1 mars 2017

1764 Rôle des vingtièmes à Pîtres

Impôts de la Dame Boniface à Pîtres en 1764


Rôle de 1764

des vingtièmes  à Pîtres


Aux Archives Départementales de l’Eure on trouve le rôle des vingtièmes de l’année 1764 pour Pîtres, répertoriant l’ensemble des revenus fonciers de la paroisse et les sommes dues (un vingtième des revenus). Ce document, que seul le hasard a préservé, nous donne donc une photographie de la répartition de la richesse foncière à cette époque, et nous avons là, environ une génération avant la Révolution, un bon exemple de ce qu’était l’inégalité des fortunes sous l’Ancien Régime.

Revenus fonciers de Pîtres en 1764
Le document recense 204 noms de contribuables, possédant à Pîtres des biens dont les revenus vont de 3300 livres à 2 livres pour le moins élevé. Rappelons qu’on peut en gros considérer qu’à l’époque une livre représente à peu près le revenu d’une journée de travail.
La paroisse comportait 200 feux ( ménages) en 1789 (source : Cahiers de doléances). Il est vraisemblable que ce nombre n’avait guère évolué, et il correspond bien à celui des contribuables diminué des propriétaires non résidents et augmenté des ouvriers qui ne possèdent aucune parcelle.

La Dame de Boniface
3300
Le Sieur Germiny
2390
Monsieur Hérambourg
1732
Le Sieur Girot
1200
Le Sieur Pontrevé
600
La Veuve Poulain Nicolas
450
Robert Depitre
300
Le Sieur Delaplace
290
Jean Lebret
280
Le sieur de Gruchet
200
Marie Gossent
200
Lebourg
190
Pierre Brunel
180
Le Sieur Lepin
180
Le Sieur Mouttier
180
Le Sieur Cottebert descroix
150
Nicolas Gossent
150
Pierre Letellier dit Bline
150
Hilaire Vallée
150
Louis Vigor
150
L. Letellier (de Romilly)
137
Jean Lenormand
124
J.-Pierre Brunel
104
François Martin
100


Le total des revenus est d’environ 17 500 livres, dont presque 13 000 livres pour les 24 contribuables ayant plus de 100 livres de revenu. Les quatre plus grosses fortunes représentent à elles seules presque la moitié de la richesse de le paroisse, et la dame de Boniface, qui possède la vallée Galantine, détient plus que les deux derniers tiers des contribuables. C’est dire à quel point la richesse est très inégalement répartie.
La propriété seigneuriale représente plus de la moitié des biens. Pour les roturiers on porte le prénom en tête, suivi du nom de famille, mais pour les propriétaires d’une seigneurie, qui d’ailleurs ne sont pas nécessairement nobles, c’est « le sieur X » ou «la dame X », marque de déférence.

Le vingtième était théoriquement payé sur tous les biens, mais les nobles réussissaient à y échapper, mais à Pîtres,  la Dame Boniface est rayée du rôle car elle est décédée quatre ans auparavant.

Fiefs et manoirs au XVIIIe siècle à Pîtres et au Manoir

Les Hautes-Loges
Les Hautes-Loges


Fiefs et manoirs au XVIIIe siècle à Pîtres et au Manoir



Du Moyen Âge jusqu'à la fin de l'Ancien Régime1, la plupart des terres appartenaient à des grands propriétaires : les seigneurs. Certes, quelques paysans possédaient des terres hors fief, ou alleux, mais le fief restait le mode de propriété le plus répandu et justifiait l'adage « nul terre sans seigneur ». 
1. On appelle Ancien Régime la période qui va du XVIe au XVIIIe siècle et qui précède la Révolution,  laquelle a créé un « nouveau régime ».

Les seigneurs pouvaient être soit laïques, soit ecclésiastiques. Ainsi à Pîtres au XVIIIe siècle les deux principaux seigneurs étaient le baron de Pont Saint-Pierre et les religieux du Collège de Rouen.
La propriété d'un fief était partagée entre le seigneur et le vassal : le seigneur, propriétaire direct du fief, le confiait à un vassal qui le « tenait », c'est-à-dire en avait l'usage et la jouissance moyennant des droits à acquitter au seigneur, précisés dans un document écrit, ou aveu. Par exemple des aveux datant du XVIIe siècle, mais encore valables au XVIIIe siècle, rendus par le comte de Rouville ou les chevaliers de Galantine, faisaient de ces personnages les vassaux du baron de Pont Saint-Pierre pour les terres qu'ils avaient à Pîtres2.  
2. Archives Départementales de Seine-Maritime 1 ER 573

Au cours des siècles les vassaux s’étaient beaucoup affranchis des seigneurs et les fiefs étaient devenus patrimoniaux et héréditaires : un vassal pouvait ainsi vendre, aliéner, ou diviser son fief, sous certaines conditions toutefois.
La possession d'un fief en propriété directe ou en vassalité donnait des droits sur les paysans résidant sur le fief : droits rémunérateurs (comme les taxes, les redevances, les péages, les impôts en argent ou en nature et prestations diverses), droits honorifiques (colombier, armoiries), ou droits de justice.
Il est souvent difficile de connaître la répartition des fiefs pour un lieu donné car le fief ne coïncidait avec aucune autre division locale, qu'elle soit topographique comme le village, judiciaire comme le baillage, ou religieuse comme la paroisse. Ainsi un fief pouvait englober plusieurs villages, ou le terroir d'un village pouvait être réparti en plusieurs fiefs. C'était le cas pour Pîtres et le Manoir. À Pîtres, outre le baron de Pont Saint-Pierre et ses vassaux déjà cités, d'autres seigneurs possédaient des terres, comme les Religieux des Deux Amants, la famille de Boniface, ou l'Abbaye de la Lyre.
Les documents sur ces fiefs subsistant aujourd'hui comprennent des plans, des cartes, des actes notariaux, des aveux, des terriers, des cueilloirs3.. Quelques-uns mentionnent le manoir du seigneur ou de son vassal. Le manoir, qui se différencie du château dès le XVe siècle car il ne comprend pas de fortifications, était en fait le centre de l'unité de production agricole que représentait le fief. Il comprenait une demeure où résidait le seigneur (ou son vassal), parfois remplacé par un intendant, et des bâtiments agricoles : charreterie, grange, colombier. Jouxtant le manoir, une ferme, parfois deux, complétaient le domaine. D'autres fermes plus lointaines étaient réparties sur le fief, si celui-ci avait une certaine importance. Parfois même le seigneur disposait de plusieurs manoirs.  
3. Terrier et cueilloir sont des registres qui donnent la liste des terres et des personnes relevant d'un fief pour en préciser les charges; ils sont souvent accompagnés d'un plan délimitant les parcelles.
Beaucoup de terriers et de cueilloirs ont disparu à la Révolution, brûlés par les paysans. Pîtres possède encore ces documents, commandés à la fin du XVIIIe siècle par Caillot de Coquéréaumont, baron de Pont Saint-Pierre. (ADSM 1ER 747 et 564)


À Pîtres


Au XVIIIe siècle, le village était réparti sur trois fiefs principaux : les Essarts, la Poterie, la vallée Galantine, qui appartenaient à trois seigneurs différents : la famille Lemonnier était propriétaire des Essarts, tandis que les familles de Tiremois et de Germiny possédaient le fief de la Poterie. Quant à la vallée Galantine, après avoir appartenu à une famille éponyme au XVIIe siècle, elle était passée par mariage au XVIIIe siècle à Alexandre Boniface, baron de Bosc le Hard. 
La ferme de la rue de la geôle à Pîtres, ancienne propriété de M.et Mme Meslin
La ferme de la rue de la geôle, ancienne propriété de M.et Mme Meslin
La ferme de la rue de la geôle à Pîtres - plan cadastral napoléonien.
 et le plan cadastral napoléonien
La ferme de la rue du Bosc à Pîtres
La ferme de la rue du Bosc
La ferme de la rue du Bosc à Pîtres - plan napoléonien où elle est notée Dubocq
et le plan napoléonien où elle est notée Dubocq
La vallée Galantine à Pîtres sur un plan de 1781 (ADSM)
La vallée Galantine sur un plan de 1781 (ADSM)
La vallée Galantine à Pîtres sur le cadastre napoléonien (ADE)
et sur le cadastre napoléonien (ADE)

Il y avait à Pîtres d’autres seigneurs, comme Louis Caillot de Coquereaumont, ou le prieuré des Deux Amants. De ces fiefs il reste aujourd'hui de grosses fermes au cœur même du village, rue du Bosc, rue de la Geôle, rue de l'Eglise. On peut les repérer telles qu'elles étaient au début du XIXe siècle sur le premier plan cadastral de Pîtres. Quelques beaux bâtiments subsistent actuellement. Pour l'une de ces fermes, la vallée Galantine, l’essai de reconstitution de son histoire est un peu plus aisé car il existe un dossier aux Archives Départementales de l'Eure (ADE).
Comme nous l'avons vu précédemment, elle appartenait à la famille de Boniface au XVIIIe siècle. En 1765, la veuve de Jean-Baptiste de Boniface partagea ses biens entre ses trois fils et c'est le deuxième qui hérita de la ferme, mais il la vendit quatre ans plus tard à Pierre Delacour. Elle changea plusieurs fois de mains au XIXe siècle et devint alors une poudrière utilisant le salpêtre local. Ce n'est qu'en 1993 que l'établissement fut fermé. Il ne reste malheureusement rien des bâtiments de l'ancienne ferme. On ne peut l'évoquer que grâce à deux plans, l'un de 1781 et le plan cadastral de 1834. La ferme apparaît comme un ensemble de bâtisses encadrant une cour carrée ou rectangulaire. À l'intérieur de cet espace on aperçoit un puits.
La ferme de la rue de l’église à Pîtres, anciennement rue Dumontier
La ferme de la rue de l’église, anciennement rue Dumontier
La ferme de la rue de l’église à Pîtres, cadastre de 1834
et le cadastre de 1834

Le Manoir.


La paroisse du Manoir était partagée en deux principaux fiefs au XVIIIe siècle, l’Essart et les Hautes loges. Pour chacun de ces deux fiefs subsistent les manoirs.

L’Essart

Le nom même du site indique son emplacement, en bordure de forêt ( essarter = défricher). Le fief de l'Essart appartint d'abord à la famille Guéroult et passa au XVIIIe siècle à la famille Hallé dont le membre le plus influent était Gilles Louis Hallé, comte de Rouville.
La ferme de l’Essart au Manoir

La ferme de l’Essart au Manoir restaurée
La ferme de l’Essart restaurée

Le manoir de l'Essart est visible sur deux plans anciens. Un plan terrier du XVIIIe siècle montre une cour close de murs, cernée par plusieurs bâtiments dont la demeure sise entre cette cour et un jardin. Dans la cour, le colombier, situé entre le four et le pressoir, fait face au logis.
Le tout est entouré d'espaces plantés et de bois. Une large allée, dénommée « avenue » sur la légende du plan, conduit à l'entrée du manoir.
Le plan cadastral du Manoir de 1835 montre peu de changements par rapport au XVIIIe siècle, si ce n'est la disparition de l'un des bâtiments agricoles de la cour (le four) et la construction d'un logis supplémentaire. Au XIXe siècle le domaine de l'Essart fut vendu et divisé. À la fin du siècle, huit fermes de polyculture se partageaient ses terres. Aujourd'hui il n'y a plus d'activités agricoles à l'Essart, mais le manoir a conservé une grande partie de ses bâtiments. Le logis principal a été restauré, la bergerie est devenue une habitation et la grande grange du XVIIe siècle a été transformée en gîte rural. Le colombier a disparu et le pressoir a été démonté et remonté à Saint-Amand des Hautes terres.


Les Hautes loges

Plan du Manoir en 1787
Plan du Manoir de 1787 (ADE) 

Les Hautes-Loges au Manoir au début du XXè siècle (carte postale, coll.part.)
Les Hautes-Loges au début du XXè siècle (carte postale, coll.part.)
Les Hautes-Loges au Manoir aujourd'hui
et aujourd'hui

Le fief des Hautes loges était la propriété de la famille Lemercier au XVIIe et XVIIIe siècle. De ce fief subsiste encore le manoir construit au XVIe siècle sur un léger escarpement dominant la Seine. Seul le logis lui-même a été conservé. C'est une belle demeure en calcaire, silex, et briques. La façade côté Seine est particulièrement remarquable : la partie droite du mur offre une alternance de lits de silex et de petites pierres calcaires et est percée de deux fenêtres dont l'une a gardé ses meneaux en pierre. La partie gauche est décorée de silex bleus, de briques et de pierres calcaires qui dessinent des motifs géométriques. Il surmonte une ancienne porte, aujourd'hui murée, avec un arc en plein cintre.

Les Hautes-Loges au Manoir
Les Hautes-Loges au Manoir
Les autres bâtiments, dont un colombier, visible sur un plan de 1787, ont disparu et l'espace qu'ils occupaient est aujourd'hui bâti de maisons récentes.


****

Le passé rural de Pîtres et du Manoir s'est déroulé dans le cadre de seigneuries locales, petites entités qui dépendaient souvent de structures plus importantes comme la baronnie de Pont Saint-Pierre. Les seigneuries étaient mouvantes, passant de mains en mains, partiellement ou totalement, par héritage, mariage ou vente. Il en reste des traces par les bâtiments des fermes et des manoirs qui subsistent encore. Leur intérêt architectural et historique nous invite à les préserver comme patrimoine de ces communes.



Nous remercions les propriétaires qui nous ont reçus et autorisés à reproduire des documents : M. et Mme Meslin, Delaby, Hue et Chéron.


Pîtres, de la préhistoire aux Gaulois



La préhistoire dans la basse vallée de l’Andelle

Le paléolithique


On a découvert sur le territoire de la commune de Pîtres de nombreux outils en silex et même un squelette de mammouth.
Les objets les plus anciens remontent aux paléolithiques : haches plates (acheuléen) ou pointes de flèches du moustérien. (Environ 80 000 ans avant notre ère).
Les lieux où ils ont été trouvés indiquent que les hommes occupaient plutôt la zone de champs et de bois qui se trouve aujourd'hui au dessus de la départementale, entre 25 et 50 m d'altitude, donc non inondable.

Les hommes qui se trouvaient là maîtrisaient le feu, se déplaçaient derrière leurs proies, rhinocéros laineux, mammouth, ours durant les périodes froides, ou éléphants hippopotames, des périodes chaudes. C'est un homo erectus, le successeur d’homo habilis.

Grottes de Gouy dites du Cheval



Préhistoire mammouth

Plus tard viendront les Homo sapiens, d’abord l’homme de Néanderthal, puis l’homme de Cromagon, dont on trouve des traces dans un rayon tout proche, en particulier dans les grottes de Gouy (dite du Cheval ) et de Port Saint Ouen (disparue dans l’aménagement de la route nationale). 

Datés de 12000 av J.C, ces grottes ont abrité les chasseurs de mammouths et de rhinocéros (laineux, le climat est encore très froid) des vallées.

Chronologie pour l'Europe des âges préhistoriques

Paléolithique
- archaïque : 1 à 2 millions av. J.C.
- inférieur : acheuléen (bifaces).
- moyen : se caractérise par une technique de production des outils beaucoup plus élaborée (débitage Levallois). C’est la culture typique de l’homme de Neanderthal.
- supérieur (40 000 - 30 000 ans environ) première culture de l’homme moderne en Europe (Cro-Magnon): débitage en lames, encore plus performant, pointes de sagaies à base fendue pour faciliter leur emmanchement. L'art fait son apparition, avec de nombreuses statuettes et des figurations pariétales (sur parois) en grottes. Dans toute l’Europe apparaissent des statuettes féminines aux formes généreuses, surnommées Vénus. Il pourrait s’agir de symboles de fécondité.
Outil solutréen Feuille de laurier
Un pas est franchi avec le solutréen (21 000 – 18 000 ans av. J.C.). Les tailleurs solutréens façonnaient des outils extrêmement fins, retouchés sur les deux faces, au tranchant fin et effilé. Le plus célèbre est surnommé « feuille de laurier », en raison de sa finesse. Deux outils majeurs apparaissent: l’aiguille à chas, qui permet de coudre les vêtements, et le propulseur, qui permet de multiplier la puissance de jet des sagaies.
Puis le magdalénien (17 000 – 9 000 ans) marque la fin de la dernière glaciation et l’apparition progressive des conditions climatiques actuelles. Le développement du travail de l’os et du bois de cervidé culmine avec l’invention du harpon. 

outils paléolithiques Pîtres
Outils paléolithiques trouvés à Pîtres et que l’on peut voir aux musées des Antiquités de Seine-Maritime (Rouen) et de l’Eure (Evreux).
Pour de plus amples renseignements, vous pouvez vous reporter au Bilan archéologique établi pour Pîtres par Claire Beurion en 1992, travail pointu et très complet sur lequel nous nous sommes appuyés (référencé sur le site de la mairie de Pîtres par Rodolphe Delorme)


Le néolithique : agriculture, sédentarisation.


Au quatrième millénaire av. J.C., les indices d'occupation sont surtout localisés à la Pierre-Saint Martin. On a trouvé plus d'un millier de grattoirs, percuteurs en silex et en grès, retouchoirs, tranchets, ciseaux, pics, lames... La plupart des haches polies en silex paraissent, par la nature du silex employé, avoir été importées. Elles sont souvent retaillées, étrécies en ciseaux; on les employait jusqu'à usure presque complète….Ce site n'était pas une simple station de halte mais un lieu d'habitat permanent.
Au XIXe siècle, lorsqu'on surcreusa l'Andelle pour créer l'usine de l'abbé Vaurabourg (voir article), on découvrit des pilotis, des pics et des gaines de hache en bois de cerf indiquant qu'une station néolithique existait précédemment à cet endroit. Une autre grande station néolithique a été découverte à Poses, lors de la mise en exploitation des ballastières. (d’après Claire Beurion)


Maquette d'un site néolithique à Poses
Maquette inspirée des découvertes faites à Poses (Eure) par F. Bostyn (Inrap) et son équipe (Muséum du Havre)

Révolution néolithique ?

Au Néolithique, les hommes n’exploitent plus seulement les ressources naturellement disponibles mais commencent à en produire une partie. La chasse et la cueillette continuent à fournir une part substantielle des ressources alimentaires mais l’agriculture et l’élevage jouent un rôle de plus en plus important. L’agriculture implique le plus souvent l’adoption d’un habitat sédentaire, donc l’abandon du nomadisme.
Si ce fut une des étapes majeures de l'aventure humaine, au même titre que la domestication du feu ou la révolution industrielle au XIXème, le fait de la qualifier de révolution a été critiqué dans la mesure où l'adoption des innovations qui la caractérisent ne fut ni brutale, ni simultanée. 

Pierre St Martin
La pierre Saint Martin est un bloc de grès qui se trouvait au lieu-dit qui lui doit son nom, portant des dépressions naturelles en forme de trous. Il fut probablement vénéré dès l'époque néolithique. Quand on le déplaça on découvrit un caveau gallo-romain, tenu à l'époque pour un petit temple. Lorsque le christianisme s'installa en Gaule au V siècle, on tenta de faire disparaître ces cultes contraires à la religion chrétienne, mais comme on ne pouvait supprimer la croyance à ses vertus curatives on le mit sous le vocable de Saint Martin. Léon Coutil, dans son inventaire des mégalithes de l'Eure, décrit le culte dont il faisait l'objet : « Les gens du pays reconnaissaient dans ces cavités les pas de Saint-Martin et de son cheval. Elle passe encore...pour guérir le "carreau" et le "muguet". Les pèlerins venaient jadis y faire leurs dévotions et déposaient dessus diverses offrandes et même de l'argent, présents que le propriétaire du champ s'appropriait ensuite. Des contestations surgirent entre le propriétaire et le curé qui prétendait que les offrandes revenaient à l'église. Pour trancher ce différend, le propriétaire transporta, en 1856, la pierre guérisseuse à l'entrée de sa ferme… Les pèlerins continuent à venir se frotter contre la pierre, ils attachent aux arbres voisins des rubans de coton et placent leurs offrandes dans un tronc que cet homme a eu la bonne idée de mettre à côté.» La pierre se trouve aujourd’hui dans un petit enclos au n° 6 de la route de Rouen. (d’après Claire Beurion)


UN VILLAGE GAULOIS IMPORTANT

Le site de Pîtres devait être assez attirant, puisque quelques millénaires plus tard, de nouveaux arrivants, venus d’Europe centrale et parlant une langue indo-européenne, s’y installent. Une nécropole gauloise qualifiée d’exceptionnelle par les archéologues, environ 2000 tombes, a en effet été découverte à la Remise, derrière les Varennes indiquant la proximité d’un village important. Voici la description qui en est faite dans le Bilan archéologique dressé par Claire Beurion en 1992:

« Le défunt était brûlé sur un bûcher puis les ossements restants étaient récupérés et placés dans une urne. Celle-ci était ensuite déposée dans une fosse avec quelquefois des offrandes et des objets ayant appartenu au mort... (dont des épées tordues).
 Le rituel de l'épée ployée semble avoir pour but d'éviter une réutilisation et de consacrer l'arme uniquement au défunt. Plusieurs tombes à char (au moins trois), ont été signalées …. La nécropole gauloise de Pitres est exceptionnelle à plusieurs titres:
Vase funéraire - nécropole gauloise à Pîtres
- Un vase entièrement décoré de cercles et d'arcs de cercles fut découvert. Ce vase est caractéristique d'une période comprise entre la fin du IIIe siècle et la fin du IIe siècle avant J-C, période où les tombes à char de l 'aristocratie gauloise apparaissent en Haute-Normandie. Jusqu'ici ce vase n'a pas d'équivalent exact dans le monde celtique.

Nécropole gauloise à Pîtres
- Les ensembles funéraires observés à Pîtres sont à comparer avec ceux des Ardennes et de l'Allemagne. En revanche, le rite de destruction des armes est totalement distinct de celui des Ardennes et proche de celui des régions plus orientales. Dans le domaine stylistique, les éléments de harnais d’une sépulture évoquent, par certains détails, leurs équivalents des îles britanniques. Un faciès "normand" semble se dessiner à Pitres, intermédiaire entre la celtique continentale et la celtique insulaire. » 

la Gaule en Normandie

Eburovices ou Véliocasses ?

Pîtres se trouvait en limite des territoires des Véliocasses et des Eburovices
Les Véliocasses, « meilleurs au combat », vivaient dans le Vexin, auquel ils ont donné le nom. Leur chef-lieu était Rotomagus, Rouen. En 52 av. J-C., ils participent au soulèvement général contre César en fournissant 3 000 hommes pour porter secours à Vercingétorix. Leur territoire suit la Seine sur la rive droite depuis le confluent avec l'Oise et s'étend sur le plateau du Vexin.
Les Aulerques («qui sont loin de leurs traces» ?) comprenaient plusieurs grandes tribus: Diablintes, Jublains, Cénomans (Le Mans), et Éburovices (Evreux) dont le territoire recouvre à peu près le département de l'Eure. Leur nom contient la racine « eburo », sanglier ou if dans les langues celtiques. Leur principal sanctuaire se trouvait sur le site occupé actuellement par le village du Vieil-Évreux.


La langue gauloise

Elle appartient au groupe celtique des langues indo-européennes, dont le breton et le gaélique sont les derniers survivants (les autres groupes étant : germanique, latin, grec, slave, indien, iranien ...).
La langue gauloise mettra presque 500 ans à disparaître, remplacée progressivement par le latin du conquérant. Elle n’a laissé que peu de traces en français : alouette, alpe, ambassade, ardoise, bâche, balai, barque, barre, bec, berge, blé, braguette, boue, gosier, jarret, joue, patte, quai, raie, ruche...

Les curés de Pîtres depuis le 16ème siècle

Pîtres - les prêtres lazaristes de la communauté de Saint Vincent de Paul, vers 2003 : R.Hérisset, É. Ravout , P. Marionneau, et G. Bouchandhomme
Les prêtres lazaristes de la communauté de Saint Vincent de Paul, vers 2003 : R.Hérisset, É. Ravout, P. Marionneau, et G. Bouchandhomme


Les prêtres de Pîtres

La trace écrite du premier prêtre à Pîtres apparaît en 1549. Il dépend alors du doyenné de Perriers sur Andelle, doyenné rattaché à l’évêché de Rouen jusqu’à la Révolution. Le 4 mars 1790, en application de la loi du 22 décembre 1789 est créé le département de l’Eure. La paroisse de Pîtres est alors rattachée à l’évêché d’Evreux.
Nous avons répertorié ci-dessous toutes les traces des curés de Pîtres dans les registres d’Etat-civil, puis dans les archives diocésaines.

4/5/1549
Richard Vigor prêtre
entre 1549 et 1671
absence de registres
19/5/1671
Noël Gancel prêtre
20/5/1682
décès de Noël Le Bailly vicaire de Pîtres
9/12/1683
décès de Pierre Deshayes prêtre vicaire de Pîtres
7/8/1684
Martin Bizet prêtre vicaire
24/2/1693
décès de Jacques Pinchon, 80 ans curé à Pîtres
1695
Georges Mainière décédé le 4/10/1725
4/9/1701
C. Mel, curé de St Nicolas du Pont de l’Arche
28/7/1712
D. Dubosc prêtre
26/6/ 1729
décès de Maistre François prêtre vicaire 39 ans
10/11/1743
Jean Noêl Marguerit prêtre curé de Romilly
27/9/1758
décès de Jean Duval prêtre curé de Pîtres
21/12/1759
Michel Philippe Lemonnier curé de Saint Pierre de Pont Saint Pierre
14/08/1762
Adrien Bocquet chanoine de La Saussaye
28/5/1771
décès de Pierre François Belhoste 45 ans prêtre vicaire de Pîtres
28/1/1776
décès J.M. Lefrançois, curé de Pîtres
18/10/1777
décès de Maistre Pierre Louis Le François 66 ans curé de Pîtres
23/12/1790
Charles Romain Godé, curé de Pîtres, s'engage le 28 juin 93
27/05/1798

Jean Baptiste Malherbe, ministre du culte catholique 38 ans également instituteur, puis nommé maire de Pîtres sous le Consulat
1816
Thibaud mort au presbytère
1817
???
1827 à 1833
Louis Bourdon décédé à Pîtres le 7/9/1833
1833 à 1836
bréhier, foubert, de flipou
1836 à 1849
Maillard
1849 à 1869
Christophe Bouillant décédé à Pîtres le 26/4/1869
1869 à 1894




Adolphe Stanislas Vaurabourg décédé le 1/8/1894. Particulièrement entreprenant, il collabore aux sociétés savantes, écrit une très intéressante brochure sur Pîtres, prévoit la reconstruction complète de l’église, et entreprend la construction d’une usine sur l’Andelle, projet inachevé.
1894 à 1900
?
1900 à 1902
Abbé Boulanger
1902 à 1905
Abbé Calot
11/06/1906
Abbé Georges Périnelle, décédé le
24/2/1939 à 1940
Abbé Joseph Malval
14/04/1940
Abbé Maurice Denesle décédé en 1986
1986 à 1992
Père Albert Dedecker
1992 à 1997
Père Pierre Aletru
1997 à 1999
Père Zénon Pylypiak décédé le 13/4/1999
1999 à 2002
Père Gérard Gatey
de 2002 à 2011

prêtres coopérateurs : curé Raymond Hérisset, Gérard Bouchandhomme, décédé en 2004, Éric Ravout jusqu’en 2009, Pierre Marionneau, Pascal Brémaud

Pîtres - L’abbé Maurice Denesle entouré de ses parents, il y a sans doute une cinquantaine d’années
L’Eglise a évolué, le contraste entre ces deux photos en témoigne. L’abbé Maurice Denesle entouré de ses parents, il y a sans doute une cinquantaine d’années

Pîtres - les prêtres lazaristes de la communauté de Saint Vincent de Paul, vers 2003 : R.Hérisset, É. Ravout , P. Marionneau, et G. Bouchandhomme
Les prêtres lazaristes de la communauté de Saint Vincent de Paul, vers 2003 : R.Hérisset, É. Ravout, P. Marionneau, et G. Bouchandhomme

Un peu de vocabulaire :
Prêtre: homme qui a reçu l’ordre, sacrement constitutif de la hiérarchie dans l’Eglise catholique, comprenant le diaconat, la prêtrise et l’épiscopat.
Père : nom donné aux prêtres par les fidèles dans le sens de père spirituel
Vicaire : prêtre adjoint au curé
Curé : prêtre responsable d’une paroisse
Doyen : prêtre à la tête d’un doyenné (équivalant à un canton), supérieur des curés du doyenné. Notons que doyenné et canton peuvent différer : Ecouis est doyenné dans le canton de Fleury sur Andelle
Archiprêtre : prêtre à la tête d’une circonscription diocésaine (équivalant à l’arrondissement), supérieur des curés de sa circonscription. Dans l’Eure, Pont-Audemer et Louviers, anciens arrondissements, avaient un archiprêtre.
Evêque : prêtre qui à la responsabilité d’un diocèse ou Église locale (ex.: diocèse ou Église d’Evreux), correspondant à un département. A noter : le chef-lieu du diocèse peut différer du chef-lieu de département (ex.: Sées dans l’Orne)
Chanoine : prêtre siégeant au chapitre de la cathédrale ou doté de ce titre à des fins honorifiques
Chapelain : titre honorifique


9 JUIN 1940
PREMIERE COMMUNION SOLENNELLE A PÎTRES

Le 9 juin 1940, après trois jours de retraite les garçons et les filles de 10-11 ans se préparent à faire leur première communion solennelle. Pâques cette année-là est célébré très tôt le 24 mars.
La veille, le 8 juin, la retraite s’est passée en grande partie dans la tranchée de la ferme Mahieux, en face du presbytère.
Le matin du 9 juin, ordre d’évacuation : notre curé, l’Abbé Denesle part tout comme un chacun après avoir mis dans sa Rosengart le ciboire contenant les hosties consacrées. Il se dirige vers le pont de Pont de l’Arche d’où il est refoulé (car le pont vient de sauter), ainsi que tous les évacuants, vers Saint-Pierre-du–Vauvray. Tous se retrouvent dans un herbage devant la propriété Renault à Connelles ou Herqueville.
(à noter que le soldat français qui nous arrête était de la 5ème colonne et qu’il a été vu ensuite par Monsieur Lenormand le coiffeur dans la tenue vert de gris de la Wehrmacht)
Les Allemands dont on avait dit beaucoup de choses terrifiantes arrivent. Alors notre bon curé décide de consommer les hosties consacrées et c’est ainsi que, caché sous sa voiture, il avale le contenu du ciboire sans boire une goutte d’eau, à cause du jeûne eucharistique.
Je suis un témoin direct de cette histoire car j’étais aussi à Connelles ce jour-là revêtu de mon costume gris de communiant le brassard et le chapelet dans la poche.
La première communion a été reportée au 4 août 1940 ….
                        (témoignage de Gérard Hélouin)