1 décembre 2018

Le moulin de Besle



La Besle histoire d’un moulin à Romilly-sur-Andelle -

La Besle histoire d’un moulin à Romilly-sur-Andelle


L’histoire de Romilly-sur-Andelle et de ses habitants se confond avec celle de ses moulins, présents depuis le moyen-âge dans le paysage escarpé de la vallée de l’Andelle.

L’idée de retracer l’histoire du moulin de Besle naquit lors de la rédaction d’un opuscule relatant l’histoire de Françoise Cavelier, petite-fille de Gaston Philbert et de Maurice Cavelier.
La famille Philbert, originaire de la Meuse, était arrivée en 1890 à Pont-Saint-Pierre, Honoré Philbert y créa cette année-là une entreprise de constructions mécaniques et son neveu Gaston reprit l’entreprise en 1921. Il devint conseiller municipal de la commune en 1926, puis maire de 1935 à 1944.
La famille Cavelier était implantée au moins depuis le XVIIe siècle à Romilly. Elle vécut et participa aux transformations de la commune, fournissant des ouvrières et ouvriers aux différentes entreprises qui régissaient l’activité des moulins. Deux Cavelier furent maires de la commune, François en 1794-1795, Jean-Charles de 1796 à 1798, puis de 1805 à 1831.

Une surprise ponctua mes recherches, quand je croisai un personnage sur lequel je travaille depuis 25 ans, Racine de Monville, créateur du Désert de Retz, considéré comme le jardin initiatique le plus achevé du siècle des Lumières. Propriétaire du château du Thuit, près des Andelys, il avait la charge de Grand-Maître des Eaux et Forêts de Rouen quand il effectua une visite complète des moulins de Romilly, dont celui de Besle, en juin 1760.

Il n’en fallait pas plus pour poursuivre assidûment ces recherches et tenter de démêler l’histoire du moulin de Besle.

Le moulin de Besle a subi les mêmes transformations que ses congénères au fil des siècles. Tout d’abord moulin à blé, sous la dénomination du moulin du Pré, il fut l’un des premiers moulins de la région, attesté comme bien de l’abbaye de Lyre au XIIe siècle. Au XVIe siècle, il était un foulon pour les drapiers d’Elbeuf. Transformé en 1713, il devint le moulin d’Hollande. Au XIXe siècle, il fut artisan de la grandeur et de la décadence des fonderies de Romilly. On y fondit le laiton, avant de le tréfiler. Quand les activités des fonderies cessèrent à la fin du XIXe siècle, on y implanta une scierie pour développer des activités autour du bois. Le moulin produisait alors l’électricité nécessaire au fonctionnement du ruban.

Le moulin de Besle, pour classique que soit son histoire, au regard des autres moulins de la vallée de l’Andelle, a la particularité d’avoir toujours été à la pointe de l’innovation au cours des siècles.

1°) Un moulin à blé :

Jusqu’au milieu du XVIe siècle, la vallée de l’Andelle était parsemée exclusivement de moulins à bled (blé), hormis les hauts-fourneaux de Normanville (Le Mesnil-Lieubray), alimentés par les minerais qui se trouvaient en pays de Bray.
Le moulin du Pré fut un des premiers édifiés. Il était au XIIe siècle propriété de l’abbaye de Lyre, créée en 1046 par Guillaume Fitz-Osbern, comte de Breteuil et petit-neveu du duc de Normandie. Ce dernier avait offert la paroisse de Romilly à l’abbaye de Lyre, tout en conservant la majeure partie des terres qu’il y possédait. Robert de Leicester, son successeur, un des premiers seigneurs de Romilly, autorisa les habitants à faire paître leurs moutons dans la côte des Deux Amants qui jouxte le moulin. On pourrait penser qu’il n’en fallait pas plus pour que le moulin du Pré devienne celui de Besle. En fait, Besle proviendrait de berle (berula en latin), signifiant cresson sauvage. Une cressonnière était en effet implantée depuis longtemps à cet endroit.

2°) Un foulon à draps

Dès le XVIe siècle, l’activité se développa dans la vallée par la création de foulons et de filatures œuvrant pour les fabricants des villes lainières voisines, Louviers et Elbeuf. En 1757, on comptait onze moulins sur les communes de Pont-Saint-Pierre et Romilly-sur-Andelle, dont celui de Besle. Les draps étaient convoyés depuis Elbeuf par voie fluviale ou terrestre (les deux villes étant distantes de 23km).

On trempait les draps entre dix et quinze jours dans la rivière, au pied du moulin, pour les dégraisser. Pendant ce long séjour ils étaient exposés à de nombreux risques. Si le niveau de l’eau était trop bas ou le courant pas assez rapide, ils surnageaient et leur couleur passait. Cette opération s’avérait plus délicate l’été, car le soleil était plus fort et le courant plus faible. De plus, la rivière charriait du limon qui tachait les draps (sans compter les grumes de bois perdu qui descendait la rivière pour charrier le bois de chauffage). On comptait près de 35% de pertes dans cette opération. Ensuite, les draps étaient foulés, et c’est là que le moulin intervenait. On faisait tomber de lourdes pièces de bois sur les draps pour rendre l’étoffe unie et feutrée. Cette opération était réalisée au moulin de Besle de façon dite traditionnelle,
Le 29 mai 1700, les frères Louis-Nicolas et Michel Lancelevée, maîtres foulonniers de la vallée de l’Andelle, louent le moulin de Besle à Jean Delarue le jeune, moyennant 190 livres par an. Ce dernier appartient à une des plus importantes familles de drapiers d’Elbeuf, on comprend aisément l’intérêt qu’il porte au fonctionnement de ce moulin.
La Besle histoire d’un moulin à Romilly-sur-Andelle - Moulin à foulon traditionnel avec arbre à cames

Moulin à foulon traditionnel avec arbre à cames

En 1713, ces mêmes frères Lancelevée décident de transformer le moulin de Besle pour y construire un mécanisme à la façon d’Hollande. Il va dès lors changer son patronyme pour celui de moulin d’hollande.
La Besle histoire d’un moulin à Romilly-sur-Andelle - Moulin à la façon de Hollande : les cammes entraînent des pilons verticaux, plus efficaces. Duhamel de Monceau, L’art de la draperie

Moulin à la façon de Hollande : les cammes entraînent des pilons verticaux, plus efficaces.
Duhamel de Monceau, L’art de la draperie


Après sa rénovation, il comprend trois roues au lieu d’une seule habituellement : La première est fort grande et très élevée de sorte que la rivière ne la peut incommoder lorsqu’elle déborde. La seconde est placée dans le moulin, laquelle fait tourner la troisième, qui est au second étage de la maison, actionnant 22 pilons de 19 pieds de haut, qui tombent dans dix piles placées au premier étage et au-dessus de l’inondation, de manière que les mouvements ne sont jamais arrêtés par les grosses eaux. Dans les moulins ordinaires, le mouvement n’étant pas démultiplié, la roue de nécessité est petite, afin que l’arbre puisse tourner avec une rapidité suffisante. Les vaisseaux dans lesquels se trouvent les draps à fouler se trouvent quasiment au niveau de l’eau. Or, l’Andelle déborde fréquemment. Son arbre tournant à 9 ou 10 pieds au-dessus des pilles ne risque plus d’accrocher ni ne déchirer les pièces de draps. Mais surtout les pilons frappent droit et foulent plus rapidement et sans risque.

Les Lancelevée demandent une subvention de 6000 livres au Conseil de Commerce, l’entreprise leur ayant déjà coûtée 12 000 livres. Louis-Nicolas Lancelevée subit le 29 janvier 1713 un interrogatoire très serré, consigné dans les registres de la manufacture.  
Les 6000 livres seront destinés à achever le moulin, à le fournir des agrès nécessaires comme chaudières, fourneaux, à construire un petit canal d’environ 50 perches (sur un terrain qui ne leur appartient pas) pour faciliter les rotations du bateau qui porte et rapporte les draps à Elbeuf. Le foulonnier remet à plus tard la construction d’un bâtiment solide pour habiter les draps, ceux-ci seront donc entreposés seulement dans de légers hangars en planches.

On ne sait pas si la somme demandée fut obtenue. En revanche, Nicolas Lancelevée, fils de Nicolas (donc un des frères de Louis), vend en 1717, « un moulin façon d’Hollande, à dix pilles, sis en la paroisse de Romilly, avec l’islet du côté de la roue qui est formé par le grand bras de la rivière de l’Andelle et la tranchée au Noë dudit moulin, et l’autre islet sur lequel est ledit moulin ou portion de prairie appelé le Touret » pour 8000 livres payées par moitié par Thomas Bourdon, trésorier de France demeurant à Rouen et Pierre Bourdon, drapier d’Elbeuf, et pour l’autre moitié par Louis Flavigny, drapier d’Elbeuf. Deux grandes familles de fabricants prennent ainsi possession de l’un des plus beaux moulins de la région.
Le 11 janvier 1757, le Conseil du roi Louis XV avait rendu un arrêt qui réglementait l’activité des moulins. C’est François Henri Nicolas Du Jonquoy, seigneur du Thuit, baron de Monville, Grand-Maître des Eaux et Forêts de Rouen (son grand-père Thomas Lemonnier lui a acheté cette charge avec dispense d’âge, le 15 janvier 1757, pour 600 000 livres) qui fut chargé de veiller au respect de cet arrêt, notamment de l’article 9 qui stipule que pour prévenir plus surement les gonflements d’eau et procurer plus promptement et sans qu’il soit besoin d’un curage en forme et dispendieux le nettoyement du fond de la rivière d’Andelle, les ayants ou tenants moulins seraient tenus tous les dimanche à soleil levant de tenir leurs portelles de décharge ouvertes jusqu’à soleil couchant du même jour, et qu’ils s’arrangeraient ensemble de façon qu’en tous temps il y ait au moins six pouces de bords francs au-dessus de la superficie de l’eau dans toute l’étendue du terrain qu’occupent ces moulins, le tout sous peine d’amende arbitraire, dont les dits ayants et tenants des moulins seraient solidairement responsables.
À la suite d’une première expertise, Racine de Monville avait rendu un avis sur la situation les 28 juillet et 15 octobre 1759, à la suite de quoi le conseil d’État du roi du six novembre 1759 précisa ainsi l’article 9 : Les ayants et tenants des moulins depuis l’embouchure de l’Andelle jusqu’à Pont-Saint-Pierre seront tenus depuis le 15 mars jusqu’au 15 octobre de chaque année d’ouvrir tous les dimanches les portelles une heure après le lever du soleil sans pouvoir les refermer qu’une heure avant le soleil couché. Ainsi, l’opération de trempage peut se dérouler deux heures chaque dimanche, à la satisfaction des drapiers d’Elbeuf.
Racine de Monville effectua en juin 1760 la visite complète des moulins de l’Andelle, sa visite étant entièrement reportée (consultable aux archives de l’Eure). À l’issue de la visite, il délivra une ordonnance (le 18 juin 1760) pour l’exécution de cet arrêt et le curage de la rivière l’Andelle, fustigeant notamment le Sieur Letourneur qui aurait relevé la sole gravière de son moulin de six à sept pouces.
Voici ce que rapporte Racine de Monville de son passage au moulin de Besle, effectué en compagnie de Martinet, maître particulier de la maîtrise des eaux et forêts à Pont-de-l’Arche : De là nous sommes arrivés au moulin dit le moulin d’Hollande, appartenant au Sieur Lancelevée où, après avoir fait appeler les nommés André Letourneur et Pierre Chardon, propriétaires des moulins au-dessus du dit moulin d’Hollande, lesquels se sont présentés, et sur la demande que nous leur aurions faite si le moulin d’Hollande ayant trente pouces et demi de portelles de haut et la fleur de lys à quatre pouces au-dessus des dites portelles pouvait nuire à leur moulin ainsi que celui de Repainville appartenant aussi au sieur Lancelevée, ayant trente deux pouces et demi de portelles de hautet la fleur de lys à quatre pouces au-dessus de l’affleurement des dites portelles, a été par les dits Letourneur et Chardon répondu que les dits moulins en cet état ne leur sont point nuisibles, nous les avons interpellés pour signer avec nous et le dit Martinet, leurs déclarations, signé Pierre Chardon, André Letourneur et Lancelevée .
Sur quoi nous grand-maître nous aurions fait placer en notre présence tant au moulin de Hollande qu’à celui de Repainville une fleur de lys à quatre pouces au dessus des dites portelles pour servir de repère aux dits deux moulins et avons signé avec le dit Martinet, signé Racine de Monville, Martinet, De Saignes, du Crocq de Biville et de Vauzelle avec paraphes.

Racine de Monville doit exercer un regard particulier et attentif sur le moulin de Besle (on parlerait même aujourd’hui d’un conflit d’intérêts). En effet, ce moulin travaille pour des membres de sa famille (les Lemonnier, grande famille de drapiers d’Elbeuf, un temps exilée… en Hollande… après la révocation de l’édit de Nantes, car s’étant convertie au protestantisme) et de celle de sa femme Aimable Charle Félicité Lucas de Boncout, (descendante des Delarue et des Bourdon, autres grandes familles de drapiers d’Elbeuf citées plus haut), épousée le 30 septembre 1755, (elle décéda le 16 décembre 1760). Tous ces drapiers commercent avec le moulin de Besle et les Lancelevée depuis plusieurs décennies… Cela durera jusqu’à la Révolution !

3°) Un moulin des fonderies de Romilly :

Les fonderies de cuivre de Romilly furent créées en 1782 par Michel Louis Le Camus de Limare, lui aussi lié par sa famille aux drapiers d’Elbeuf, qui déposa un acte de société le 16 avril 1785 en l’étude Dosne. Première entreprise à laminer le cuivre à grande échelle, elles initièrent la métallurgie non ferreuse en Haute-Normandie. La Société Anonyme des fonderies de Romilly fut créée le 21 janvier 1809.
À cette époque, les Fonderies de Romilly étaient un ensemble industriel qui comprenait trois éléments :

-          L’usine de Perpignan, achetée en 1779, était l’usine principale, construite à l’emplacement de quatre anciens moulins à foulon. Elle comprenait une fonderie avec six fours à réverbère, où les cuivres bruts importés de Suède, Russie et Angleterre, étaient refondus avec les vieux métaux récupérés en France. On y fondit nombre de cloches d’églises à la Révolution, celle de la Bastille échappant au massacre, cachée par le directeur de la fonderie. Elle contenait également des laminoirs, mus par une roue, accompagnés d’un fourneau qui chauffait le cuivre. Un petit laminoir à cylindres cannelés fabriquait de gros fils de cuivre et de laiton, qui étaient ensuite effilés à la tréfilerie. Complétaient le dispositif une clouterie avec deux forges où étaient fabriqués des gros clous (dont on retrouva les traces dans le radeau de la Méduse) et des fiches de cuivre pour fixer le doublage des navires, un coupoir pour les viroles et un atelier pour tourner la tête des clous.
La Besle histoire d’un moulin à Romilly-sur-Andelle - fonderie

-          L’usine des Ponts, achetée en 1788, fut construite à l’emplacement de deux anciens moulins à foulon. Elle abritait deux fourneaux à réverbère pour affiner le cuivre, deux laminoirs et un atelier pour la fabrication de briques réfractaires, employées à la construction des fourneaux. Ces briques étaient confectionnées avec de l’argile, qui provenait de Saint-Aubin-la-Campagne, près de Boos.

-          L’usine de Besle, achetée en 1792, avec les anciens moulins à foulon de Bétille et de Repainville, se spécialisa dans le laminage et le tréfilage du laiton. À partir du 15 avril 1816, elle fut entièrement reconstruite pour utiliser un nouveau procédé de fabrication, en mélangeant directement le cuivre et le zinc, sans usage de calamine. Ce procédé, testé depuis 1815, engendrait bien moins de déchets. À cet effet, on construisit un laminoir pour la fabrication de planches de laiton et une tréfilerie pour celle du fil. La force motrice était fournie par deux roues hydrauliques auxquelles on en ajouta une troisième en 1819 pour séparer le travail du laminoir de celui de la tréfilerie. La chute d’eau fut également modifiée, comme le notifia en 1820 une ordonnance royale.

Le 2 octobre 1833, le moulin fut à nouveau transformé, toujours pour tréfiler le laiton. Les fonderies de Romilly importaient en France, après bien des efforts et de grands sacrifices, une branche d’industrie qui y prospéra.
Avec ces changements, les soles gravières étaient devenues trop hautes, À certaines périodes, l’eau refluait sur la propriété du Sieur Bouelle, et arrêtait le mouvement de son moulin. Il intenta un procès en 1835 contre le Sieur Lecoulteux, administrateur des fonderies de Romilly, pour délit d’inondations. Il perdit ce procès, mais une nouvelle inondation se produisant peu de temps après, Bouelle intenta un second procès, se référant cette fois-ci à l’ordonnance de 1760 de Racine de Monville, qui fixait la hauteur des eaux au moulin des Deux-Ponts. Ce nouveau procès s’acheva le 1er mars 1838 par la condamnation des fonderies à reconstruire le barrage et à 1000 F d’amende.
 Les fonderies avaient prospéré dans un premier temps, notamment grâce à cette innovation appliquée au moulin de Besle. Le Traité de commerce franco-britannique du 23 janvier 1860, qui abolissait les taxes douanières sur les matières premières et la majorité des produits alimentaires entre les deux pays, leur porta un coup. Elles furent incapables de résister à la concurrence de l’industrie anglaise. Les usines cessèrent leur activité en 1865, date à laquelle l’assemblée générale des actionnaires vota sa dissolution. Les usines furent rachetées par les fonderies de Saint-Denis, les actionnaires ayant la possibilité d’échanger chacune de leurs actions contre neuf de la nouvelle compagnie. Cela ne suffit pas à sauver les fonderies de Romilly. La vente des 59 hectares sur lesquels elles étaient implantées, mais aussi des maisons et du matériel, ainsi que des brevets, s’effectua par adjudication judiciaire le 31 octobre 1894 par maître Pelletier, avoué à Paris au 38 rue Notre-Dame des Victoires.
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4°) La tréfilerie pour le métal devient une scierie

Le 16 août 1888, il avait été décidé de reporter sur le moulin de Besle la chute de l’usine de Repainville. Certains des biens des Fonderies de Romilly-sur-Andelle furent rachetés en 1889 par Pierre François Clérisse Barette, (né le 27 avril 1831, décédé le 13 avril 1909, époux de Joséphine Adèle Fosse). Ce menuisier qui travailla ensuite aux Fonderies de Romilly où il habitait, était fils et petit-fils de maîtres foulonniers à Romilly-sur-Andelle.
La Besle histoire d’un moulin à Romilly-sur-Andelle - moulin de Besle
Son fils Gaston Alphonse Marie Barette (né en 1857 à Romilly, décédé en 1936), boulanger à Saint-Etienne-du-Rouvray, racheta pour lui en 1905 la partie correspondant au moulin de Besle. Un autre de ses fils, Paul Eugène (1867-1923), charcutier à Louviers, procéda à la même opération avec le domaine des Hautes Rives leur père était mentionné comme usufruitier du moulin Pouchet.

Le moulin de Besle devint alors la propriété de la famille Barette. La tréfilerie de laiton fut mise en chômage avant qu’elle ne ressuscite sous la forme d’une scierie. On y fabriqua des fibres servant à l’emballage des paquets, obtenues par grattage du bois, jusqu’à ce que l’usine brûle. Albert Henri Barette racheta le bien à son frère Gaston Marie Alphonse, en 1924. Cet autre fils de Pierre François Clérisse Barette était né en 1863 à Romilly et décèdera en 1955 à Pont-Saint-Pierre. Il habite, avec son épouse Marie Ambroisine Nicolle, lui aussi au moulin Pouchet, où il exerce le métier de foulonnier.

Frédéric Célestin Marie Miché, né à La Trinité de Porhouet (56) en 1870, était venu s’installer à Romilly en 1912. Il avait constitué, avec son épouse, Mathilde Rosalie, une fabrique de cannes en bois et de caisses, qu’il fabriquait sur le site du moulin de Besle, qu’il louait à la famille Barette.
Il acheta ensuite à Albert Henri Barette, le 25 mars 1931, le terrain sur lequel était implanté le moulin de Besle, et y poursuivit les activités de son entreprise.
Le chiffre d’affaire s’élevait en 1938 à 77 793,95 francs, en 1939 à 59 951,25 francs et en 1940 à 73 894,60 francs, dégageant chaque année 15 000 francs de bénéfice.

5°) Le siège de la Société « Les Bois Utiles »

 Maurice Lucien Julien Cavelier, né en 1891 à Pont-Saint-Pierre, achète en 1941 l’ensemble des biens de Frédéric Miché, moyennant la somme de 100 000 francs payée comptant. Cela comprend une maison d’habitation divisée en :
-          Au rez-de-chaussée, cuisine, une salle, une chambre et un bureau
-          Au premier étage, deux chambres et un cabinet de toilettes
-          Quatre caves sous la maison, une buanderie
-          Bâtiment à usage de magasin, composé de quatre pièces au rez-de-chaussée et deux pièces au premier étage
-          Écurie, cellier et hangar à usage de séchoir
-          Deux autres hangars, bâtiment à usage d’usine
-          Chute d’eau avec roue
-          Terrain en nature de cour, jardin et prairie dont une partie se trouve séparée de la propriété par la rivière l’Andelle.
La Besle histoire d’un moulin à Romilly-sur-Andelle - Les Bois Utiles

Le fonds de commerce de fabrique de cannes, manches de parapluies et ombrelles est concédé moyennant 98 200 francs, payé également comptant. Ce prix comprend les éléments incorporels, l’enseigne, le nom commercial, la clientèle et l’achalandage, estimés à 5 000 francs, les éléments corporels, le mobilier, le matériel estimés à 20 000 francs, et les marchandises dont un état est dressé, estimés à 73 200 francs.
La Besle histoire d’un moulin à Romilly-sur-Andelle - Les Bois Utiles

Un mois et demi plus tard, Gaston Auguste Philbert, industriel, maire de Pont-Saint-Pierre, et Maurice Lucien Julien Cavelier, directeur d’usine, domicilié à Douville, fondent une société anonyme, dénommée Les Bois Utiles. Elle a pour objet toutes les opérations se rattachant soit directement, soit indirectement au commerce et à l’industrie du bois tant en France qu’à l’étranger. Son capital est de 500 000 francs, divisé en 500 actions de 1000 francs chacune. 128 actions seront attribuées à Maurice Cavelier pour ses apports, la société étant alors estimée à 128 000 francs.
Les 372 actions restantes se répartissent entre 7 souscripteurs :
-          100 pour Gaston Auguste Philbert
-          32 pour Maurice Cavelier
-          100 pour Lucien Alexandre Muylaert, directeur de laiterie demeurant à Château-sur-Epte
-          60 pour Joseph Ferdinand Dubois, directeur technique de fabrique à chaussures, demeurant à Pont-de-l’Arche
-          50 pour Paul Léon Philbert, entrepreneur de battage, demeurant à Prey
-          20 pour Frédéric Célestin Marie Miché
-          10 pour Pierre Henri Cavelier
Tous ces actionnaires ont des liens familiaux, centrés sur les Philbert et les Cavelier.
La Besle histoire d’un moulin à Romilly-sur-Andelle - Les Bois Utiles
En 1945, la société Les Bois Utiles achète à Albert Henri Barette le reste de ses terrains. Le capital de la société Les Bois Utiles est désormais passé à 1 million de francs, répartis par moitié entre Maurice Cavelier et Gaston Philbert.

La même année, Maurice Cavelier vend à la société des Bois Utiles l’ensemble des terrains qu’il avait acheté à Frédéric Miché en 1941 (plus de 3 hectares). Monsieur Miché habitera sur la propriété jusqu’à la date fatidique du 16 décembre 1946, jour où la filature de Fontaine-Guérard, dont Maurice Cavelier est le directeur, cesse son activité à la suite d’un ultime incendie. Ce dernier viendra alors habiter avec son épouse à Romilly-sur-Andelle.

Des ouvriers des Établissements Philbert travaillent aux Bois Utiles, qui approvisionnent les Établissements Pilbert et l’usine de robinetterie Briffault. On y fabrique toutes sortes de caisses en bois, (clayettes, caisses pour les harengs comme pour du matériel plus lourd…), et de la boissellerie (escabeaux, boîtes aux lettres….). L‘activité s’y développe avec succès dans un premier temps. L’usine compte en 1955 une trentaine d’ouvriers, mais des difficultés de trésorerie surviennent, à cause d’impayés et de contentieux. Le moulin fournit l’électricité qui alimente le ruban, sur lequel sont débités les arbres. Monsieur Lançon, qui a débuté sa carrière aux Bois Utiles en 1955, veille sur ce ruban qui repose aujourd’hui chez Monsieur Jean Miché, un ancien menuisier, petit-fils de Frédéric Miché, qui reprit l’activité de son père.

Maurice Cavelier décède au moulin de Besles en 1970. Sa veuve Léonce met en gérance la société. M. et Mme Devillers poursuivent l’activité avant de racheter l’ensemble de la propriété en 1984.
Ils confient par la suite la marche de l’établissement à André Laurent, ancien charcutier de Vandrimare reconverti en marchand de bois. Ne pouvant juridiquement reprendre la dénomination Les Bois utiles, il crée la société Les Bois de l’Andelle, implantant deux succursales de ladite société à Vandrimare.


Michel Dach