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1 décembre 2017

Tron et Berthet, la selle Idéale

Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale.
Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre
La selle Idéale


Dans le numéro précédent, nous nous sommes intéressés à la carrière sportive de Marcel Berthet et à ses inventions. Dans cet article nous revenons sur le fondateur, Jean-François Tron, et l'histoire de son entreprise.

Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale.
Si nous considérons l’ancêtre de la bicyclette, nous ne nous émerveillerons pas sur le confort de l’assise, mais pourtant, dès l’apparition de la bicyclette moderne, à la fin du XIXème siècle, la selle a été une des fortes préoccupations des usagers. Or les fabricants de bonnes selles étaient peu nombreux en France. La fabrication de selles en Angleterre avait pris un essor considérable, alors qu'elle se maintenait chez nous à l'état embryonnaire.

Jean François Tron

Fils de pauvres ouvriers, Jean François Tron est né en 1851 à Cuneo dans le Piémont italien et émigre à Marseille. Il perd son père tout jeune, et doit travailler dès son plus jeune âge. La mécanique l’attire, il essaie successivement quelques petits métiers dont aucun ne lui apporte satisfaction. Il vient à Paris dans divers ateliers jusqu’à son départ pour l’armée. Libéré en 1888, il reprend la mécanique, en cherchant à devenir son propre maitre.
En 1890, il achète un petit atelier d’estampage. Seul avec un apprenti, il fabrique différents petits articles notamment des petits cadres en fer blanc et un relève-jupe* de son invention. Il se rend compte qu’il doit diversifier son activité sous peine de voir son industrie languir.
* dit aussi "saute-ruisseau", c'est une pince que les femmes accrochaient à leur ceinture et qui leur permettait de relever leur jupe afin de ne pas la salir, en évitant la poussière, la boue, une flaque d’eau, … On l'appelle aussi un "Suivez-moi jeune homme"... 

Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - relève-jupe
A la suite d'une rencontre avec un des premiers fabricants de selles de vélos, Noirot, il fabrique un outillage et se met à découper et emboutir des ferrures de selles pour celui-ci.

L’année suivante, Bauriat, concurrent de Noirot lui passe commande de 20.000 pièces d’un modèle spécial pour lequel Tron conçoit un nouvel outillage. Suite à l’arrêt de la commande à 2.000 pièces, car Bauriat voulait payer moins que le prix convenu, il décide de faire lui-même de la selle de bicyclette, malgré la prédiction de Bauriat qui lui aurait dit: "Monsieur Tron, vous êtes trop c... pour faire des selles!" Il relève le défi ….

Aidé par un financier, Baillard, il déménage plusieurs fois dans Paris pour agrandir ses ateliers et sacrifie une grande partie de ses bénéfices en achetant du matériel: des moteurs, trois presses et du matériel de nickelage et d’émaillage. 

Pont-Saint-Pierre

Petit à petit, il sort de l’ornière et son modeste atelier prend l’allure d’une véritable petite usine. En 1900, il est de nouveau trop petit, la force motrice est insuffisante et le bail arrive à expiration. Songeant à utiliser la force hydraulique, il cherche un endroit en province et trouve à Pont-Saint-Pierre l’usine rêvée, une ancienne filature de laine.

Nouvel obstacle : le propriétaire veut vendre et non pas louer. Grâce à un accord avec un représentant de Paris, Tron résout ce problème.

Son premier travail consiste à remettre l’usine en état. Travail important car il s’agit de supprimer les trois étages de l’usine qui n’étaient plus aptes à servir, conserver le rez-de- chaussée en le réparant et réédifier un étage au dessus.

Les premières années sont difficiles, à cause de grosses dettes, puis, la fabrication augmentant, un renouvellement de machines devient nécessaire. Environ 40 ouvriers étaient employés à cette époque.
Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale.
Pendant un temps, il se lance dans la construction de voitures automobiles et réalise en 1904 un véhicule monoplace, équipé d'un moteur de Dion Bouton, dont le volant articulé permet au pilote de s'installer commodément. Le baron Levasseur lui aurait même commandé une de ces machines. Mais la réputation des selles "Idéale" l'amènera à abandonner cette voie.
Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre
En 1908, suite à des difficultés avec son prêteur, il achète une usine inoccupée voisine de la sienne, La Baleine et en 1912, y installe une turbine, puis fabrique l'année suivante deux presses spéciales pour le cuir et fait des études de tannage du cuir.

La guerre 14-18 et les années 20

Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale. Complexité… Ici un modèle "confort", avec ressorts multiples
Complexité… Ici un modèle "confort", avec ressorts multiples

Les industries sont toutes paralysées pendant quatre ans. Tron se met à travailler pour la défense nationale dans la fabrication de gaines pour obus. Parallèlement la fabrication des selles se poursuit malgré les difficultés d’approvisionnement. Il est obligé de tanner lui-même son cuir. La paix rétablie, durant les années 20 il procède à la réfection de tout l’outillage et acquiert de nombreuses machines outils. La fabrication des selles ne cesse de s’accroitre pour atteindre en 1922 le chiffre de 200.000.
Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale.
Les locaux s’avérant trop exigus pour suivre cette cadence, des agrandissements et des perfectionnements amènent en 1926 la construction de l’usine actuelle. Dix ans plus tard la production atteint 500 000 unités, avec un catalogue d'au moins 80 références pour tous les âges pour tous les goûts.

Jean, Jeanne et Marcel

Après le décès de Jean-François Tron en 1931, l’entreprise est dirigée par son fils Jean et sa fille Jeanne, mariée au coureur Marcel Berthet qui participe à la commercialisation de la selle Idéale. Dans les années 1930-1940, l'entreprise emploie jusqu'à 220 personnes.

Pendant la seconde guerre mondiale, le cuir faisant défaut, on fabrique l'Idéale Dunlop, selle utilisant  un dessus en caoutchouc Dunlop monté sur les mêmes ferrures que le cuir, qui résiste aux intempéries et est très souple.

Une spécialité de l'usine est le rodage à la main "façon Rebours", mis au point par Daniel Rebours, qui permet d'obtenir des selles beaucoup plus confortables.

Pierre Berthet reprend l'entreprise en 1969. En 1975, elle compte 110 salariés. Les grands fabricants français passent des commandes, l'export est florissant notamment avec le Japon.
Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale. Le dernier modèle fabriqué à Pont-Saint-Pierre
Le dernier modèle fabriqué à Pont-Saint-Pierre

Puis la situation économique se dégrade, les grandes marques de cycles vont aux prix les plus bas et la concurrence devient plus forte. Malgré une production réduite, refusant de jouer uniquement la carte du plastique comme les Italiens, la direction conserve la fabrication traditionnelle de la selle cuir haut de gamme et ne fabrique que peu de selles en plastique. L’entreprise se lance alors dans une activité annexe la fabrication de caillebotis.
Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - caillebotis

En 1981, il ne reste plus que 42 employés, la société est en liquidation judiciaire et dépose son bilan, et les manifestations ne peuvent empêcher la fermeture de l'usine..

Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale. Paris-Normandie 21/10/1981
Paris-Normandie 21/10/1981

2017 Renaissance …

La pratique du vélo reprend, amateurs de vitesse et cyclotouristes exigeants n'ont pas oublié la qualité et le confort de la selle Idéale, et c'est l'un d'eux, Frédéric Ducès, qui reprend une production haut de gamme à Toulouse, redonnant vie à la marque pétripontaine.
Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale. Impartial 2/11/17
Impartial 2/11/17

Sources:

-Archives personnelles
-Revue des Agents
-Paris Normandie
-L'impartial
-la famille Berthet
-Différents sites internet sur le vélo, qui se recopient souvent les uns les autres…


Philippe Levacher





Ci-après, vous trouverez un montage de documents rassemblés en mémoire de l'entreprise, peut-être y reconnaitrez vous des proches, ou des lieux jadis familiers. C'est le but.
Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale. Le personnel en 1922. 1. Robert Thiron, directeur  2.Marcel Chevrier  3.Marcel Thiron  4.Jean Perrier  5. M. Eudimont (grand-père de Dieppedale)  6.Onésime Hubert (père de Maurice) et juste en dessous, Lesueur, comptable   7. Henriette Dubec   8. Filleul    9. M. de Bonnebeau de Coutelier  10. Gaby Dubec, femme de Robert, tué en 1915, née Fouet  11. Mme Boutet   12.Yvonne Moreux, du bureau   13. Marguerite Lafossas, de la Neuville  14. Yvonne Bienfait, mariée à Robert Benoist   16. Maurice Hubert   marqué d'une croix : l'Anglais Sidney Hatrell. Non repérée : Charlotte Diéval Fleurdeau
Le personnel en 1922.
1. Robert Thiron, directeur  2.Marcel Chevrier  3.Marcel Thiron  4.Jean Perrier  5. M. Eudimont (grand-père de Dieppedale)  6.Onésime Hubert (père de Maurice) et juste en dessous, Lesueur, comptable   7. Henriette Dubec   8. Filleul    9. M. de Bonnebeau de Coutelier  10. Gaby Dubec, femme de Robert, tué en 1915, née Fouet  11. Mme Boutet   12.Yvonne Moreux, du bureau   13. Marguerite Lafossas, de la Neuville  14. Yvonne Bienfait, mariée à Robert Benoist   16. Maurice Hubert   marqué d'une croix : l'Anglais Sidney Hatrell. Non repérée : Charlotte Diéval Fleurdeau   

Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale. 1929, Paris : le stand des selles "Idéale" au Salon du cycle et de la moto
1929, Paris : le stand des selles "Idéale" au Salon du cycle et de la moto

Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale. L'atelier de montage en 1935
L'atelier de montage en 1935

Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale. Les presses de découpage des parties métalliques en 1935
Les presses de découpage des parties métalliques en 1935

Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale. 1920  de gauche  à droite, M. Thiron qui deviendra directeur technique,  M. Filleul qui ira fonder sa propre usine de selles "la Perle" à Perruel (qui deviendra Robergel, spécialisé dans les rayons de vélo puis les enjoliveurs, et M. Barberis.
1920  de gauche  à droite, M. Thiron qui deviendra directeur technique,  M. Filleul qui ira fonder sa propre usine de selles "la Perle" à Perruel (qui deviendra Robergel, spécialisé dans les rayons de vélo puis les enjoliveurs, et M. Barberis.

Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale. Le papier à en-tête en 1910
Le papier à en-tête en 1910

Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale. L'usine La baleine sur le site du futur Dosapro-Milton Roy
L'usine La baleine sur le site du futur Dosapro-Milton Roy

Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale. L'usine Tron en 1911
L'usine Tron en 1911

Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale. Photos vraisemblablement prises à l'occasion de l'inauguration de la cantine dans les années 50
Photo vraisemblablement prise à l'occasion de l'inauguration de la cantine dans les années 50

Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale. Photos vraisemblablement prises à l'occasion de l'inauguration de la cantine dans les années 50
Photo vraisemblablement prise à l'occasion de l'inauguration de la cantine dans les années 50

Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale. L'usine après les derniers aménagements de 1948
L'usine après les derniers aménagements de 1948

Tron et Berthet à Pont-Saint-Pierre - La selle Idéale. L'atelier de montage du cuir
L'atelier de montage du cuir

1 octobre 2017

Berthet, champion cycliste, innovateur et entrepreneur

Marcel Berthet - Selles Tron et Berthet

Marcel Berthet, champion cycliste et entrepreneur


Dans le monde du cyclisme, chacun connaissait la selle " Idéale " que l'usine Tron et Berthet produisait à Pont-Saint-Pierre.

Coureur, industriel passionné à l’origine de la conception de nouvelles machines, Marcel Berthet a, pendant plus d’un quart de siècle, contribué à l’histoire du cyclisme mondial. Son nom est un peu oublié aujourd’hui, pourtant au-delà d’avoir inscrit son nom dans la chronologie du record du monde de l’heure, il a contribué à l’évolution technique de la bicyclette.

Marcel Berthet
Né en 1887 à Neuilly sur Seine, dès l'âge de 15 ans, il décroche des titres à Longchamp, et en 1905, il emporte chez les amateurs la course Paris-Provins-Paris, en 1907, Paris-Dieppe. A 18 ans un avenir semble s'offrir à lui. Piètre grimpeur, il se prend de passion pour les courses de fond.

En 1905, Lucien Petit-Breton a porté le record de l’heure à 41,110 kilomètres et cet événement a semble-t-il marqué Marcel Berthet qui s’est mis en tète de battre ce record. En homme qui ne laisse rien au hasard, il prend le temps de préparer sa tentative dans les meilleures conditions. Simple amateur, il enlève le record au professionnel. La maison Dunlop lui ayant offert une prime de 200 francs, il fut disqualifié à vie.

En 1908, la notoriété acquise grâce au record, il décide alors de faire une carrière de champion professionnel. Le père, qui travaillait dans la banque, accabla son fils. Marcel Berthet savait que sa fortune n’était pas à un guichet de banque, mais dans ses mollets et surtout dans sa volonté inébranlable de fervent cycliste.
Marcel Berthet

Il quitte le domicile paternel. Il prend le départ du Tour de France qu’il abandonne après seulement trois étapes, Marcel Berthet n’est pas fait pour ce genre d’épreuve et il revient très vite sur la piste. Malgré une pointe de vitesse insuffisante il obtient régulièrement des accessits dans les épreuves des " six jours ". Il part courir à l’étranger en Belgique et en Allemagne où il décide de faire une nouvelle tentative du record du monde de l’heure le 12 septembre 1909. Un vent trop fort le contraint à mettre pied à terre avant terme ayant réussi malgré tout à améliorer son propre record du monde des dix kilomètres.

Jusqu’en 1912, Marcel Berthet reste le détenteur du record de l’heure, puis le grand champion suisse Oscar Egg s’en empare une première fois déclenchant un combat épique entre les deux hommes. En sept ans, le record du monde de l’heure venait de progresser de 3,727 km, signe évident du très haut niveau atteint par ces deux hommes. La guerre porta un coup d’arrêt au duel entre les deux hommes.

Ces performances méritent un immense respect quand on songe à la qualité du matériel utilisé à cette époque, pas d’aluminium, pas de carbone, des méthodes d’entrainement rudimentaires, pas de calcul de fréquence cardiaque, pas ou peu de connaissance en diététique. Même le dopage en était encore à ses balbutiements
Marcel Berthet améliora son propre record de 2,255 km alors qu’en 25 ans (1914-1939) les différents recordmen successifs ne l’ont amélioré que de 2,023 km.

A la quête de l'aérodynamisme

Il est important de noter que l’émulation de ce duel fit fortement progresser le record mais également la réflexion sur la technologie afin d’améliorer les machines et diminuer la résistance de l’air.

Marcel Berthet avait ses « combines », il fut le premier à porter des maillots de soie, il mettait les lacets dans ses chaussures et se passait les cheveux à la gomina.

A l’aube de la guerre de 1914, le voici en contact avec un jeune ingénieur aéronautique Etienne Buneau-Varilla, qui avec son aide réalise un vélo doté d’un carénage en forme d’œuf allongé, le " vélo-torpille ".
La forme très étudiée, malgré son volume permet de vaincre la résistance de l’air. C'est ainsi qu’au cours d’essais au Vel d’hiv qu’il fit sur le kilomètre, départ arrêté ou lancé, il bat le record du monde de 8 secondes. Le record sur 5 kilomètres est battu d'une minute 4 secondes. Sur 10 kilomètres il dépasse les 50km/h.

Marcel Berthet
En 1914, il devient soldat et entre dans l’aviation de chasse, où il est instructeur. En 1918, la guerre finie, il reprend les courses. En 1921, il gagne les six jours de Bruxelles. En Italie, il est reçu triomphalement après avoir battu Girardengo, le Coppi de l’époque.
Marcel Berthet

Ne rajeunissant pas, il quitte le domaine de la compétition mais ne peut renoncer à la piste. De 1927 à 1933 on le retrouve juge ou arbitre au Vel d’hiv où on l’appelle « l’élégant Marcel » il arbitre les « Six Jours » avec Bob Desmarets, dont la fille Sophie deviendra vedette de cinéma.
Par son mariage avec la fille de Mr Tron, Marcel Berthet s’associe avec son beau-frère et fabrique à Pont-Saint-Pierre la célèbre « Selle idéale » Profitant de sa notoriété pour développer l’activité commerciale de la société, l’entreprise familiale qui depuis 1927 était devenue une société anonyme est rebaptisée « Tron & Berthet S.A ». Homme d’affaire avisé, il est très impliqué dans la gestion de l’entreprise spécialement à partir de 1931, date du décès de son beau-père Jean-François Tron, fondateur de l’établissement à Paris en 1890.
Marcel Berthet - 1931 Sur la droite, en compagnie de Joséphine Baker
1931 Sur la droite, en compagnie de Joséphine Baker 
Son passage dans l’aviation l’avait introduit dans un autre milieu. Le voici en contact avec la maison Caudron, le constructeur d’avion et l’ingénieur Marcel Riffard aérodynamicien réputé. Ils préparent un projet fou : battre le record de l’heure en roulant à 50 km/h. A 46 ans il s’entraine et sait qu’il réussira.
Le vélodyne est né. Les essais durent huit mois en soufflerie chez Caudron-Renault

Le 8 septembre 1933, avec son "engin" Berthet parcourt 48,664 km dans l’heure. Déçu, il se remet en piste au Parc des Princes, mais sa tentative est interrompue après 40 minutes, sur crevaison.
Après quelques modifications et par trois fois, les essais échouent. Une douloureuse chute parait même mettre fin à ses tentatives. Mais c’est méconnaitre la ténacité de Marcel Berthet.

Le 18 novembre 1933, les vélodromes parisiens n'étant pas disponibles, il se présente sur la piste de 2,5 km de Montlhéry, le temps est maussade, malgré des flaques d’eau et une zone de ciment neuf qui fait patinoire, Berthet s’installe sur son deux-roues, ferme la porte de l’habitacle. Il sait qu’il n’est plus le Berthet d’il y a un mois et demi. Dix spectateurs seulement sont présents, amis, mécaniciens qui regardent le nom peint sur la curieuse machine : « Vélodyne ».
Vélodyne Marcel Berthet

Bien qu'il ait en vérité dépassé les 50km dans l’heure, puisqu’il accomplit 20 tours de piste, mais la piste de l’autodrome n’étant reconnue au point de vue cycliste, qu’à 2496 mètres de tour au lieu de 2500, le record est officiellement homologué à 49.922 km/h.

Marcel Berthet sera déçu par le résultat officiel. « plus de 10 fois j'ai évité la chute, il me fallait éviter les flaques d’eau déclara –t-il, " cela me console, car ce record, je le fais pour moi, pour le sport, pour ma satisfaction personnelle et je n’ai aucun intérêt… ". Pas de contrat faramineux à la clé. Le sport pour le sport. Autre temps autre mœurs.

Pédale Marcel Berthet
Le vélodyne n’eut pas d’avenir, Berthet y croyait pourtant.
Il crée alors sa propre pédale « la Berthet-Lyotard en collaboration avec Pierre Lyotard, pédale légère (190 g ) caractérisée par sa plate-forme confortable, sa « langue » permettant un clipsage du pied plus facile. Pierre Lyotard possédait une entreprise dans la région stéphanoise, disparue dans les années 1980. Elle a notamment fabriqué les pédales en caoutchouc blanc qui ont équipé les fameux « Solex ».

Tron et Berthet

A partir de 1933, il participe à la commercialisation des selles "Idéale". Son ami Daniel Rebour lui suggère de vendre des selles cuir déjà rodées c’est-à-dire assouplies, d’où l’appellation "rodée main selon Daniel Rebour". Le cuir est estampillé TB, initiales de Tron et Berthet. que l'on retrouve également sur le nez métallique du bec de selle qui cache la vis de tension.


Positionnée dans le haut de gamme, l’entreprise n’a pas pu survivre face à la concurrence des produits vendus à bas prix, elle fut contrainte à la fermeture en 1980.


Un peu avant 1950, son entourage voit Marcel Berthet décliner, maigrir à vue d’œil, perdre toute vitalité, avec des douleurs dans les articulations, vomir toute nourriture. Les médecins se succèdent, avec des diagnostics contradictoires et des traitements différents.

L'analyse d’une mèche de ses cheveux révèle l'existence d’une intoxication à l’arsenic. L’affaire fait grand bruit. De nombreuses rumeurs circulent, finalement une vieille gouvernante est mise en cause et est emprisonnée à Evreux.

Marcel Berthet décède le 07 avril 1953
.

L’œuf de Berthet

L'oeuf Marcel Berthet

Le "vélo-torpille" est remarquable par la simplicité de construction. Il est constitué par une carcasse légère en bois courbé recouverte par une toile parfaitement tendue identique à la voilure de parachute. A l’avant de cette charpente le tissu est remplacé par du celluloid en feuille mince et transparente ce qui permet au cycliste de voir parfaitement sa route. Le coureur est entièrement enfermé dans l’appareil ; seule sa tête peut émerger par un trou disposé à la partie supérieure. Il pénètre à l’intérieur de l’œuf par deux portes en bois contreplaqué, s’ouvrant de chaque coté. A la partie inférieure est aménagée une large ouverture, de sorte que les chevilles et les pieds sont apparents à chaque coup de pédale. La carcasse très rigide est reliée à la bicyclette par une armature en tubes et fils d’acier, qui assure à l’ensemble une indéformabilité absolue. Le poids total du vélo-torpille (bicyclette comprise) est de 17 kg.

Vélodyne Marcel Berthet

Le vélodyne

Il pèse 14 kg dont 7 pour l’enveloppe qui comprend une partie inférieure cylindrique et une partie haute profilée en tulipier mince, moulé en deux épaisseurs. Les bandes de tulipier sont recouvertes d’une toile de carton identique à la voilure des parachutes de l’époque, pesant 80g /m², enduite d’un vernis. Au sommet un heaume permet de loger la tête du coureur, assure la vision et l’aération par une étroite ouverture, les roues sont entoilées.


Ses records

1905 : premier au Paris –Provins –Paris
1907 : record du monde de l’heure
1909 : record du monde des 10 km
1913 : record du monde de l’heure: 43,775 km
           record de vitesse sur le km : 57.3 km/h


Sources:

 - revues cyclistes (Plein air, Miroir des sports, La vie au grand air, Sport illustré),
 - archives personnelles.


Philippe Levacher