CALVO
grand dessinateur,
véritable créateur
Qui est ce Calvo
dont la salle culturelle de
Pont-Saint-Pierre porte le nom ?
Edmond-François Calvo, dit Calvo,
est né en 1892 à Elbeuf, où ses parents dirigeaient une distillerie. Il porte
le nom d'une famille arrivée d'Espagne au XVIIIème siècle. Il mesure 1m91, est
un grand sportif, qui remporte en 1909 la Traversée d'Elbeuf à la nage. Il
manifeste très tôt des dons pour le dessin, son père va même lui payer quelques
cours. Après des études au lycée Corneille de Rouen, il est mobilisé de 1914 à
1918.
De 1919 à 1922 il fait la navette entre Elbeuf et Paris, puis dirige une galocherie (fabrique de galoches)
à Pont-Saint-Pierre…
Après un second
mariage en 1924, avec Germaine Nicolas, il travaille à la fabrique de boucles
de son nouveau beau-père, les Etablissements Nicolas, actuellement entreprise
Boulangeot à Pont-Saint-Pierre. Puis, pendant une dizaine d’années, M. et Mme
Calvo tiennent l’Hôtel-restaurant de
l’Union, actuellement La Bonne Marmite. Ceux qui l’ont approché le
décrivent comme un grand viking blond aux yeux bleus, taillé comme
une armoire normande, jovial, doté d’une grande sensibilité et d’une compassion
à toute épreuve.
Pendant cette
période, il commence à publier quelques caricatures pour le Canard
enchainé ainsi que des publicités pour une entreprise locale. Il
conçoit également le lion qui se trouve dans le square de Pont-Saint-Pierre. En
1938, cédant au démon du dessin, il quitte l’auberge pour s’installer à Paris
avec sa femme et ses deux filles.
Il fait des débuts très remarqués avec « La vengeance du corsaire » publié dans l’hebdomadaire pour enfants L'as et surtout avec Le Chevalier de Chantecler paru dans le magazine Junior.
On le voit ensuite
collaborer à un nombre impressionnant de revues : Hardi les Gars, Coq hardi,
Ames vaillantes, Cœurs Vaillants, King Kong, Bravo, Fillette, Zorro,
Baby-Journal, La Semaine de Suzette, Pierrot, Fripounet et Marisette, Nono
Nanette, Grandir, Femmes d’Aujourd’hui, etc…
Peu à peu, il se spécialise dans la bande dessinée animalière et crée une foule
de petits personnages tous plus attachants les uns que les autres : Cricri et
Matou, Coquin le cocker, Patamousse le lapin, Moustache et Trottinette.
Parallèlement il illustre des fables et des grands classiques de la littérature
enfantine (Le Petit Poucet, Cendrillon, Robin des bois ...) et publie
directement aux éditions G.P. ce que
l’on a coutume de considérer comme ses chefs d’œuvres : La bête est morte, Rosalie, et Monsieur Loyal.
Dans L’armée
française au combat : les premiers essais de la bombe atomique, 1945), Calvo
réussit à rendre risible, car grotesque, un sujet aussi horrible qu’un corps
coupé en deux, où pourtant rien ne manque, pas même les viscères qui s’étalent
sur le sol. A partir de 1955 et jusqu'à la fin de sa vie il ne se
consacrera plus qu’à une seule série, Moustache
et Trottinette ( parue dans l’hebdomadaire Femmes d’aujourd’hui) qui reste
son œuvre la plus connue du grand public et comporte des centaines de pages. Il
revient au noir et blanc, ce qui permet d’apprécier pleinement son talent
graphique sans le moindre artifice.
C’était
un bourreau de travail, auteur boulimique d’un petit monde grouillant sans
cesse grandissant, voire délirant ; il pouvait passer plus de douze heures de
sa journée attaché à sa table à dessin ou à sculpter dans son atelier.
Il meurt dans l’indifférence générale en 1957 à Paris et repose dans le caveau de la famille Nicolas au cimetière de Pont-Saint-Pierre. Mais Albert Uderzo, le dessinateur d'Astérix, reconnaît sa dette, sous forme d'un hommage qu'il fait paraître dans Pilote : "j'avais alors treize ans pour moi, c'était la fête car, comme il n'avait pas fini ses dessins, je restais sans bouger, tout l'après-midi, à le regarder travailler… »
Le lion du square G.PhilbertAmitié et Système D.
En 1936/37, un contremaître d’une
entreprise de maçonnerie, qui travaillait à Romilly-sur-Andelle au moulin
Delafosse, prenait pension à l’Hotel de l’Union chez Calvo, qui lui montra la
sculpture d’un lion en terre glaise, de la taille d’un
chien. « Dommage qu’il ne soit pas plus grand, lui dit le contremaitre, on pourrait le
faire en béton et l’installer sur une place ». L'idée du lion était née.
Quelques mois plus tard Calvo achevait de le modeler en taille réelle. Puis ce
lion fut moulé, avec une vingtaine de sacs de plâtre, et du béton coulé dans la
forme en creux. Une bouteille a été placée à l’intérieur du lion avec les
signatures de ceux qui ont participé à sa réalisation : Calvo bien sûr,
Iaconelli, le contremaître, Bollo, manœuvre, Pireck, charpentier, un menuisier
Mézerai, surnommé le père Copeau, Folliot, contremaitre de l’entreprise
Bulher qui installait le moulin Delafosse, ami de Delafosse… Après quelques
retouches, l’œuvre a été transportée au square avec l’aide de M. Renouvin, des
Etablissements Philbert.
(d’après une interview réalisée en
1989 pour le bulletin municipal de
Pont-Saint-Pierre, par M. Félix Lafuente, conseiller)
La bête est morte
Publié en deux volumes (Quand la bête est
déchaînée et Quand la bête est terrassée) en 1944 par les éditions Générale
Publicité, avec un scénario de Victor Dancette, l'éditeur, alors même que la
guerre n’était pas tout à fait terminée, c'est une satire animalière qui
transporte la Seconde guerre mondiale chez les animaux.
Les Allemands sont
représentés par des loups (sauf Goering et Goebbels, respectivement cochon et
putois), les Russes par des ours blancs, les Américains par des bisons, les
Anglais par des bouledogues, les Belges par des lionceaux. Les Français sont quant à eux de gentils lapins et
écureuils, à l’exception des membres de la Résistance qui figurent en cigognes
(de Gaulle est la grande cigogne nationale).
L’Allemagne
s’appelle la Barbarie. La couverture du premier volume montre le chef des loups
(Hitler) dans la fierté de la victoire, le bras droit levé et le regard
mauvais ; le second album le représente avec un œil crevé caché par un
vilain morceau de cuir, une plaie à la patte gauche, la vareuse déchirée. Sa botte
droite laisse passer ses orteils, les bras levés en signe de capitulation. La fin est proche !!!
Le premier fascicule, écrit pendant
l’Occupation, remporte un succès immédiat, l’impact est énorme, au point qu’il
y eut dans les mois qui suivirent, des versions anglaise et néerlandaise, et
plus tard en allemand.
Ce fut aussi la
première bande dessinée à évoquer la déportation des juifs
Les deux volumes,
reliés en un seul ont été réédités en 1977 par Futuropolis et en 1995 par Gallimard.
Walt Disney, mécontent de la ressemblance
entre le loup de Calvo et le grand méchant loup de ses dessins animés, le
menaça de plagiat. Calvo rectifia donc les truffes du loup dans le second
volume et dans les éditions ultérieures. Disney lui proposa alors de venir travailler
en Californie, mais Calvo déclina cette offre....
Uderzo, le père d'Astérix et Obélix, a plusieurs fois rendu hommage à Calvo
[...] Quand j'avais 13 ans, mon frère], pour que
je ne traîne pas dans la rue, m'a emmené dans une maison d'édition très
importante à l'époque, la Société Parisienne d'édition. J'étais censé y passer
les deux mois de vacances, mais j'y suis resté un an. Grâce à ça, j'ai
rencontré de grands noms de la bande dessinée de l'époque, dont un certain
Edmond-François Calvo qui était un type adorable, un grand bonhomme normand que
j'ai regardé travailler pendant des heures. Il a été mon parrain dans ce
métier. (interview blog BD 2007)
"Je pense qu'un certain nombre d'auteurs n'ont pas le succès qu'ils méritent. En mon temps, un Calvo, au talent immense, était réduit à vivre dans une soupente." ( interview Figaro magazine 2009 )
Calvo et la réclame (comme on disait alors)
L'entreprise Tron et Berthet de
Pont-Saint-Pierre était bien placée pour avoir recours aux services de Calvo
pour son modèle phare.
Calvo n'a pas fait
que la réclame de Tron et Berthet. Le buvard, qui servait à éponger le trop
plein d'encre quand on écrivait encore à la plume, était un important support
de publicité avant l'adoption du stylobille dans les années soixante.
réclame pour un journal humoristique |
La force de l'habitude…
-Une selle d'agneau ? -Non, une selle Idéale !
|
un album à colorier offert par Liebig. On devine ce qui va tirer le petit poucet de ce mauvais pas... …. |
Notons la formule
qui joue sur la construction d'un syllogisme, et met en avant "heureux et
bien portant", plutôt que l'assimilation à une vedette : elle s'adresse
aux parents.
Sources :
Documentation personnelle et article d'Arnaud Wronka, de l'Université de
Lille (1998) (sur Internet)
Témoignage de Félix Lafuente pour le lion du square
Journal d'Elbeuf