1934. On aperçoit au pied de la
carrière le bâtiment où se trouve le four
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Le four à chaux de Romilly sur Andelle
Il y avait, jusque
vers les années 1954-55, un four à chaux à Romilly sur Andelle. Quand on
interroge les anciens de la commune, tous s’en souviennent, mais peu ont le
souvenir de cette activité.
Dans le « Dictionnaire
historique de toutes les communes du département de l’Eure » de Charpillon
et Caresme, édition de 1868, il est noté page 715, qu’il y avait deux fours à
chaux à Romilly.
Le premier se
situait rue des Hautes Rives en face de la jonction avec la rue du Moulin des
Ponts, au bord de la ligne de Chemin de fer de Pont de l’Arche-Etrépagny. Il ne
reste plus rien des bâtiments de cette entreprise, si ce n’est un quai qui
probablement devait servir au chargement de la chaux.
Le second
probablement était au pied de la colline dans l’axe de l’avenue de la gare
juste après le passage à niveau, où on peut encore constater la présence d'une
grande excavation.
Le four à chaux
est une catégorie de four à calcination (opération par laquelle on modifie la
structure d’un corps en le soumettant a une haute température) dans lequel on
transforme le calcaire en chaux par calcination. C’est généralement un ouvrage
vertical fixe et ouvert par le haut, mais on trouve également des fours
horizontaux et rotatifs.
En général, les
différents types de four de calcination se présentent sous la forme d’un puits
de forme ovoïde qui s’alimente par le haut et se vide par le bas.
Dans le nord de la
France le sol est si riche et productif que pour ne pas en priver l’agriculture,
on extrait la craie qui alimente les fours à chaux en exploitant des carrières
à ciel ouvert, comme à Romilly, ou alors des milliers de petites carrières
creusées dans le sol.
La fabrication de
la chaux constitue l’art du chaufournier. C’est l’ouvrier conducteur du four à
chaux, et par extension l’exploitant d’un four à chaux.
Les différents procédés de fours antiques :
- Le four à
alandier (alandier : foyer placé à la base d’un four)
Certainement le
plus ancien et le plus artisanal. Il est composé d’une cheminée et d’une
ouverture à sa base. Une fois rempli de pierres de feu, le feu est allumé sous
la voute puis alimenté en permanence pendant plusieurs jours, en général
pendant 100 à 150 heures selon la qualité du bois.
- Le four à mélange : four de
conception ancienne, bâti en pierre et revêtu intérieurement de briques
réfractaires, pour une production de chaux en continu.
- Le four par empilement du XIX°
siècle : Imposant, de forme cylindrique avec une large paroi intérieure
revêtue de briques. Les chaufourniers alternaient des lits de pierres et de
charbon, afin d’obtenir un tirage suffisant pour maintenir la température de
850° à 1100°. En fin de cuisson, d’une durée environ 3 jours et 3 nuits, la
chaux était éteinte avec de l’eau.
Le four à chaux de
Romilly était probablement du type four à alandier.
La pierre à chaux
se récolte dans des carrières à ciel ouvert mais a longtemps été extraite de
carrières souterraines : les marnières.
La chaux est le
nom donné à une matière obtenue par combustion du calcaire et utilisée depuis
l’antiquité. C’est chimiquement un oxyde de calcium avec plus ou moins d’oxyde
de magnésium, mais la désignation usuelle de chaux peut englober différents
états chimiques de ce produit.
On les distingue à
partir de leurs utilisations :
- La chaux
vive est simplement la chaux sortie du four à chaux. Elle est
essentiellement utilisée dans l’industrie et l’agriculture hydrophile. Elle est
utilisée pour assécher et détruire les matières organiques riches en eau.
- La chaux éteinte
est obtenue par un ajout d’eau à la chaux vive. Cette opération d’extinction
produit l’hydroxyde de calcium avec un fort dégagement de chaleur. On la mêle
ensuite avec du sable ou du ciment pour faire le mortier.
- La chaux
aérienne : le phénomène de cristallisation s’opère en présence d’air.
- La chaux
hydraulique : le phénomène de cristallisation s’opère en milieu aqueux.
Principaux usages
de la chaux :
Depuis fort
longtemps la chaux a été employée dans diverses situations :
En
construction : elle est utilisée pour les mortiers, les crépis, les
enduits, les badigeons.
En
agriculture : elle est utilisée, pour le chaulage des arbres fruitiers,
pour la fertilisation des sols comme bactéricide, antiseptique, et elle permet
de remonter le pH des terres acides
Comme
antiseptique, pour le traitement des cadavres d’animaux et humains
En chimie pour la
préparation des bases comme sels de calcium
Dans l’industrie
alimentaire pour la conservation des fruits et des légumes, l’industrie
laitière et boulangère.
En industrie pour
isoler et éliminer les impuretés néfastes du minerai de fer, comme agent
d’attaque pour l’extraction de l’aluminium dans la bauxite, le traitement des
fumées industrielles
En médecine, sous
forme de lait de chaux, en anesthésie pour les appareils respiratoires en
absorbant le dioxyde de carbone (et diminuer les risques d’explosion)…
En sucrerie, en
industrie papetière, en tannerie, en savonnerie, en peinture….
Que reste-t-il du four à chaux de Romilly?
Il n’y a aucune
date précise permettant de dire quand cette activité a débuté. Des recherches
effectuées aux archives départementales à Evreux ou aux archives de la mairie
de Romilly, n’ont pas permis de retrouver de traces de cette activité. Seule
une carte postale datée de 1934 nous montre l’ensemble des bâtiments
constituant cette entreprise.
Pour les anciens
de Romilly (70- 80 ans), il ne reste que le souvenir de ruines qui étaient un
formidable terrain de jeux pour les gamins du quartier. Les ainés (plus de 85
ans) se souviennent de cette activité, mais personne ne se rappelle de la façon
dont cela fonctionnait :
- Henri D. arrivé à Romilly en 1946
accompagnait son père qui possédait une ferme à Romilly lors des achats de
chaux. Celle-ci était livrée soit dans des sacs de jute ou en papier. Il se
rappelle également, qu’à cette époque aux deux voies de la ligne de chemin de
fer, une troisième voie avait été ajoutée pour permettre le chargement des
wagons à partir du quai.
- Jean M. se souvient que dans les années
40, les frères Gascoin, tous les deux ingénieurs, qui dirigeaient l’entreprise,
habitaient dans la rue Blingue à Romilly et qu’ils la cédèrent à Henri Bidet en
1947. Cette vente fut réalisée dans l’étude de Maitre Séguret, notaire à Pont
Saint Pierre. L’actuel Notaire de Pont Saint Pierre, Maitre Quignard, n’a
malheureusement retrouvé aucune trace de cette vente dans ses archives.
Monsieur Bidet poursuivit pendant quelques années son activité commerciale puis
tomba en faillite vers les années 1955.
Publicité de 1949 |
- Yvette B. se rappelle qu’en passant elle
voyait des ouvriers, au nombre de 2 ou 3, qui creusaient à la pioche la
colline.
- Lucienne M., 98 ans, habitante de
Romilly de 1930 à 2010, se souvient des tombereaux de chaux qui passaient
devant sa porte lors des livraisons à la gare de Romilly. Elle se rappelle que
le matin du 9 Juin 1940, avec plusieurs personnes de Romilly, elle était partie
en exode pour retrouver sa famille. A Saint Pierre du Vauvray, le pont ayant
sauté, ils ne purent aller plus loin. De retour dans l’après-midi, l’aviation
allemande bombardait Romilly et ils furent tous mis à l’abri dans les bâtiments
du four à chaux !!
L'emplacement du four à chaux |
Les recherches se poursuivent pour trouver
d’autres documents, d’autres renseignements sur le four à chaux dont la mémoire
reste vive pour les anciens de Romilly.
Dr Francis Blanchet
voir la nécrologie de Francis Blanchet