, aplatis sur le sol, nous entendons des ordres, des cris impressionnants, véhéments, venant de la mairie voisine. (Par chance notre Allemand dépressif n'était sans doute pas vindicatif, car il nous a tout simplement laissés fuir ).

De la cour de la mairie parvient un brouhaha incompréhensible, ponctué bientôt par des coups de feu, eux trop compréhensibles !
Je ne saurais préciser le temps durant lequel nous sommes restés terrés derrière la haie.
Nous sortons de notre refuge quand le calme est enfin revenu et alors les témoins oculaires, en fait les otages, commentent le drame. Ordre a été donné aux militaires en repos, de rassembler les hommes du hameau dans la cour de la mairie, sous la menace des armes : d'où les ordres et les cris que nous avons entendus. Or l'un de ces hommes craignant le pire s'est échappé en courant, pas assez vite, le malheureux, stoppé dans sa course par une rafale. C'était Alidor Cras, réfugié depuis peu dans la commune pour fuir les bombardements du Havre ...

C'est alors qu'un triste individu entre en scène, agissant seul de son plein gré, pour désigner aux occupants les Amfrevillais membres des FFI (Forces Françaises de l'Intérieur).
Ce jeune garçon séjournait depuis peu au Plessis, attiré par les beaux yeux d'une adolescente, appartenant à une vieille famille de la commune. Elle connaissait l'existence du groupe de résistants (dont l'un de ses frères faisait partie) et, sans doute, par sotte vantardise, en a-t-elle parlé à celui que j'appellerai X. Celui-ci, à n'en pas douter ouvert à la propagande vichyssoise, est allé tout raconter à un officier allemand, lequel a déclenché la rafle.

Et parmi tous les hommes rassemblés dans la cour de la mairie le triste X a vite désigné René Raban comme étant un « terroriste », comme les médias désignaient encore les résistants.

Pas de jugement, la seule affirmation de X a suffi aux militaires pour exécuter le jeune garçon et le laisser là, à terre, à quelques mètres de sa maison.
C'est le seul membre du groupe FFI qui fut pris dans la rafle, d'autres, les frères Clée notamment, ont pu dévaler les collines, poursuivis en vain par les soldats.

En fin d'après-midi ils cherchent toujours ; l'un d'eux m'apercevant, pose son pistolet sur ma poitrine en me dévisageant, mais comme je ne corresponds pas à celui qu'il traque, il me relâche aussitôt. Le soir les habitants sont contraints de gagner les abris creusés depuis plusieurs jours au fond de la cavée. La mère, le père et la sœur de René sont parmi nous. (Monsieur Raban figurait au nombre des hommes rassemblés dans la cour de la mairie : il a donc assisté à la mort de son fils).
Le lendemain chacun regagne le village.

Bientôt quelques personnes se regroupent autour du corps de René, gisant devant la mairie, depuis la veille. Dans la matinée il est décidé de mettre le corps en terre. Préalablement une fosse avait été creusée dans la cour d'une maison voisine où habitent une vieille dame, Madame Rivette, et sa fille.

Mon père et moi transportons la victime, suivis par quelques habitants et par l'affreux Monsieur X. Il est là, goguenard, affichant un air suffisant : il sifflote, joue avec des pièces de monnaie qui tintent dans sa poche. Mon père se fâche lui faisant remarquer qu'il pourrait montrer plus de retenue, d'autant qu'il est face à un garçon de son âge, ajoutant « avant de le déposer dans sa tombe je vais l'embrasser au nom de sa mère ». X ne réplique pas. Aucun militaire n'est présent lors de cette triste cérémonie. Pour eux, vraisemblablement, il s'agit d'une histoire entre Français.

Dans l'après-midi, mon père, ma tante et moi partons pour Senneville, rejoindre des parents. Nous y resterons jusqu'à l'arrivée des Canadiens, pour retrouver le Plessis 2 jours plus tard, vide de tout militaire.
D'après les récits il ne s'est pas agi d'une retraite organisée, mais plutôt d'une débandade, car les militaires ont fui en désordre, qui sur des vélos volés, qui a cheval sur le dos du brave Bijou (asthmatique), qui dans le tombereau. Beaucoup de vides dans la ferme, y compris dans la basse-cour.
Et puis ce fut la liesse générale générée par la liberté retrouvée.

Quant à X, lui aussi a disparu, comme les militaires, mais il sera arrêté les jours suivants, jugé et condamné.

Amfreville-sous-les-Monts devait déplorer deux autres victimes :
- l'institutrice, Mademoiselle Privé, qui du fait de sa fonction habitait la Mairie-Ecole, a vu le drame se dérouler sous ses yeux : les images sont trop violentes pour elle, impossibles à supporter, si bien que sa raison vacille. On doit l'interner dans les jours suivants. Elle quittera son école et son père en ambulance, pour ne plus revenir.
- antérieurement, le 23 mai 1943, André Bocquet, gardien au château des 2 Amants, effectuant sa ronde, se trouve face à face devant 2 soldats allemands déserteurs. Dans la crainte d'être dénoncés, ceux-ci abattent le gardien. Il appartenait à une vieille famille du pays, marié à une jeune fille du village, père depuis quelques mois.

Claude Certain, décembre 2010



QUELQUES ASCENDANTS DE RENE RABAN

Charles RABAN 1843-
Adelphine BROUARD 1850-
Irénée Marie REMOND 1851-1930
Marie Dorothee NADIN 1856-
Isidore Alexandre DUVAL
Louise Celina THUILLIER †1888
Louis Florentin DEBERGUE †1872
Appoline SAUTEUR
Jules Raoul RABAN 1879-1959
Marie Anna REMOND 1886-
Alexandre Augustin DUVAL 1871-
Hubertine DEBERGUE 1871-
Rene Delphin RABAN 1905-1969
Germaine Suzanne Desiree DUVAL 1908-1993
René Hubert Raoul RABAN 1927-1944