La préhistoire dans la basse vallée de l’Andelle
Le paléolithique
On a découvert sur
le territoire de la commune de Pîtres de nombreux outils en silex et même un
squelette de mammouth.
Les objets les
plus anciens remontent aux paléolithiques : haches plates (acheuléen) ou
pointes de flèches du moustérien. (Environ 80 000 ans avant notre ère).
Les lieux où ils
ont été trouvés indiquent que les hommes occupaient plutôt la zone de champs et
de bois qui se trouve aujourd'hui au dessus de la départementale, entre 25 et
50 m d'altitude, donc non inondable.
Les hommes qui se
trouvaient là maîtrisaient le feu, se déplaçaient derrière leurs proies,
rhinocéros laineux, mammouth, ours durant les périodes froides, ou éléphants
hippopotames, des périodes chaudes. C'est un homo erectus, le successeur
d’homo habilis.
Plus
tard viendront les Homo sapiens, d’abord
l’homme de Néanderthal, puis l’homme de
Cromagon, dont on trouve des traces dans un rayon tout proche, en particulier
dans les grottes de Gouy (dite du Cheval
) et de Port Saint Ouen (disparue dans l’aménagement de la route nationale).
Datés de 12000 av J.C, ces grottes ont abrité les chasseurs de mammouths
et de rhinocéros (laineux, le climat est encore très froid) des vallées.
Chronologie pour l'Europe des âges préhistoriques
Paléolithique
- archaïque : 1 à 2 millions av. J.C.
- inférieur : acheuléen (bifaces).
- moyen : se caractérise par une technique de production
des outils beaucoup plus élaborée (débitage Levallois). C’est la culture
typique de l’homme de Neanderthal.
- supérieur (40 000
- 30 000 ans environ) première culture de l’homme moderne en Europe (Cro-Magnon):
débitage en lames, encore plus performant, pointes de sagaies à base fendue
pour faciliter leur emmanchement. L'art fait son apparition, avec de nombreuses statuettes et des figurations
pariétales (sur parois) en grottes. Dans toute l’Europe apparaissent des
statuettes féminines aux formes généreuses, surnommées Vénus. Il pourrait s’agir de symboles de fécondité.
Un pas est franchi
avec le solutréen (21 000 – 18 000 ans av. J.C.). Les tailleurs solutréens
façonnaient des outils extrêmement fins, retouchés sur les deux faces, au
tranchant fin et effilé. Le plus célèbre est surnommé « feuille de laurier », en raison de sa finesse. Deux outils
majeurs apparaissent: l’aiguille à chas, qui permet de coudre les vêtements, et
le propulseur, qui permet de multiplier la puissance de jet des sagaies.
Puis le magdalénien (17 000 – 9 000 ans) marque la fin de la dernière glaciation et
l’apparition progressive des conditions climatiques actuelles. Le développement
du travail de l’os et du bois de cervidé culmine avec l’invention du harpon.
Outils paléolithiques trouvés à Pîtres et que l’on peut
voir aux musées des Antiquités de Seine-Maritime (Rouen) et de l’Eure (Evreux).
Pour de plus amples renseignements, vous pouvez vous
reporter au Bilan archéologique établi pour Pîtres par Claire
Beurion en 1992, travail pointu et très complet sur lequel nous nous sommes appuyés (référencé sur le
site de la mairie de Pîtres par Rodolphe Delorme)
Le néolithique : agriculture, sédentarisation.
Au quatrième millénaire av. J.C., les
indices d'occupation sont surtout localisés à la Pierre-Saint Martin. On a trouvé plus d'un millier de grattoirs, percuteurs en
silex et en grès, retouchoirs, tranchets, ciseaux, pics, lames... La plupart des haches polies en silex paraissent, par la nature du silex
employé, avoir été importées. Elles sont
souvent retaillées, étrécies en ciseaux; on les employait jusqu'à usure presque
complète….Ce site n'était pas une simple
station de halte mais un lieu d'habitat permanent.
Au XIXe siècle, lorsqu'on surcreusa
l'Andelle pour créer l'usine de l'abbé Vaurabourg (voir article), on
découvrit des pilotis, des pics et des gaines de hache en bois de cerf indiquant qu'une station néolithique existait
précédemment à cet endroit. Une autre grande station néolithique a été
découverte à Poses, lors de la mise en exploitation des ballastières. (d’après
Claire Beurion)
Maquette inspirée des découvertes
faites à Poses (Eure) par F. Bostyn (Inrap) et son équipe (Muséum du Havre)
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Révolution néolithique ?
Au Néolithique, les hommes n’exploitent plus seulement les
ressources naturellement disponibles mais commencent à en produire une partie.
La chasse et la cueillette continuent à fournir une part substantielle des
ressources alimentaires mais l’agriculture et l’élevage jouent un rôle de plus
en plus important. L’agriculture implique le plus souvent l’adoption d’un
habitat sédentaire, donc l’abandon du nomadisme.
Si ce fut une des étapes majeures de l'aventure humaine, au
même titre que la domestication du feu ou la révolution industrielle au XIXème,
le fait de la qualifier de révolution a été critiqué dans la mesure où
l'adoption des innovations qui la caractérisent ne fut ni brutale, ni
simultanée.
La pierre Saint Martin est un bloc de
grès qui se trouvait au lieu-dit qui lui doit son nom, portant des dépressions
naturelles en forme de trous. Il fut probablement vénéré dès l'époque
néolithique. Quand on le déplaça on découvrit un caveau gallo-romain, tenu à
l'époque pour un petit temple. Lorsque le christianisme s'installa en Gaule au
V siècle, on tenta de faire disparaître ces cultes contraires à la religion
chrétienne, mais comme on ne pouvait supprimer la croyance à ses vertus
curatives on le mit sous le vocable de
Saint Martin. Léon Coutil, dans son inventaire des mégalithes de l'Eure, décrit
le culte dont il faisait l'objet : « Les gens du pays reconnaissaient dans
ces cavités les pas de Saint-Martin et de son cheval. Elle passe encore...pour
guérir le "carreau" et le "muguet". Les pèlerins venaient jadis
y faire leurs dévotions et déposaient dessus diverses offrandes et même de
l'argent, présents que le propriétaire du champ s'appropriait ensuite. Des
contestations surgirent entre le propriétaire et le curé qui prétendait que les
offrandes revenaient à l'église. Pour trancher ce différend, le propriétaire
transporta, en 1856, la pierre guérisseuse à l'entrée de sa ferme… Les pèlerins
continuent à venir se frotter contre la pierre, ils attachent aux arbres
voisins des rubans de coton et placent leurs offrandes dans un tronc que cet
homme a eu la bonne idée de mettre à côté.» La pierre se trouve aujourd’hui
dans un petit enclos au n° 6 de la route
de Rouen. (d’après Claire Beurion)
UN VILLAGE GAULOIS IMPORTANT
Le site de Pîtres
devait être assez attirant, puisque
quelques millénaires plus tard, de nouveaux arrivants, venus d’Europe centrale
et parlant une langue indo-européenne, s’y installent. Une nécropole gauloise qualifiée d’exceptionnelle par les
archéologues, environ 2000 tombes, a en effet été découverte à la Remise,
derrière les Varennes indiquant la proximité d’un village important. Voici la
description qui en est faite dans le Bilan archéologique dressé par Claire
Beurion en 1992:
« Le défunt était brûlé sur un bûcher
puis les ossements restants étaient récupérés et placés dans une urne. Celle-ci
était ensuite déposée dans une fosse avec quelquefois des offrandes et des
objets ayant appartenu au mort... (dont des épées tordues).
Le
rituel de l'épée ployée semble avoir pour but d'éviter une réutilisation et de
consacrer l'arme uniquement au défunt. Plusieurs tombes à char (au moins
trois), ont été signalées …. La nécropole gauloise de Pitres est exceptionnelle
à plusieurs titres:
- Un vase entièrement décoré de cercles et
d'arcs de cercles fut découvert. Ce vase est caractéristique d'une période
comprise entre la fin du IIIe siècle et la fin du IIe siècle avant J-C, période
où les tombes à char de l 'aristocratie gauloise apparaissent en
Haute-Normandie. Jusqu'ici ce vase n'a pas d'équivalent exact dans le monde
celtique.
- Les ensembles
funéraires observés à Pîtres sont à comparer avec ceux des Ardennes et de
l'Allemagne. En revanche, le rite de destruction des armes est totalement
distinct de celui des Ardennes et proche de celui des régions plus orientales.
Dans le domaine stylistique, les éléments de harnais d’une sépulture évoquent,
par certains détails, leurs équivalents des îles britanniques. Un faciès
"normand" semble se dessiner à Pitres, intermédiaire entre la
celtique continentale et la celtique insulaire. »
Eburovices ou Véliocasses ?
Pîtres se trouvait en limite des territoires des Véliocasses et des Eburovices
Les Véliocasses, « meilleurs au
combat », vivaient dans le Vexin, auquel ils ont donné le nom. Leur chef-lieu
était Rotomagus, Rouen. En 52 av. J-C., ils participent au soulèvement général
contre César en fournissant 3 000 hommes
pour porter secours à Vercingétorix. Leur territoire suit la Seine sur la rive droite depuis le confluent avec l'Oise
et s'étend sur le plateau du Vexin.
Les Aulerques («qui sont loin de
leurs traces» ?) comprenaient plusieurs grandes tribus: Diablintes, Jublains,
Cénomans (Le Mans), et Éburovices (Evreux) dont le territoire recouvre à peu
près le département de l'Eure. Leur nom contient la racine « eburo », sanglier
ou if dans les langues celtiques. Leur principal sanctuaire se trouvait sur le
site occupé actuellement par le village du Vieil-Évreux.
La langue gauloise
Elle appartient au groupe
celtique des langues indo-européennes, dont le breton et le gaélique sont les
derniers survivants (les autres groupes étant : germanique, latin, grec, slave,
indien, iranien ...).
La langue gauloise mettra presque
500 ans à disparaître, remplacée progressivement par le latin du conquérant.
Elle n’a laissé que peu de traces en français : alouette, alpe, ambassade,
ardoise, bâche, balai, barque, barre,
bec, berge, blé, braguette, boue, gosier, jarret, joue, patte, quai, raie,
ruche...