1 juin 2017

Calvo, dessinateur et sculpteur

Edmond-François Calvo

CALVO
grand dessinateur, véritable créateur


Qui est ce Calvo dont la salle culturelle de Pont-Saint-Pierre porte le nom ?
Edmond-François Calvo
Edmond-François Calvo, dit Calvo, est né en 1892 à Elbeuf, où ses parents dirigeaient une distillerie. Il porte le nom d'une famille arrivée d'Espagne au XVIIIème siècle. Il mesure 1m91, est un grand sportif, qui remporte en 1909 la Traversée d'Elbeuf à la nage. Il manifeste très tôt des dons pour le dessin, son père va même lui payer quelques cours. Après des études au lycée Corneille de Rouen, il est mobilisé de 1914 à 1918. 
De 1919 à 1922 il fait la navette entre Elbeuf et Paris, puis dirige une galocherie (fabrique de galoches) à Pont-Saint-Pierre…
Etablissements Nicolas, actuellement entreprise Boulangeot à Pont-Saint-Pierre
Après un second mariage en 1924, avec Germaine Nicolas, il travaille à la fabrique de boucles de son nouveau beau-père, les Etablissements Nicolas, actuellement entreprise Boulangeot à Pont-Saint-Pierre. Puis, pendant une dizaine d’années, M. et Mme Calvo tiennent l’Hôtel-restaurant de l’Union, actuellement La Bonne Marmite. Ceux qui l’ont approché le décrivent comme un grand viking blond aux yeux bleus, taillé comme une armoire normande, jovial, doté d’une grande sensibilité et d’une compassion à toute épreuve.
Pendant cette période, il commence à publier quelques caricatures pour le Canard enchainé ainsi que des publicités pour une entreprise locale. Il conçoit également le lion qui se trouve dans le square de Pont-Saint-Pierre. En 1938, cédant au démon du dessin, il quitte l’auberge pour s’installer à Paris avec sa femme et ses deux filles.
Edmond-François Calvo

Edmond-François Calvo
Il fait des débuts très remarqués avec « La vengeance du corsaire » publié dans l’hebdomadaire pour enfants L'as et surtout avec Le Chevalier de Chantecler paru dans le magazine Junior.
Edmond-François Calvo
Edmond-François Calvo
On le voit ensuite collaborer à un nombre impressionnant de revues : Hardi les Gars, Coq hardi, Ames vaillantes, Cœurs Vaillants, King Kong, Bravo, Fillette, Zorro, Baby-Journal, La Semaine de Suzette, Pierrot, Fripounet et Marisette, Nono Nanette, Grandir, Femmes d’Aujourd’hui, etc…
Edmond-François Calvo

Edmond-François Calvo
Peu à peu, il se spécialise dans la bande dessinée animalière et crée une foule de petits personnages tous plus attachants les uns que les autres : Cricri et Matou, Coquin le cocker, Patamousse le lapin, Moustache et Trottinette. Parallèlement il illustre des fables et des grands classiques de la littérature enfantine (Le Petit Poucet, Cendrillon, Robin des bois ...) et publie directement aux éditions G.P. ce que l’on a coutume de considérer comme ses chefs d’œuvres : La bête est morte, Rosalie, et Monsieur Loyal.
Edmond-François Calvo
Dans L’armée française au combat : les premiers essais de la bombe atomique, 1945), Calvo réussit à rendre risible, car grotesque, un sujet aussi horrible qu’un corps coupé en deux, où pourtant rien ne manque, pas même les viscères qui s’étalent sur le sol. A partir de 1955 et jusqu'à la fin de sa vie il ne se consacrera plus qu’à une seule série, Moustache et Trottinette ( parue dans l’hebdomadaire Femmes d’aujourd’hui) qui reste son œuvre la plus connue du grand public et comporte des centaines de pages. Il revient au noir et blanc, ce qui permet d’apprécier pleinement son talent graphique sans le moindre artifice.
Edmond-François Calvo

C’était un bourreau de travail, auteur boulimique d’un petit monde grouillant sans cesse grandissant, voire délirant ; il pouvait passer plus de douze heures de sa journée attaché à sa table à dessin ou à sculpter dans son atelier.

Il meurt dans l’indifférence générale en 1957 à Paris et repose dans le caveau de la famille Nicolas au cimetière de Pont-Saint-Pierre. Mais Albert Uderzo, le dessinateur d'Astérix, reconnaît sa dette, sous forme d'un hommage qu'il fait paraître dans Pilote : "j'avais alors treize ans pour moi, c'était la fête car, comme il n'avait pas fini ses dessins, je restais sans bouger, tout l'après-midi, à le regarder travailler… »

Le lion du square G.PhilbertAmitié et Système D.

Le lion du square G.PhilbertAmitié Pont St Pierre - Edmond-François Calvo
En 1936/37, un contremaître d’une entreprise de maçonnerie, qui travaillait à Romilly-sur-Andelle au moulin Delafosse, prenait pension à l’Hotel de l’Union chez Calvo, qui lui montra la sculpture d’un lion en terre glaise, de la taille d’un chien. « Dommage qu’il ne soit pas plus grand, lui dit le contremaitre, on pourrait le faire en béton et l’installer sur une place ». L'idée du lion était née. Quelques mois plus tard Calvo achevait de le modeler en taille réelle. Puis ce lion fut moulé, avec une vingtaine de sacs de plâtre, et du béton coulé dans la forme en creux. Une bouteille a été placée à l’intérieur du lion avec les signatures de ceux qui ont participé à sa réalisation : Calvo bien sûr, Iaconelli, le contremaître, Bollo, manœuvre, Pireck, charpentier, un menuisier Mézerai, surnommé le père Copeau, Folliot, contremaitre de l’entreprise Bulher qui installait le moulin Delafosse, ami de Delafosse… Après quelques retouches, l’œuvre a été transportée au square avec l’aide de M. Renouvin, des Etablissements Philbert.
(d’après une interview réalisée en 1989 pour le bulletin municipal de Pont-Saint-Pierre, par M. Félix Lafuente, conseiller)

La bête est morte

Edmond-François Calvo - La bête est morte
Publié en deux volumes (Quand la bête est déchaînée et Quand la bête est terrassée) en 1944 par les éditions Générale Publicité, avec un scénario de Victor Dancette, l'éditeur, alors même que la guerre n’était pas tout à fait terminée, c'est une satire animalière qui transporte la Seconde guerre mondiale chez les animaux. 
Edmond-François Calvo - La bête est morte
Edmond-François Calvo - La bête est morte
Les Allemands sont représentés par des loups (sauf Goering et Goebbels, respectivement cochon et putois), les Russes par des ours blancs, les Américains par des bisons, les Anglais par des bouledogues, les Belges par des lionceaux. Les Français sont quant à eux de gentils lapins et écureuils, à l’exception des membres de la Résistance qui figurent en cigognes (de Gaulle est la grande cigogne nationale).
Edmond-François Calvo - La bête est morte
L’Allemagne s’appelle la Barbarie. La couverture du premier volume montre le chef des loups (Hitler) dans la fierté de la victoire, le bras droit levé et le regard mauvais ; le second album le représente avec un œil crevé caché par un vilain morceau de cuir, une plaie à la patte gauche, la vareuse déchirée. Sa botte droite laisse passer ses orteils, les bras levés en signe de capitulation. La fin est proche !!!
Edmond-François Calvo - La bête est morte
Le premier fascicule, écrit pendant l’Occupation, remporte un succès immédiat, l’impact est énorme, au point qu’il y eut dans les mois qui suivirent, des versions anglaise et néerlandaise, et plus tard en allemand.
Edmond-François Calvo - La bête est morte
Ce fut aussi la première bande dessinée à évoquer la déportation des juifs
Les deux volumes, reliés en un seul ont été réédités en 1977 par Futuropolis et en 1995 par Gallimard.
Walt Disney, mécontent de la ressemblance entre le loup de Calvo et le grand méchant loup de ses dessins animés, le menaça de plagiat. Calvo rectifia donc les truffes du loup dans le second volume et dans les éditions ultérieures. Disney lui proposa alors de venir travailler en Californie, mais Calvo déclina cette offre....
Edmond-François Calvo - La bête est morte

Edmond-François Calvo - La bête est morte

Uderzo, le père d'Astérix et Obélix, a plusieurs fois rendu hommage à Calvo

Edmond-François Calvo
[...] Quand j'avais 13 ans, mon frère], pour que je ne traîne pas dans la rue, m'a emmené dans une maison d'édition très importante à l'époque, la Société Parisienne d'édition. J'étais censé y passer les deux mois de vacances, mais j'y suis resté un an. Grâce à ça, j'ai rencontré de grands noms de la bande dessinée de l'époque, dont un certain Edmond-François Calvo qui était un type adorable, un grand bonhomme normand que j'ai regardé travailler pendant des heures. Il a été mon parrain dans ce métier. (interview blog BD 2007)

"Je pense qu'un certain nombre d'auteurs n'ont pas le succès qu'ils méritent. En mon temps, un Calvo, au talent immense, était réduit à vivre dans une soupente." ( interview Figaro magazine 2009 )

Calvo et la réclame (comme on disait alors)

Edmond-François Calvo - Tron et Berthet Pont St Pierre - Selles Idéale
L'entreprise Tron et Berthet de Pont-Saint-Pierre était bien placée pour avoir recours aux services de Calvo pour son modèle phare.
Edmond-François Calvo - Tron et Berthet Pont St Pierre - Selles Idéale
Calvo n'a pas fait que la réclame de Tron et Berthet. Le buvard, qui servait à éponger le trop plein d'encre quand on écrivait encore à la plume, était un important support de publicité avant l'adoption du stylobille dans les années soixante.
Edmond-François Calvo - Tron et Berthet Pont St Pierre - Selles Idéale

Edmond-François Calvo - chaussures André

réclame pour un journal humoristique
réclame pour un journal humoristique

Edmond-François Calvo - Tron et Berthet Pont St Pierre - Selles Idéale
La force de l'habitude…
-Une selle d'agneau ? -Non, une selle Idéale !

Edmond-François Calvo Liebig
un album à colorier offert par Liebig. On devine ce qui va tirer le petit poucet de ce mauvais pas... ….

Edmond-François Calvo
Notons la formule qui joue sur la construction d'un syllogisme, et met en avant "heureux et bien portant", plutôt que l'assimilation à une vedette : elle s'adresse aux parents.

Sources :

Documentation personnelle et article d'Arnaud Wronka, de l'Université de Lille (1998) (sur Internet)
Témoignage de Félix Lafuente pour le lion du square
Journal d'Elbeuf


Philippe Levacher