Le pertuis de Poses
Un canal dans la plaine…
Sur la
carte de CASSINI N° 25 du début XIXe siècle figure un ouvrage dans la plaine de
Poses, canal avec écluse et pont ; et pourtant ce canal et ses équipements
n'ont jamais existé ! Notons que ce canal figure justement à proximité du
village de Poses où se trouvait un pertuis*, difficulté majeure pour la
navigation en Seine
Carte de Cassini N°25 Rouen 1820 environ |
La navigation sur la Seine à la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle
Nécessités économiques
De tout temps et
en particulier à la fin du XVIIIe siècle et durant le XIXe
siècle la navigation sur la Seine a eu une très grande importance pour le
commerce intérieur des marchandises et même pour le transport de voyageurs.
Grâce à des canaux permettant la jonction avec la Loire, puis de la Loire avec
la Saône, une communication continue existe entre l'Océan et la Méditerranée et
traverse la France du Nord-ouest au Sud-est. Cette voie facilite alors les
importations et exportations en produits de toutes sortes et approvisionne la
Capitale avec une redistribution dans tout le pays. C'est dire l'importance
économique à cette époque de la Seine, maillon essentiel du réseau fluvial en
France. En 1824 il transite entre Paris et Rouen 150 000 t de marchandises (25
000 t par la route) et 300 000 t entre Paris et le Havre. Tout obstacle sur la
Seine induisait un coût supplémentaire parfois énorme pour ce transport. Une
des préoccupations des gouvernants était donc de réduire ces obstacles. L'un d'eux
justement était très célèbre dans le monde des mariniers, c'était le Pertuis de
Poses.
Types de bateaux utilisés
Le transport se fait par des bateaux de
bois de différentes sortes, souvent ces bateaux ne faisait qu'un seul voyage, à
leur arrivée à Paris ils étaient "déchirés" pour fournir du bois de
chauffage. Pour les marchandises il y avait quatre classes qui diffèrent par
leurs longueurs 56 ; 59 ; 38 et 34 mètres et largeurs respectives 9,33 ; 8,40 ;
7 et 6,50 mètres. Avant la révolution une centaine de bateaux de ces sortes
assuraient le service entre Paris et Rouen.
Bateau ou besogne* fait et construit par Vincent Coullon à Auxerre |
L'accueil, la maintenance de ces bateaux nécessitent des ports, dans l'Eure, Pont-de-l'Arche, Poses, Les Andelys, Vernon sont des ports ; Poses est de plus un relais de halage et un lieu de péage.
Les méthodes de navigation
Une des méthodes de navigation la plus usitée sur la Seine fut sans conteste
le halage* avant que la vapeur ne la rende obsolète.
Le halage par des humains |
Le chemin de halage existait déjà au XVe siècle comme en témoigne une ordonnance royale de 1415 faisant obligation aux riverains de créer et d’entretenir un chemin pour le trait des chevaux d’où des conflits fréquents entre riverains et bateliers. Mais, nous le confirment les procès-verbaux de la Vicomté de l’Eau au XVIIIe siècle, le chemin de halage était souvent en mauvais état, envahi par le fleuve, les chevaux avançaient alors avec de l’eau jusqu’au ventre… On note jusqu’à 122 contraventions dans l’Eure en 1766 pour chemin mal entretenu.
Le cheval de
rivière, animal de trait pour les bateaux, ne remplace, dans notre région, les
hommes ou haleurs qu’à partir de Louis XV. Le cheval utilisé pour le halage
était une race particulière, « cheval de rivière », race rustique de souche
cauchoise qui devait être dressée pour ce travail ; l’emploi de chevaux
d’agriculture pour le halage se révélait souvent un échec et entraînait parfois
des accidents.
Le halage par des chevaux |
Le halage était dangereux, la perte des chevaux par blessure ou noyade fréquente. Le cheval, animal coûteux, bien soigné, devait être sauvé à tout prix ; le charretier était autorisé à sacrifier plutôt le bateau que son attelage, par exemple en sectionnant avec une dague qu’il portait à la ceinture le châbliau*, câble de trait du bateau.
Chevaux de halage - E. Frémiet |
Les équipements (harnais de rivière, collier de marine, courbes, câbles) étaient dispendieux ; à Poses, le coût des câbles représentait jusqu’à 10% des frais payés par les mariniers pour le franchissement du pertuis ; autrefois, les habitants des villages environnants appelaient les Posiens « les câbleux », allusion à l’utilisation massive de cordages. Les chevaux qui avançaient de front par deux le plus souvent, formaient une courbe*, plusieurs courbes successives constituant le run*, chaque courbe devait être guidée par un homme charretier.
Sur un
magnifique vitrail de 1605 dans l'église Notre-Dame-des-Arts à Pont-de-l'Arche
figure une scène montrant le halage de deux bateaux mêlant humains (richement
habillés) et chevaux formant des courbes.
Vitrail de l'église Notre-Dame -des-Arts à Pont-de-l'Arche. (Photo Nicole Calas)
|
Le vitrail est constitué de quatre panneaux qui fourmillent de détails.
– Dans le
premier à droite on voit les chevaux menés par des charretiers.
– Dans le
deuxième plusieurs dizaines de haleurs – hommes, femmes et enfants – en tenue
du dimanche tirent des cordages.
Les haleurs (Photo Nicole Calas) |
– Dans le troisième deux commerçants, propriétaires des bateaux, reconnaissables à leurs capes de voyageurs, surveillent les opérations.
La cité de Pont-de-l'Arche (Photo Nicole Calas) |
– Dans le dernier la cité de Pont-de-l'Arche et les deux bateaux qui sont halés Les deux bateaux sont reliés par un câble et sur le pont se trouve le maitre de pont, personnage qui dirigeait et guidait les monteurs afin d'éviter que le bateau ne percute une pile du pont.
Chronologie des différents moyens de navigation sur la Seine de la fin du XVIIIe au début du XXe |
Dans cette
même ville de Pont-de-l'Arche s'est développée une industrie de la chaussure
dont une des origines pourrait être liée à la nécessité de fournir aux haleurs
des chaussures destinées en particulier à leur activité
Les
charretiers de rivière constituaient un groupe professionnel, artisans
riverains du fleuve, spécialisés dans le halage dont le monopole était confirmé
par des privilèges locaux et qui étaient payés par les bateliers. Ces derniers
avaient aussi en charge la nourriture des animaux ; les charretiers de Poses
s’estimaient les plus qualifiés de Poses à Vernon. Des conflits naissaient
souvent entre les artisans de cette corporation.
Le pertuis de Poses et son franchissement
Le Pertuis de Poses
En bleu les cours d'eau : Seine, Andelle
En bleu foncé le pertuis de Poses
En rouge les différents chemins de halage
En pointillés rouges les traversées du pertuis
|
Poses est une commune de l'Eure située dans une boucle de la Seine. Le barrage et les écluses d'Amfreville-sous-les-Monts, en face de Poses, se situent au PK 202*, à 40 km à l'amont de Rouen. Ce sont les derniers ouvrages de la Seine avant la mer à 163 km. D'abord village de pécheurs et de haleurs il est devenu le lieu d'ancrage de nombreux mariniers, ces activités fluviales montrent bien l'emprise que la Seine a exercé de tout temps sur le village.
Le
franchissement du pertuis de Poses qui s’étalait sur environ 3 km de l’amont de
l’embouchure de l’Andelle au Mesnil de Poses-Tournedos, était impossible en
période de crue et en basses eaux d’été lorsque la profondeur de la rivière
pouvait s’abaisser à 0,65 m voire
0,50 m.
Aux péages royaux ou communaux (droit de tonlieu*, de boète*, de jettement*, de
levage*, de gouvernail*, de chaîne*, de travers, de neuvage*) s’ajoutaient à
Poses des faux frais qui étaient de véritables concessions : droit de bourgel*,
droit de taraugage*, droit de palage*, droit de parage*, droit de bachot*. Les
frais étaient cinq fois plus élevés à la remonte qu’à la descente, ceux pour
les cordes représentaient 10% des sommes dues par le marinier.
Diverses activités induites par le halage animaient les rives de la Seine dans
la traversée du village : relais d’écurie, auberges, tavernes,
maréchaux-ferrants, bourreliers, cordiers, charpentiers de marine,
approvisionnement des animaux en nourriture… et faisait bien entendu la
prospérité du village.
Les
conséquences liées aux difficultés de la remonte, possible environ 6 mois par
an seulement, étaient nombreuses :
– multiplication
des chevaux : aux chevaux de run* (4 à 10) nécessaires pour haler dans les
racles* s’ajoutaient, à la remonte de ce pertuis, des chevaux de renfort*, de
12 à 46 pour les bateaux les plus grands et en charge.
– nécessité de spécialistes locaux : les
charretiers-relayeurs*, le maître de pertuis, charge royale, devenu chef de
pertuis après la Révolution assisté de 16 à 40 aides ou farigaudiers*. Chef incontesté,
le maître de pertuis, responsable du passage, organisait la remonte et la
descente des bateaux, déterminait le nombre de chevaux nécessaires, faisait
payer les péages…
– participation
de nombreux hommes pour les manœuvres : changement de rives des hommes et des
bateaux, transport et guide des cordages, aides diverses… 450 hommes, encore au
milieu du XIXe siècle,
travaillaient au halage à Poses, un nom de famille typiquement posien est
hérité de cette période : HALLE HALLE.
– voyages
longs, dangereux et difficiles ; la configuration géographique du fleuve
entraînait de nombreux changements de rive : 52 entre Rouen et Paris en basses
eaux, 8 à Poses sur 3 km. Plusieurs heures – plus de 5 pour des bateaux moyens
– étaient nécessaires pour franchir le pertuis de Poses. Pour un voyage
Rouen-Paris aller et retour, les bateliers partaient 15 à 20 jours jusqu’à 1
mois dans les moments les plus difficiles.
– des voyages
coûteux pour les bateliers :
Embarquement à Paris sur un coche d'eau |
Si l’essentiel du halage assurait le transport des marchandises, le transport des voyageurs par coches d’eau halés par des hommes et des chevaux, organisé dès le XVIIe siècle, se pratiquait encore au XIXe ; des batelets* de 12 places ou des galiotes avec 72 personnes à bord emmenaient en « service accéléré », prioritaire, en marche forcée, 24 heures sur 24, les voyageurs en 5 jours de Rouen à Paris et en 4 jours à la descente. Durant ce trajet, véritable aventure, les voyageurs étaient parfois amenés à mettre pied à terre afin que le bateau franchît à vide les passages difficiles.
Un autre type de coche d'eau |
Les problèmes posés par le pertuis de Poses
Jusqu'en
1852, date des premiers barrages et écluse à Poses, le fleuve était dans un
état quasi sauvage. Seuls, quelques aménagements sommaires réalisés en 1749,
1795 et 1839, construction à l'aval de perrés* de pierre perpendiculaires aux
rives, assuraient une certaine retenue d'eau pour la navigation mais
renforçaient les courants ; il faut imaginer un niveau de la Seine 4 à 5 m plus
bas que l'actuel à l'amont, des atterrissements, bancs de galets par exemple,
une rivière avec plusieurs bras de faible profondeur et aux courants violents ;
il y avait 1,40 m de dénivelé sur 3 à 4 km entre l'aval, ancienne embouchure de
l'Andelle, et le Mesnil à Poses à l'amont.
Dans ces
conditions la navigation dans le bras de Poses, rive gauche, était très
difficile, dangereuse et longue (plusieurs heures pour franchir ce pertuis). De
plus la navigation n'était possible que moins de six mois par an, à cause
notamment des périodes de crue ou au contraire d'étiage, c'était donc un frein
au développement du commerce, à une époque où 80 % des transports, entre Rouen
et Paris, étaient assurés par voie fluviale. Ce pertuis, comme le pertuis de la
Morue dans la région de Bezons, avait un impact négatif sur le commerce de
l'époque.
À cela
s'ajoutaient d'autres difficultés financières, en effet franchir ce pertuis
était une entreprise fort onéreuse par le nombre de personnes employées et de
chevaux utilisés. En particulier pour la remonte il fallait faire appel à du
renfort ; aux XVIIIe et XIXe siècles, selon la catégorie du bateau, de
24 à 46 chevaux étaient nécessaires pour les bateaux montants ; la descente du
fleuve n'était pas exempte de dangers, loin s'en faut. Aussi toutes ces
difficultés de navigation au niveau de son pertuis rendaient-elles Poses
célèbre chez les mariniers ! D'où l'idée ancienne d'aménager voire de supprimer
ce pertuis.
Les solutions proposées
Pendant une
soixantaine d'années, de multiples projets pour supprimer ce pertuis sont
envisagés, les uns très élaborés, les autres justes ébauchés, certains parfois
irréalistes. En voici quelques uns :
1) Dans
un premier projet, on proposait d'ouvrir un canal de Portejoie à Longuemare,
petite ferme sur le cours de l'Eure, et de rendre l'Eure navigable de ce point
jusqu'au village des Damps où l'Eure se jetait dans la Seine
2) Dans un deuxième projet, on
proposait de rendre à la Seine sa profondeur et donc de la rendre navigable
entre Portejoie et Poses.
3) Dans un troisième projet, on
proposait d'ouvrir un canal partant au dessus du village de Portejoie et ayant
son embouchure dans la Seine, vis-à-vis du Manoir.
Les trois premiers projets pour réduire le Pertuis |
4) Enfin
diverses considérations techniques permirent d'envisager un projet de canal
dans la plaine de Poses, entre le Mesnil de Poses et le Calvaire, projet
présenté en 1812 par M. LESCAILLE Ingénieur en chef du Corps royal des Ponts et
Chaussées.
Le projet de canal dans la plaine de Poses
Prises de
décisions et avancement du projet
Le premier
texte, émanant de l'État, abordant le problème du pertuis de Poses est un
arrêté du comité de travaux de la Convention Nationale du 28 floréal an III (17
mai 1794) qui stipule, notamment, que « la commission des travaux publics,
prendra sans délai les mesures nécessaires pour perfectionner la navigation de
la Seine depuis Paris jusqu'à Rouen, principalement au passage de Poses »
Copie récente d'un arrêté du comité de travaux de la Convention Nationale 1794 |
Dans un mémoire remis en 1810 au chef du gouvernement lors de la visite des travaux de l'écluse de Pont-de-l'Arche par Napoléon 1er il est écrit : « … les différents travaux qu'il serait absolument indispensable d'exécuter pour éviter le passage difficile et dangereux du pertuis de Poses ».
Un décret du 24
février 1811 de sa Majesté Impériale et Royale ordonne de construire une écluse
à Poses ainsi que le mentionne un arrêté du Préfet de l'Eure, en date du 14
avril 1811 qui indique : « La navigation étant extrêmement difficile dans la
partie du cours de la Seine vis-à-vis le village de Poses et au dessus de ce
village jusqu'à Portejoie, le Gouvernement a reconnu la nécessité
d'entreprendre les travaux nécessaires pour éviter ce passage et faciliter
d'autant plus la navigation qu'au moyen de ces travaux, de ceux qui sont sur le
point d'être exécutés à Pont-de-l'Arche et de ceux que l'on projette de faire à
Vernon, elle n'éprouvera plus que de légers obstacles pour arriver jusqu'à la
capitale de l'Empire. ». S'ensuit un devis concernant les travaux à effectuer.
Dans une note du 28 juin 1811 en marge du même document, il est indiqué qu'une
adjudication de 139 900 F a été faite le 11 juin 1811.
Arrêté du Préfet de l'Eure du 14.04.1811 |
Ci-dessous
"traduction" de la lettre
6e
Arrondissement du Bassin de Seine
Rivière de Seine Écluse de Poses
Département de l'Eure
Navigation Intérieure
Devis des ouvrages à faire pour les
approvisionnements nécessaires pour la construction d'une écluse à sas en aval
et près le village de Poses à l'embouchure d'un canal de dérivation que l'on
projette d'ouvrir, afin d'éviter à la navigation les obstacles qui s'opposent à
la libre circulation vis-à-vis de Poses et au dessus de ce village jusqu'à
Portejoie.
Observations préliminaires
La navigation étant extrêmement difficile dans la partie du cours de la Seine
située vis-à-vis le village de Poses et au dessus de ce village jusqu'à
Portejoie, le Gouvernement a reconnu la nécessité d'entreprendre des travaux
nécessaires pour éviter le passage et faciliter d'autant plus la navigation
qu'au moyen de ces travaux, de ceux qui sont sur le point d'être exécutés à
Pont-de-l'Arche et de ceux que l'on projette de faire à Vernon, elle
n'éprouvera plus que de légers obstacles pour arriver jusqu'à la Capitale de
l'Empire
Article 1er […]
Brochure parue en 1822 contenant le mémoire de M. DE LESCAILLE |
D'après un mémoire du 20 janvier 1812, de 23 pages extrêmement complet et précis, présenté par M. DE LESCAILLE ingénieur en chef, le Conseil Général des Ponts et Chaussées a arrêté que « les ouvrages à exécuter devaient être établis sur la rive gauche de la Seine où se fait le halage au moyen d'un canal de dérivation et d'une écluse à sas destinée à racheter la chute de 1,40 m qui existe sur toute la longueur du pertuis de Poses ».
Travaux envisagés, caractéristiques
Pour
annihiler les effets du pertuis, il est projeté quatre ouvrages principaux à
savoir :
– un
canal en ligne droite partant du Mesnil de Poses, passant par le Calvaire de
Poses et se terminant dans la Seine à l'aval de ce calvaire.
longueur
totale : 4061 m
largeur : 20 m
Les terres de déblai constitueront deux talus jouant le rôle de digues assez hautes pour mettre le canal à l'abri des inondations
– une écluse à sas destinée à racheter la chute de 1,40 m qui existe sur toute la longueur du pertuis de Poses
longueur du sas : 70,00 m
largeur du sas : 7,80 m
– un petit pont tournant sur la tête amont de l'écluse de 1,45 m de large pour piétons et chevaux
– un pont en charpente, plus vers l'aval assurant la continuité des chemins entre Poses, Léry et le Vaudreuil
La surface totale des ouvrages couvrant 32 ha.
Coûts et devis
– Estimation 1 417 315, 00 F
– Intérêts par an 4 % 56 692, 00 F
qui seront couvert par les produits du passage des bateaux soit 57 743, 00 F
– Dépenses pour l'écluse projetée : traitements du receveur, du chef éclusier, des deux aides-éclusiers, entretien annuel, en tout 10 000, 00 F
En 1813 nous avons un devis estimatif beaucoup plus précis :
– écluse à sas, pont tournant, pont charpenté, canal de dérivation 1 369 253, 08 F
– matériaux déjà approvisionnés après adjudication 139 900, 00 F
Soit au total 1 509 153, 08 F
En 1822 nouvelle estimation 1 388 432, 00 F
Mise en œuvre
– une adjudication des travaux le 11 janvier 1811 pour 1 500 000 F
– un devis, du 14 avril 1811, des ouvrages à exécuter pour l'ouverture d'un canal de dérivation près de Poses
- avec approvisionnements nécessaires à la construction de
l'écluse de Poses : 7600 m3 de moellons de la carrière de Vernon et
1890 m3 de pierre de taille de Vernon. Il semble que ces matériaux
aient été amenés sur place
- avec une estimation à 1 417 315 F et
versement annuel de 56 692 F couvert par les produits de passage des
bateaux (c'est-à-dire péages) dans cette écluse soit 57 743 F avec
les dépenses, notamment en personnel, pour l'écluse projetée
Problèmes
Bien entendu ce projet souleva quelques réticences et des problèmes apparurent inévitablement qu'on retrouve entre autre au travers :
– d'une délibération du Conseil Municipal de Poses du 27 octobre 1811 montrant l'opposition de la commune à la construction du canal pour diverses raisons, lesquelles seront réfutées aussitôt par M. DE LESCAILLE dans son mémoire.
– d'un courrier du 29 septembre 1818 portant sur l'attribution d'indemnités aux habitants du village pour entreposage sur leurs terrains, de matériaux destinés à la construction des ouvrages et qui indique donc les revendications de certains propriétaires.
Le projet était donc bien avancé comme en témoigne une quinzaine de courriers, en gros 70 pages, sur ce sujet : décret impérial, arrêtés préfectoraux, devis établis, mémoires, circulaires, lettres…
Et pourtant ce canal, malgré son report sur la carte de Cassini, ne sera jamais commencé !
Nous en ignorons encore les raisons. Peut-être que suite aux événements de
cette époque troublée, le projet s'est révélé trop couteux ou peut-être que
l'idée de construire une plus grande écluse à Amfreville-sous-les-Monts fit
abandonner le projet. Il faudra attendre en effet 1850-1852 pour voir les
premiers ouvrages (écluses et barrages) à Amfreville-sous-les-Monts et Poses
qui supprimeront à tout jamais les inconvénients du célèbre pertuis.
Les écluses d'Amfreville-sous-les-Monts et le barrage de Poses aujourd'hui (2011) |
Hubert LABROUCHE
Jean-Carles EBRO
GLOSSAIRE
Allège : bateau de petite taille accompagnant les besognes et
servant à vider temporairement ces dernières
Bachot (droit de) : indemnité pour conduire, grâce à une barque (le bachot) les aides du chef de pertuis à bord du bateau à haler (à Poses)
Batelet : terme ancien désignant une barque d’assez grande taille
Batelet : terme ancien désignant une barque d’assez grande taille
Besogne ou bateau normand : bateau de bois assurant le transport des marchandises entre Paris et Rouen aux XVIIIe et XIXe siècles
Boête (droit de) ou droit de navigation : impôt recueilli dans une boîte
Bourgel (droit de) : gratification que le chef de pertuis est censé recevoir pour son fils sur la totalité des bateaux (à Poses)
Courbe : pièce de bois assurant la liaison entre cheval et bateau et où s’accroche la corde de trait, c’est aussi un couple de chevaux de rivière marchant de front
Châbliau : cordage de trait reliant le bateau aux chevaux pour le halage
Chaîne (droit de) : droit prélevé au passage de pont, de bac…
Charretier-relayeur : charretier de rivière chargé de recruter les chevaux de renfort pour le passage du pertuis
Farigaudiers : aides au chef ou maître de pertuis
Gouvernail (droit de) : droit d’escuyage ou droit de pilotage
Halage : pratique de navigation qui consiste à tirer (= haler) le bateau à partir de la berge par des hommes ou des animaux
Jettement (droit de) : droit, péage applicable aux marchandises débarquées
Levage (droit de) : taxe prélevée au passage des marchandises d’un pays dans un autre
Neuvage (droit de) : droit exigé de tout bateau neuf ou passant pour la première fois en certains points
Palage (droit de) : droit d’amarrage de courte durée sur des pieux, propriétés des riverains, afin de retenir les bateaux (péage typiquement posien)
Parage (droit de) : manœuvre payante qui consiste à empêcher les cordes des bateaux de s’arrêter aux obstacles de toute nature que présente le halage dans la traversée de Poses
Perrés : murs, revêtements en pierres sèches qui protège un ouvrage et empêche les eaux de le dégrader ou les terres d'un talus de s'effondrer
Pertuis : endroit rétréci, à forte pente, de faible profondeur où le courant est très rapidePK 202 : Point kilométrique 202, signifie que le lieu en question se situe à 202 km, en suivant la Seine, de l'origine qui se situe à la pointe de l'Île de la Cité à Paris
Racle : endroit du fleuve aux eaux calmes, profondes, de navigation aisée
Remorquage : pratique consistant à tirer ou remorquer un bateau non motorisé avec un bateau motorisé, un remorqueur le plus souvent
Renfort (chevaux de) : chevaux supplémentaires pour effectuer la remonte de la rivière aux endroits difficiles tels les pertuis ou les ponts
Run (chevaux de) : chevaux de rivière nécessaires pour haler les bateaux sur le parcours
« normal » du fleuve
Taraugage : manœuvre payante qu’un aide de pertuis effectue en dehors du pertuis (à Poses)
Tonlieu (droit de) : impôt perçu au profit du pouvoir souverain
Touage : système de propulsion en se halant sur une chaîne ou un câble tendu au fond de la rivière