L'Andelle se raconte
prosopopée
Cela fait des millions d’années que je
creuse, comme ma grande sœur la Seine, dans la craie du crétacé supérieur du
Bassin parisien, qui, lui, s'est formé il y a une centaine de millions
d'années.
Au tout début, je ne suis qu’un petit
filet d’eau à Serqueux, tout près de Forges-les-eaux. Et à quelques kilomètres
près, je me retrouvais dans la Manche à Dieppe, avec la Béthune, au lieu
d'aller me jeter dans la Seine à Pîtres, après avoir parcouru près de 60 km et
descendu de 149 mètres à 5 mètres d'altitude (j'ai alors un débit de 7,2 mètres
cubes par seconde, ce qui n'est pas négligeable...
Je commence par alimenter le lac de
l'Andelle, à Forges, créé au milieu des années 80, à l'initiative de Claude
Laffon, un prêtre, sur une ancienne tourbière, nettoyée et mise en eau après
4000 heures de travail harassant par une trentaine de chômeurs. Puis la
descente continue…
Mon nom
On en trouve une première trace, Andesla, dans la Vie de saint Condède, écrite en
latin, bien sûr, au VIIème siècle par un moine de l'abbaye de Fontenelle. Puis
il faut attendre cinq siècles pour trouver en 1152 Andella chez Robert
du Mont, ou de Torigny.
Étymologiquement, Andelle signifierait
soit frontière, de la racine and– que l'on retrouve
dans Andelys, soit, d'après François de Beaurepaire, "eaux
agitées "(cf. vieil occitan andalhon,
" mouvement de l'eau", et breton anda
"source").
Vous parlez d’une frontière ! Au
niveau de mes premiers glouglous, un pas suffirait à m’enjamber. Cependant,
plus loin dans mon cours, il a fallu aux hommes trouver le moyen de me
traverser. L’été on pouvait le faire à pied, les gués étaient nombreux, mais
lorsque venait l’hiver mon lit débordait souvent et il devenait dangereux de
vouloir s’y aventurer.
Des communes se trouvant sur mon passage
ont dans leur nom l’évocation d’un gué, lieu empierré pour Perriers et Perruel
ou pour Vascoeuil dont l’étymologie pourrait être Vadeculum "petit
gué ".
Le Ritumagus que l'on aperçoit au milieu
de ce tout petit extrait de la carte dite de Peutinger, copie d'une carte
romaine datant vraisemblablement du IVème siècle de notre ère, c'est Radepont, qui était alors le point de passage
obligé sur une partie difficile du trajet de la voie romaine.
montage de captures d'écrans sur Geoportail montrant l'ensemble de la vallée de l'Andelle, que l'on devine très
bâtie, sinuant entre bois des pentes et cultures du plateau.
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Faune et flore
On
dit que je suis belle, alors pour remercier la nature j’essaie d’être aimable
avec les êtres vivants qui m’entourent. Mon cours, qui présente de nombreux
méandres, est bordé d'aulnes et de saules, et les milieux humides connexes, et
mon lit majeur, où j'ai souvent divagué avant que les hommes ne finissent par
me fixer, n'est plus entièrement marécageux, mais occupé par des prairies plus ou
moins humides, remplacées ici et là par des parcelles cultivées, mais a su
conserver une importante biodiversité végétale et animale.
Sur les coteaux, cultures, vergers, bois et
prairies offrent de nombreux parcours aux randonneurs. Mais je suis désolée de
vous dire que du côté de la qualité de mon eau, ce n'est pas encore gagné. De
nombreux efforts ont été faits, par les communes et les entreprises (du moins
celles qui survivent), des stations d'épuration construites, mais je continue à
recevoir les engrais, herbicides et pesticides provenant des 740 km² de mon
bassin versant.
Affluents
Pour
être honnête, je dois reconnaître que pour grandir et devenir telle que je
suis, d’autres sont venus me rejoindre. Parmi mes affluents, le Héron, le
Crevon, la Lieure, le Fouillebroc (source Sainte-Catherine de l'abbaye de Mortemer), et le dernier, le
Cabot, à Romilly. Les petits ruisseaux font les grandes rivières, et je ne
serais pas ce qui je suis sans eux, mais la Seine ne serait pas ce qu’elle est
sans moi (et les autres bien sûr !)
Histoire
Je vais tenter de vous raconter ce dont je
me souviens de ma longue vie. Commençons par le commencement. Les hommes se
sont rapidement rendu compte que s’installer à mes côtés pouvait leur être très
bénéfique. Ils sont rapidement venus rejoindre mes berges.
Sur le village actuel de Romilly ils ont
laissé trace de leur vie: silex taillés, grattoirs, fragments de divers outils,
flèches) datant du néolithique. L’âge de bronze nous a laissé ce qui semble
être une tombe. Des fouilles ont permis d’identifier des greniers, silos, fours
domestiques datant des VII et VIIIème siècles, ainsi que les restes
d’un cimetière comprenant près de 1500 sépultures, s'étalant dans le temps du
VII au XIème siècle, mais on me dit que tout cela fera l'objet d'un
futur article plus documenté.
La commune de Pitres n’est pas en reste:
objets néolithiques, cimetière gaulois, thermes, théâtre et villas gallo-romains montrent que Pîtres, bien situé
sur ma confluence en Seine, a été une importante agglomération dans le passé,
et ce d'autant plus que Charles le Chauve...les Vikings...mais on m'arrête :
tout cela a déjà été longuement décrit dans les premiers numéros.
Mon nom veut peut-être dire frontière, et
frontière j'ai pu être, entre tribus gauloises, mais l'Epte m'a ravi une belle
place lors du traité de Saint-Clair qui en fait la frontière entre Normands et
Carolingiens. Mais ma vallée, plus escarpée, va néanmoins faire de moi une
ligne de défense dans les nombreux conflits qui jalonnent le Moyen-âge:
Français contre Anglais, catholiques, contre protestants, seigneur contre
seigneur, ou suzerain..…. de nombreux
châteaux et fortifications ont alors été érigés le long de mon cours. Lyons,
Noyon (devenu Charleval), Radepont, Douville (Logempré) Cateliers de Pont-Saint-Pierre, palais de Charles le
Chauve à Pîtres. Marécages, taillis, et forêts renforçaient cette frontière.
Abbayes
Mortemer première abbaye cistercienne de Normandie, fondée en 1134 par Henri Beauclerc, roi d'Angleterre |
Fontaine-Guérard,
fondée par le baron anglo-normand Robert de Leicester en 1135
|
Il faut attendre le XIIème siècle pour que des moines s’installent dans ma vallée. Ils défrichent, construisent des abbayes. A leur suite naissent des villages. Puis la paix venant les hommes prennent conscience de l’énorme potentiel que leur offre ma vallée.
Agriculture
Dès le XIIIème siècle ma vallée est
comparée aux jardins anglais du Comté du Sussex. Malheureusement pour les
habitants, même si le paysage est idyllique, la terre est dure à travailler,
produit peu et en prime, je sors souvent de mon lit. Même les cultures de
première nécessité donnent de piètres résultats. Pour un grain semé on en
récolte rarement trois ou quatre, car une partie des semences ne germe pas. Le
bétail est rare et mal nourri, car les paysans cultivent pour eux, pas pour les bêtes, sauf pour les
chevaux des guerriers. L'engrais, dont les excréments humains, est réservé au
potager qui fournit les légumes indispensables à la confection des soupes, aliment
essentiel des paysans. La terre doit être mise en repos une année sur deux ou
sur trois.
Avec le défrichage et l’aménagement de mon
cours les cultures s’améliorent au fil des siècles. L’élevage y est aussi
implanté, bœufs, vaches, moutons parviennent à améliorer le quotidien.
Des arbres fruitiers sont plantés,
pommiers, poiriers permettent de donner du cidre, de l’eau de vie, du petit
cidre. La vigne aussi pousse sur les collines de Fontaine Guérard, mais elles
se plaisent beaucoup plus sur les coteaux qui bordent Romilly et Pitres.
Mais pour la culture du blé, ma vallée
reste beaucoup moins riche que les plateaux qu'elle découpe. Je me rattrape
avec le bois.
La forêt
La forêt qui me borde tout au long de mon
parcours est elle aussi source de travail, de revenus. Elle permet la pâture,
on y trouve de la litière pour les animaux, on y cueille des fruits sauvages,
elle fournit les matériaux pour la fabrique et la commercialisation de balais
et de vanneries. Le petit bois permet de cuisiner et se chauffer, bien peu.
Fabrication du charbon de bois |
Elle procure de la matière première et des emplois aux bûcherons, aux scieurs de long, aux charbonniers qui dans des fours fabriquent le charbon de bois.
Malheureusement elle permet aux seigneurs
d’assouvir leur passion pour la chasse. Gibiers et chasseurs dévastent, sans
compensation, les cultures du petit peuple, parfois même leur maigre
poulailler.
La forêt, c'est souvent aussi la verrerie
: on estime au XVIIème siècle que près de la moitié du verre
fabriqué en France se fait en forêt de Lyons
Flottage
Dès
le XVème siècle on m’utilise pour le flottage du bois pour évacuer
les coupes de la forêt de Lyons, acheminées par flottage jusqu’à Pitres où
elles sont séchées avant d’être expédiées vers Paris ou Rouen.
Au milieu de XVIIIème siècle un
Vicomté de l’eau arbitre les conflits, définit et fait appliquer les conditions
et règles du transport du bois jeté en grumes sur les lieux de productions et
mis à sécher à Pitres avant l’expédition sur Paris ou Rouen.
L'Andelle fut inscrite à la
nomenclature des voies navigables par l'ordonnance royale du 18 juillet 1835.
Mais Ernest Grangez, en 1855, précise que la navigation y est
abandonnée...
Et des conflits il y en a !!
Je me souviens qu’au XVIIIème
siècle le Seigneur qui exploitait la forêt de Lyons pour le compte du Roi a
présenté une requête : Exploiter la forêt est source de revenus pour le Roi,
pour lui aussi bien sûr, alors gagner du temps sur le flottage du bois
augmentera d’autant plus les bénéfices. Le seigneur demanda donc à la justice
de prendre un arrêté pour que mon cours soit aménagé pour faciliter
l’évacuation du bois. Des mois de procédures, des mois de travaux mais la
justice du Roi était encline à défendre les intérêts du Roi. La requête du
Prince fut reconnue réelle et justifiée.
Les propriétaires exploitants, les
métayers, les journaliers ont dû donner de leur temps ou de l’argent pour que
mes berges soient rognées dans les méandres, creusées lorsque mon lit était
moins profond. J’y ai gagné un regain de jeunesse j’étais plus vigoureuse. Un
lifting en somme.
Une modification de plus sur mon cours et
ce ne fut pas la dernière.
Les moulins
L'Andelle
présente une remarquable mise en valeur de l’important potentiel énergétique
que représente la rivière. Les plateaux qui la bordent ont besoin pour la
mouture des blés de l’équipement technique qui métamorphose les campagnes
occidentales à partir du XIIème siècle : le moulin à eau. La mise en valeur de
la vallée consiste donc aussi en canalisation de la rivière, aménagement de
dérivations multiples qui assainissent le marais et font mouvoir quantité de
moulins à blé auxquels viendront s’ajouter les moulins à foulon pour battre les
draps de laine fabriqués à Elbeuf, moulins à papier et moulins à couteaux. Pour
plusieurs des ces industries, la limpidité de l’eau est un avantage qui
s’ajoute à celui de la force hydraulique tandis que le débouché sur la Seine
leur ouvre les
Au XVIIIème siècle, dès 1760, on compte 16
moulins à foulon à Pont Saint Pierre et Romilly.
Certains sont très perfectionnés. Les
innovations techniques mises en place dès 1713 par les frères Lancelevée ont
été améliorées et disposent de gros aménagement.
En 1926, on trouve plus de 40 moulins sur
mon cours, dont la puissance cumulée représente près de 2000 kw.
Le textile
Ma vallée ne reste pas limitée au
foulonnage et devient un centre important de production de tissus. A Fleury et
Charleval on fabrique de l’indienne (toile de coton imprimée). Beaucoup de
journaliers abandonnent le travail de la terre pour une activité qui rapporte
plus.
Le commerce du coton a lieu aux Halles de
Pont Saint Pierre. Mais au fil du temps certains refusent de se plier aux dictats
du Seigneur. Ils vont vendre leur production aux marchés de Pitres ou Romilly.
D’autres vont même chaque vendredi porter leur production aux Halles de Rouen.
Malgré tout les indigents représentent 46%
de la population. Tous ne sont pas logés à la même enseigne. Si à Romilly on
compte 17% de nécessiteux, à Fleury, Radepont, Pont Saint Pierre ils
représentent 66% de la population.
En libérant le droit d’usage de
l’eau des contraintes seigneuriales et par le jeu des ventes de biens nationaux,
la Révolution permet le développement des investissements capitalistes. La
première manufacture de coton utilisant les nouvelles techniques anglaises est
établie près de l’abbaye Fontaine-Guérard. Pouyer-Quertier, industriel
rouennais, ministre des Finances de Thiers, possède à partir de 1872 deux
importantes filatures : Perruel, à l’emplacement de l’abbaye de l’Isle-Dieu,
et Fleury.
En 1874 on recense dans la vallée
29 établissements industriels qui travaillent le coton.
La révolution industrielle est en marche
et ma vallée n’y échappe pas.
A la veille de la révolution française est
construit à Romilly le plus puissant et moderne établissement de laminage de
cuivre. Il fournira la marine française pour le doublage des coques de bateaux.
(voir bulletin°6)
A cette époque les communes de Fleury,
Douville, Saint Pierre de Pont Saint Pierre comptent chacune environ une
centaine d’habitants, celles de Romilly, Radepont et Pont Saint Pierre cinq
cents, la commune de Pitres approche les mille.
Ma vallée sort peu à peu du moyen âge mais
tout n’est pas rose pour les habitants. Les nombreux aménagements faits pour
l’industrie oublient trop souvent le quotidien des petites gens. Trop souvent
l’eau envahit les misérables demeures.
La crise économique n’épargne cependant
pas les habitants. Début 1789 ils se regroupent et demandent une baisse du prix
du blé de 36 à 30 livres le sac.
En 1825 une étude des armées décrit ma
vallée comme remarquable.
Un décompte fait état de Charleval à
Romilly, soit sur environ trois lieues :
8 fabriques de toiles peintes ou d’indienne avec 450 ouvrières
7 filatures de coton avec 630 ouvriers
2 filatures de laine et 115 ouvriers
2 moulins à papier
3 moulins à foulon
7 moulins à farine
1 fonderie de cuivre rouge et jaune avec 300 ouvriers
Au XIXème siècle est construite
l’usine Levavasseur. Anobli en 1815 le baron achète les propriétés Guéroult de
Fontaine Guérard puis les deux moulins du marquis Dubosc de Radepont, et enfin
en 1843 l’ensemble du domaine de la
famille de Radepont.
De toutes ces usines que reste-t-il à ce
jour ? L’industrie du tissu a déserté ma vallée. Mon cours n’est plus si
attrayant, la vapeur, puis l'électricité n'imposent plus de se localiser sur
les rivières.
Le Prince Napoléon est venu me rendre
visite il y a bien longtemps accompagné du Général Kellermann. La guerre a
besoin de matériel et à cette époque je pouvais contribuer à assouvir une
partie de ses besoins.
La paix est la plus belle chose qui soit.
La paix intérieure, on la trouve sur mes berges en flânant ou en naviguent sur
mes eaux limpides.
Dès le milieu du XIXème siècle
un projet de barrage sur la Seine avec construction d’écluses à Amfreville sous
les Monts est étudié, puis réalisé. En 1852 fut construit un pont à mon confluent avec la Seine.
Puis
autour de 1930 on construisit des écluses plus modernes; la navigation demanda que mon embouchure soit
déplacée de 500 m environ vers l'aval et on creusa dans les années 30 une
dérivation rectiligne. le cours primitif n'a été comblé que dans les années
1940 (c'est l'emplacement de l'entreprise Fréret devenue la Sabla.). En
1945-1946. le pont de halage fut supprimé et remplacé par une route.
Mes crues sont celles de la Seine. Une
petite maison de briques porte encore une plaque métallique indiquant la crue
de 1910. Mais ne dit-on pas qu’il faut se méfier de l’eau qui dort.
Qu’on me prête vie encore longtemps pour
le bien être de ma vallée et de ses habitants.
Sources :
Evelyne Clastère
*****
Annexe (extrait d'un article de Robert Taupin paru dans Connaissance de l'Eure)
Le flottage du bois
Le
cours inférieur de l'Andelle fut navigable au moins jusqu'à Douville par de
petites embarcations notamment pour le transport du vin. Deux textes en font
mention. Le premier, un mandement de Jean Sans Terre du 8 avril 1203, évoque
une petite nef "una navata vini" qu'Etienne de Longchamps
avait fait venir au château de Douville pour ravitailler la garnison. Le second
est plus tardif, c'est un aveu de Jean de Roncherolles, baron de
Pont-Saint-Pierre, en juillet 1600, qui reconnaît avoir un droit de bremmage
sur les vins transportés en la rivière d'Andelle.
Cependant
le flottage du bois eut certainement une importance économique beaucoup plus
grande. Duchemin, dans son ouvrage sur la baronnie de Pont-Saint-Pierre, lui
consacre un chapitre. Il le fait remonter à la fin du xvème siècle,
avec Jehan Le Roux, le premier marchand à avoir obtenu, du roi Charles VIII, le
privilège de faire flotter le bois à bûches perdues, depuis le village de
Transières, où il avait obtenu la concession de 200 arpents en forêt de Lyons.
Bientôt Le Roux s'attire de vives protestations visant à obtenir la
suppression du flottage, à cause des graves dommages causés aux rives, aux
pêcheries et aux moulins de la rivière.
Des
experts (PV du 7 janvier 1503) ont reconnu que les inconvénients dont se
plaignaient les riverains étaient imputables autant à leur propre négligence
qu'au procédé lui-même. Ils ne nettoyaient pas suffisamment le lit de la
rivière envahi par les herbes, de plus les moulins ne disposaient pas de
système pour lever facilement leurs vannes. Un accord intervint: les
particuliers maintiendront propre la rivière, le marchand limitera la quantité
de bois flotté chaque saison et engagera, à ses frais, assez de gens pour
veiller à ce que les bûches ne s'arrêtent pas contre les berges.
Les
marchands étaient tenus avant de jeter leur bois à l'eau d'en demander la
permission au baron de Pont-Saint-Pierre et payaient un droit de flottage assez
rondelet puisqu'il fut baillé à ferme pour 100 livres par an. Chaque possesseur
des rives exigea un droit identique pour le passage sur sa portion de rivière,
que ce soit l'abbesse de Fontaine-Guérard, le sire de Gonnelieu, seigneur de
Grainville et d'une partie de Radepont, ou les Du Bosc, seigneurs de Radepont
et de Fleury.
Du
Buisson (1590-1652) a visité la région à plusieurs reprises et a noté des
détails techniques intéressants au sujet du flottage « Sur cette rivière, on
laisse aller, tous les ans, vers la fin de l'été et en automne, les bois de la
forêt de Lyons, dont les marchands ont acheté les coupes, et ils vont flottant
non pas par radeaux comme les bois de Bourgogne qui descendent par la Seine à
Paris, mais séparément et bûche à bûche ; et les meuniers sont tenus de
laisser, durant un jour ou deux que ce bois flotte et descend, leurs aisseaux
et pales ouvertes afin qu'il passe, et ont droit de pécher et prendre celui qui
se noie, c'est-à-dire qui, trop abreuvé d'eau et accroché, coule à fond; à
cause de quoi ils laissent exprès la rivière peu nette et pleine de fortes
herbes. Le baron de Pont-Saint-Pierre a droit aussi d'en prendre au passage,
derrière son château, un certain nombre réglé à quoi les marchands sont
abonnés. Quand le bois a flotté et qu'il est descendu jusqu'à la gueule
d'Andelle*, ainsi appelle-t-on l'endroit où cette rivière débouche en Seine, on
le met en piles sur le bord de l'eau pour le laisser essuyer ou sécher, puis on
le charge en bateaux pour être dévalé à Rouen ou monter à Paris. Ce bois est de
charmes, trembles et bouleaux, et, pour la plus grande partie, de hêtres et il
brûle très bien.»
* où il est arrêté par des râteliers placés en
travers du cours (cf. Duchemin)
Au
début du XIXème siècle le flottage se pratiquait encore : en mars
1821, le Préfet avouait : « Il n'existe, dans mes bureaux, aucun renseignement
ou acte authentique sur le flottage de l'Andelle mais il est regardé comme
constant que les rivières du Fouillebroc, de la Lieure et de l'Andelle sont
flottables pour faciliter le transport à Rouen des bois provenant de la forêt
de Lyons. "
Sources
La Baronnie de Pont-Saint-Pierre, P. Duchemin Gisors 1895
Un Itinéraire en Normandie, Chanoine Porée -
Bulletin de la Société de l'Histoire de la Normandie - Tome IX.
Flottage sur l'Andelle ADE 16 S 1 - Police
fluviale ADE 18S7.