Léon-Adolphe
Amette : de Douville au
cardinalat
Léon-Adolphe Amette : de Douville au cardinalat
Un exemple d'ascension sociale :
le fils d'un simple instituteur de campagne devient archevêque, puis cardinal
de Paris.
Enfance
Léon Adolphe
Amette est né le 6 septembre 1850 à Douville-sur-Andelle, et décédé le 29 août
1920 à Antony près de Paris. Son père, instituteur à Douville, était un
chrétien convaincu, qui disait, ayant perdu déjà un de ses 7 enfants :
« j'ai trois fils, si le bon Dieu leur donne à tous les trois la vocation
sacerdotale et s'il appelle mes trois filles à la vie religieuse, je l'en
remercierai à genoux.»
Ses trois fils
furent prêtres, mais les deux aînés, Ambroise et Gabriel moururent jeunes, à
quelques mois d'intervalle, en juillet et novembre 1871, au temps où leur jeune
frère étudiait encore à Saint- Sulpice.
Son oncle était
curé de Bézu-Saint Eloi, et c'est dans cette église que Léon Adolphe fit sa
première communion, en 1861, son oncle curé à l'autel, et entouré de ses deux
frères, l'un déjà curé, l'autre encore diacre.
Léon Adolphe et
les siens ont laissé de nombreux souvenirs dans les paroisses de l’Eure :
Bézu, Cuverville Dangu, Beaumesnil et Pont Saint Pierre d'où venaient ses
parents, Etrépagny, où sa sœur Elisa entra au couvent ; Evreux enfin, avec
Saint Aquilin, son petit séminaire et l’évêché.
Etudes
Le petit séminaire
était une rude école, on y étudiait et priait beaucoup, mais il n'y avait pas
beaucoup de chauffage... On y faisait pourtant de solides études et Léon
Adolphe y fut souvent vainqueur de tournois scolaires. En 1867, sur un sujet de
composition française, il écrit (on notera le style fleuri de l'époque) :
« j'aime le joli village qui m'a donné le jour ; je l'aime, assis sur les
bords de la riante Andelle, au sein de sa poétique vallée, comme un frais nid
d'oiseau, dans un buisson fleuri... j'aime la petite église qui le domine et le
couronne de sa flèche rustique.»
Puis il poursuit
ses études pendant six ans à Issy et à Saint-Sulpice, et est ordonné prêtre en
décembre 1873, actif, mais meurtri par ses deuils, et de santé frêle.
Son successeur, le
cardinal Verdier, lors de l'inauguration du monument érigé dans l'église de
Douville en 1931, ne ménagera pas ses éloges : « Il avait un esprit éminemment
réceptif, son ardeur à l'étude, sa régularité, ses succès, sa ferveur, son sens
judicieux, sa parole tempérée, une pointe d'esprit espiègle, en plus une taille
avantageuse, une souplesse et une élégance sans afféterie, une voix sonore, des
beaux yeux intelligents, une main bien et facilement tendue, firent que ses
maitres ne le perdirent pas de vue et, malgré les vicissitudes de la vie, il ne
s'éloigna pas d'eux.»
Carrière
Les évêques
d'alors avaient la volonté de se préparer leurs successeurs ; ils leur
apprenaient la science de l'administration et l'art du gouvernement. Ainsi, Mgr
Grolleau, évêque d'Evreux, jeta les yeux sur l'abbé Amette, dont il avait connu
et apprécié les deux frères abbés. Il l'attacha au service de la cathédrale
comme secrétaire et ce durant quinze ans (1874-1889), confiné dans un rôle de
second secrétaire pour cartes de visite et petits travaux administratifs,
auquel on permet tout juste quelques prédications dans la chapelle. C'est ainsi
qu'on lui a "conservé la vie" dans ce qu'il appelle lui-même «
l'inutilité apparente de ma situation ». Inutilité apparente seulement, car ce
fut la période de sa vie où il se renforça et se forma. Il faut se souvenir de
la santé fragile du futur cardinal, que l'on craignait de voir suivre ses deux
frères
Ses forces
physiques s'affermissant, la consigne se relâche. Il peut enfin se lancer dans
de multiples activités, particulièrement en direction de la jeunesse, dont il
est le précurseur dans le diocèse d'Evreux : une Conférence de Saint
Vincent de Paul1, un essai de patronage populaire, l'aumônerie de
l'orphelinat de la Miséricorde... un engagement, donc, à forte connotation
sociale.
1. Les Conférences sont des équipes de laïcs, femmes et
hommes, ayant pour vocation la charité de proximité, "service direct,
personnel et permanent de ceux qui souffrent matériellement et moralement, sans
distinction de race, d'opinion ou de confession "
En 1889, Mgr
Grolleau l'élève au titre de vicaire général ; il dirige désormais
l'administration de l'évêché. En 1899, à la mort de Mgr Grolleau, avec qui il
avait fondé le Collège Saint François de Sales à ’Évreux, il
écrit : «C'est toute une jeunesse sacerdotale que j'ai ensevelie dans
son cercueil.»
Pendant dix ans,
il assume son poste de vicaire général à Évreux avec les quatre successeurs de
Mgr Grolleau : François Hautin (1890-1893), Louis François Sueur (1894-1896),
Marie Simon Henri Coulomb (1896-1898) et Philippe Meunier (1898-1913).
Tous quatre ont
travaillé pour l'épiscopat de Mgr Amette, car tous quatre l'avaient apprécié à
son exacte valeur : un prêtre laborieux et sage pour lequel l'administration
d'un diocèse n'était pas une carrière mais un service. Si la charge épiscopale
lui fut donnée, ce n'est pas parce qu'il la rechercha, sa correspondance intime
en fait foi, il la redouta. Durant ces dix années de vicariat général, il a
assuré dans un diocèse aux ressources limitées, où l'évêque changea cinq fois,
cette continuité et cette régularité dans l'expédition des affaires qui sont
indispensables à tout bon gouvernement. En 1899 il est sacré évêque de Bayeux
et Lisieux par le Cardinal Sourrieu, archevêque de Rouen (1894-1899).
Nous savons la
part qu'il a prise à la fondation du collège Saint François de Sales, à celle
de « La Croix de l'Eure», journal destiné aux ouvriers, l'impulsion
qu'il a donnée aux œuvres naissantes et la modération avec laquelle il traita
avec les pouvoirs publics, par exemple lors de l'application de la loi sur les
fabriques2.
2. Avant la séparation des Eglises et de l'Etat, les fabriques
géraient les biens de la paroisse. Les inventaires de ces biens, qui
exigèrent parfois l'intervention de la force publique menèrent par endroits à
une situation proche de la guerre civile.
On voit que Mgr
Amette se trouvait plutôt du côté des partisans de Léon XIII, le pape qui avait
incité les catholiques français à se réconcilier avec la République, et avait
soutenu avec l'encyclique Rerum novarum une politique sociale de
l'Eglise.
1905 : séparation des Eglises et de l'Etat
C'est à Bayeux,
dans un diocèse resté plus religieux que celui d’Évreux, qu'il connaîtra les
signes avant-coureurs de la séparation des Eglises et de l'Etat.
Cette loi, Mgr
Amette l'a préparée et a fortement contribué à la rendre possible. Ce fut un
chef d’œuvre de son esprit de mesure et de sa proverbiale sagesse normande. Il
avait donné d'avance son assentiment au sacrifice des biens matériels : « la
pauvreté de Bethléem ne nous effraye pas, ni pour notre Dieu, ni pour nous ».
Cette loi,
préparée par Aristide Briand, républicain-socialiste, ministre de l'Intérieur
et des Cultes, adoptée le 9 décembre 1905, stipule :
Art.1 : la
République assure la liberté de conscience, elle garantit le libre exercice du
culte
Art.2 : la
République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.
Elle est
violemment critiquée par le pape Pie X, antimoderniste, qui a succédé au
progressiste Léon XIII. Mais grâce à l'intervention de Mgr Amette, les
relations diplomatiques entre la France et le Vatican qui avaient été
officiellement rompues peuvent reprendre.
Cardinal
En 1906, il est
désigné coadjuteur de Mgr Richard, cardinal de Paris, avec mission de le
remplacer à son décès, qui survient en 1908.
Archevêque de
Paris, il saura gagner l'estime et la confiance des plus pauvres et des
travailleurs, dont il comprend les revendications. Il montra beaucoup de
preuves de sa charité en particulier en 1910, au moment des grandes
inondations.
Lors du
consistoire du 27 Novembre 1911, Pie X le nomme cardinal, avec le titre de Cardinal
prêtre de Sainte Sabine.
La Grande guerre.
L’Allemagne ayant
déclaré la guerre à la France le 3 août 1914, le lendemain le Président Raymond
Poincaré proclame l' "Union Sacrée". Le gouvernement s'attend à des
réticences de la part des catholiques humiliés par la politique anti cléricale
de la Troisième République, marquée par l'expulsion des congrégations et les
conditions de la séparation de l'église et de l'Etat en 1905, mais les Français
s'unissent dès la déclaration de guerre et le Cardinal Amette sera un des
promoteurs de cette union.
Parallèlement, le
4 août 1914, Albert Kahn3 initie le comité de Secours national
destiné à alléger les misères des populations civiles. Il confie son idée au
mathématicien Paul Appell qui devient président du comité. 34 membres initiaux
constituent le comité dont des hommes politiques de tout bord, mais aussi le
préfet Louis Lépine, le secrétaire général de la CGT, Léon Jouhaud et le
cardinal Amette qui se dépensera sans compter pendant toute la guerre pour le Secours
national. La générosité de la population et des chefs d'entreprise permet au
comité de distribuer pendant la guerre des millions de repas et des couvertures
aux réfugiés des zones de combat.
3. A. Kahn, banquier qui a réussi, va consacrer sa vie et
sa fortune entre 1898 et 1931, avant de faire faillite, à l'établissement de la
paix universelle.
Le cardinal Léon
Adolphe Amette meurt le 29 août 1920 à Antony chez les sœurs de Saint Joseph de
Cluny. Il est inhumé à Notre Dame de Paris le 9 septembre 1920.
Monuments4 du Cardinal Amette
4. Un monument (du latin monere : se
remémorer ) désigne à l'origine une sculpture ou un ouvrage architectural, puis tout objet
qui atteste l'existence de quelque chose ou de quelqu'un et peut servir de témoignage.
Son tombeau est le
monument en pierre réalisé par Hippolyte Lefebvre en 1923 qui se trouve à
l'intérieur de Notre-Dame de Paris dans la chapelle Saint Vincent de Paul.
Il s'est beaucoup
investi dans la construction de l'église Saint Dominique (1913-1921), située
dans le 14ème arrondissement et nous le voyons au tympan sud dans la
semi-mosaïque réalisée d’après un carton de Marie Cécille Schmitt, remettant
les clés de l'église à Saint Dominique. Les armes qui figurent en bas du tympan
sont les siennes.
Il achève, en
quelque sorte, la basilique du Sacré-cœur, où la mosaïque du
chœur représente le Cardinal Guibert offrant à genoux au Christ la
maquette de l'ex-voto que portent les cardinaux Richard et Amette, et le
cardinal Dubois légèrement en arrière. Les portraits de Mgrs Richard et Amette
ornent la grande galerie de la basilique.
Un monument
imposant surmonte la tombe des deux archevêques Guibert et Richard. Dans cette
chapelle des morts, le cardinal Amette est présent par un bas-relief. Ainsi, la
décoration et la présence de leur tombe traduisent-elles le rôle important
qu'ils ont tenu chacun dans la réalisation du «vœu national».
Une place de Paris
dans le 15ème arrondissement porte son nom ainsi qu'une école primaire
publique.
Il existe une
église dédiée à saint Léon, en hommage au cardinal Amette et à Léon Thélier,
époux de la principale donatrice, place du cardinal Amette dans le 15ème. La
première pierre a été posée en 1924, elle sera achevée en 1934. A l'entrée de
l'église, on peut voir un buste de Léon Amette.
La ville de
Douville a rendu hommage à son cardinal en inaugurant le 8 octobre 1931 un
monument à sa mémoire dans l'église.
En septembre 2008,
le Cercle philatélique et toutes collections de Pont Saint Pierre a
organisé une exposition sur la vie du cardinal Amette dans l'église de
Douville. Cartes postales et documents d'époque y ont retracé son histoire.
Remerciements à
Mme Sabine Boulard Gervaise, parente de Mgr Amette et à M.Gérard Lambert membre
du Cercle philatélique et toutes collections de Pont Saint Pierre et
coorganisateur de l'exposition de Douville en 2008 pour le prêt de leurs
documents.
Sources :
Oraison
funèbre de Léon-Adolphe Amette, prononcée le 23 novembre 1920 par Mgr Touchet,
évêque d'Orléans. Lethielleux,libraire-éditeur. Paris 1920
Inauguration
du monument du cardinal Amette à Douville, le 8 octobre 1931, Imprimerie de
l'Eure. Evreux
Jacques Sorel
Un peu de publicité…
"Pour les hommes surchargés de travail, les femmes
fragiles et les enfants maladifs", le vin Mariani, à base de feuilles de
coca du Pérou... Léon XIII et le cardinal Amette en confirment l'intérêt tonique
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