1 décembre 2018

Marcel Niquet, peintre de Poses et de Pîtres

Marcel Niquet, L'Eglise de Pîtres, huile sur toile, 34x38, 1934, collection particulière, Poses

Marcel Niquet, L'Eglise de Pîtres, huile sur toile, 34x38, 1934, collection particulière, Poses


Qui a peint le Val de Pîtres ? (4)


Au cours des trois premiers articles, nous avons fait connaissance avec les peintres renommés qui ont posé leur chevalet dans notre région, tel Camille Pissarro aux Damps, Paul Signac au Petit Andely, Gustave Loiseau au Vaudreuil, etc…, des peintres de ''l'École de Rouen'', Robert-Antoine Pinchon qui a peint Romilly et Pierre Le Trividic, la plaine de Pîtres.
           
Ami de ces deux derniers, Léon Suzanne (1870-1923) réside à Léry entre 1907 et 1910.
           
C'est ainsi qu'il rencontre le jeune Marcel NIQUET, né à Poses en 1889, et qui y fera toute sa carrière de peintre.
Marcel Niquet

Excellent paysagiste et portraitiste, Léon Suzanne lui prodigue de très nombreux conseils durant ces quatre années. Une réelle amitié les unit; en effet, ils sont tous deux fils de boulanger, et ont tous deux aidé leurs parents dans cette lourde tâche.
Mais pas seulement des conseils : il parcourt avec son jeune élève les bords de Seine, peignant côte à côte sur le motif, à différentes saisons. D'où la passion de Marcel Niquet, pour les rives du fleuve qu'il ne se lassera jamais de peindre. Plus tard, Léon Suzanne posait le chevalet auprès de son jeune ami. On lui doit ainsi de belles compositions du village de Léry et des bords de Seine de Poses.
           
Enfant, déjà, Marcel Niquet dessinait afin de se divertir. Le peintre Paul Sinibaldi (1857-1909), reconnu à cette époque, en villégiature à Poses, remarqua cet adolescent, le crayon à la main, et lui prodigua ses premières leçons. Le jeune élève put donc se targuer d'avoir eu successivement deux artistes réputés comme premiers professeurs. S'en suivent des expositions à la galerie Legrip à Rouen.
Incorporé dans l'infanterie française dès la déclaration de guerre en 1914, il est blessé lors de l'offensive du 25 septembre 1915, puis fait prisonnier en Allemagne début 1917.
L'armistice de 1918 le ramène à Poses auprès des siens, dont sa soeur, 'photographe portraitiste' tenant boutique au village. Acharné de travail, il enchaîne alors, comme durant toute sa carrière, les expositions à la Galerie Legrip, à la Galerie Moderne, au Salon des Artistes Rouennais, aux Expositions Municipales annuelles des Beaux-Arts ainsi que celles des Andelys, entre autres.
Bien évidemment les bords de Seine à Poses constituent le cœur de son œuvre. Et quelle que soit la saison; les neiges recueillent sûrement sa préférence. Mais la traversée des écluses, pour se rendre 'de l'autre côté de l'eau', lui procure des motifs totalement différents avec ses hautes falaises de craie blanche qui semblent dompter le large cours du fleuve. En poussant un peu plus loin, il atteint Pîtres et son Eglise Notre-Dame datant des IXème et Xème siècles, édifice remarquable de la Basse Vallée de l'Andelle :
Détaillons un peu, si vous le voulez bien, cette œuvre :

-          sa composition est classique, photographique, pourrait-on dire ; rappelez-vous que la sœur du peintre est photographe professionnelle ! Il retranscrit tout bonnement sur sa toile, les éléments qu'il a devant les yeux


-          structure monocentrique : il existe un seul point de fuite où converge l'ensemble des lignes de construction du dessin ; ce qui amène calme et totale lisibilité de la composition ; le point de fuite se situe au niveau de trait de tuiles du muret au fond du sentier. Ce point représente à la fois, la pointe du triangle formé par le chemin dont la base repose sur la partie inférieure du tableau, ainsi que la pointe d'un triangle inversé tout entier consacré au ciel. Notons que ces deux triangles sont vierges d'éléments, à part le sage clocher de l'église, et construisent deux espaces de respiration. Ce qui explique la lisibilité remarquable de la composition ;

-          la touche est lisse, fondue ;

-          la chromatie, concorde avec la réalité; pas de transgression. Le ciel est bleu, les nuages légers, le crépis des murs et des maisons est de couleur crème et uni, la végétation bien verte et maîtrisée… tout concourt à rendre le récit paisible et sans souci…


Quelques remarques intéressantes :

-          Marcel Niquet procède à une description presque méticuleuse des éléments qui composent son motif. C'est le système architectural qui l'intéresse. L'élément social est occulté : pas d'animation, pas de vie.

-          La très grande majorité de ses toiles est numérotée, tel un catalogue raisonné, voire daté dans le meilleur des cas, comme ici 1934, d'où une facilité d'archivage et de compréhension de l’œuvre du peintre par les historiens de l'art.

-          Enfin, Marcel Niquet n'a pas le souci de correspondre à un quelconque mouvement pictural quel qu'il soit, alors que l'avant garde parisienne se penche sur le Surréalisme d'André Breton et que l'URSS verse vers le Réalisme socialiste ou le Futurisme. Il est en phase avec la vie paisible et quotidienne de son village, au rythme de l'emprise des saisons.

Marcel Niquet est le témoin de son village à son époque et nous renseigne aujourd'hui de son histoire.
                                         

     
A lire le prochain article sur Léon Minet

Eric Puyhaubert



Bibliographie :

- François Lespinasse, L'Ecole de Rouen, 1985
- François Lespinasse, Robert A Pinchon, 1990
- Amis de l’École de Rouen, Marcel Niquet, 2005
- Archives personnelles