Les fonderies de
cuivre de Romilly,
la révolution industrielle dans la vallée de
l'Andelle
Les fonderies de
Romilly sont, à la fin du XVIIIe siècle, un des plus grands établissements
industriels de France. Première usine à produire du cuivre laminé de façon
industrielle, elles ont une importance stratégique car elles fournissent la
Marine en plaques de doublage des navires.
Une histoire d’espionnage industriel.
La marine de
guerre française se lamentait de voir ses vaisseaux presque toujours moins
rapides que ceux des Anglais, inconvénient majeur lors des combats navals. En
1778, après s'être emparé d'un bateau anglais, on put l'étudier de près et
découvrir la raison de ces performances supérieures : il est doublé de plaques
de cuivre. Ce procédé présente de gros avantages : il protège la coque des
navires contre les attaques de tarets, mollusques qui creusent des trous dans
le bois et menacent la structure, mais surtout il empêche les coquillages
d'adhérer à la coque, et de ralentir considérablement le navire en le privant de sa
glisse. On adopte donc aussitôt cette technique, avec des feuilles de cuivre
que l'on achète en Allemagne, à Hambourg, car de cuivre on ne produit alors en
France qu'épingles et chaudrons. Ces feuilles, cependant, obtenues par
martelage (et non laminage) sont irrégulières et fragiles. Il en faut
presque deux mille, d'environ 2 m² chacune et de 75/100 mm d’épaisseur pour
doubler un navire, fixées avec des dizaines de milliers de clous d'environ 35
mm, eux aussi en cuivre, pour éviter la corrosion par effet d'électrolyse.
C'est dire l'importance du marché qui va s'ouvrir d'autant plus que la feuille
de cuivre est un produit stratégique, donnant lieu à des marchés d'État.
Pourquoi le site de Romilly ?
Plusieurs raisons sans doute : Lecamus
connaît bien ce site, où se trouvent des moulins à foulon qui travaillent pour
les drapiers de Louviers, et il a besoin de force hydraulique. Mais surtout, la
proximité de la Seine permet l'approvisionnement en matières premières : en
1783, le cuivre vient de Suède, Danemark, Norvège, Hongrie, mais Hambourg et
Amsterdam sont les entrepôts d'où se font les expéditions. Par la suite, des
cuivres arriveront du Levant, via Marseille, et du Pérou ou du Chili.
Quant au charbon, il s'agit soit de charbon de bois
provenant de la forêt de Longboël, soit de "charbon de terre" importé
d'Angleterre, puis, avec les guerres, de Saint-Etienne (Loire), Decize
(Nièvre), ou des départements du Nord de la France.
C'est alors qu'entre en scène un entrepreneur audacieux et compétent,
Michel Lecamus de Limare, d’une famille des fabricants de draps de Louviers, naturaliste,
disait-on à l’époque, ayant une bonne connaissance des mines, de la mécanique,
et de la métallurgie.
Il connaît la vallée de l'Andelle et ses nombreux moulins, qui pratiquent
le foulonnage pour les fabricants de drap d'Elbeuf et de Louviers (on trouve en
1760 à Romilly onze moulins à foulon et un moulin à blé). Il achète à Louis
Baptiste Lancelevée, conseiller du roi, procureur à la maîtrise des eaux et
forêts de Pont de l'Arche, les moulins dits du Perpignan et des ponts, et part
en Angleterre...
L'Angleterre est sans conteste au XVIIIe siècle le pays le plus en avance
technologiquement, et de nombreux étrangers viennent le visiter. Fiers de leur
industrie, de nombreux entrepreneurs n'hésitent pas à faire visiter leurs
usines, sans soupçonner le fait que leurs visiteurs préparent ce que l’on
pourrait appeler pudiquement un « transfert de technologie ».
L'affaire peut être risquée car des peines de prison sévères et des amendes
élevées punissent le délit d'espionnage industriel. Birmingham est alors le
centre de la métallurgie mécanique, c'est là que sont fabriquées les plaques de
doublage et c’est donc vraisemblablement là que se rend Lecamus de Limare, qui
ne se contente pas de rapporter du renseignement, mais aussi des ouvriers
spécialisés. Il risque aussi pour ce faire la prison, danger tout théorique
puisqu'il sera rentré en France, mais les ouvriers qu’il débauche recevront un
avertissement de l'ambassade d’Angleterre d'avoir à rentrer dans un délai de
six mois, sous peine de perdre leur qualité de sujets britannique et de voir
leurs biens confisqués. Les ouvriers partent donc avec femmes et enfants sans
espoir de retour. Lecamus de Limare en ramène une dizaine. Aucun d'entre eux
n'a plus de 35 ans, certains sont mariés, les autres épouseront des Françaises.
Un seul d'entre eux semble reparti en Angleterre, avec sa femme, au bout de
quelques années. Il y a deux maîtres-lamineurs, deux maîtres-marteleurs, un
marteleur, un maître-fondeur, un serrurier-mécanicien, un forgeron, un simple ouvrier.
C'est pour eux que sont bâtis les logements perpendiculaires à la maison de
maître, au nord-est de l'autre côté de la route.
Arthur Young, le célèbre agronome voyageur, note lors de son voyage de
1788 en France (il viendra en 1787, 1788 et 1789) : « près de Louviers, il y a
une manufacture de plaques de cuivre pour les carènes des vaisseaux du roi :
c'est une colonie d'anglais. "
Lecamus de Limare, qui
s'est engagé à fournir la Marine en plaques de cuivre et s’est assuré ainsi le
marché, va maintenant pouvoir l'honorer.
Dès 1782, il fournit des plaques estampillées au nom des fonderies de
Romilly, mais il est probable qu’elles aient été achetées à l'étranger et
seulement marquées, car il paraît peu plausible que l'usine ait pu produire
aussi rapidement. Mais l’entreprise ne prospère pas, menace faillite, Lecamus
doit même vendre sa très riche bibliothèque. Il est sauvé par un homme
d'affaires espagnol, Izquierdo de Ribera, qui le met en contact avec la famille
des Le Coulteux, banquiers à Paris et à Rouen. En 1785 est ainsi fondée la
« Société pour l'entreprise de l'établissement des fonderies de
Romilly »
A noter que les clauses de la société contiennent entre autres une
distribution annuelle aux pauvres « pour attirer une bénédiction du ciel sur la
présente société. »
Le capital social qui est de 800 000 livres doit être doublé en 1787 pour consolider les dettes de l'entreprise. L'importance de cet investissement fait de l'usine de Romilly l'une des toutes premières entreprises industrielles du royaume, à l'égal de celle du Creusot. Parallèlement à cela, Lecamus de Limare s'engage dans d'autres entreprises : coton, bonneterie, chaudières pour le raffinage du sucre, mines, forges. La Société engage alors un directeur, M. Lainé, doté de 2000 francs d'appointements. Il est intéressant de noter ce chiffre, car le salaire moyen d’un ouvrier était à l’époque d’environ une livre (que nous pouvons grossièrement assimiler au franc) par jour, soit environ 300 par an : le directeur ne gagnait donc que 7 fois le salaire moyen d’un ouvrier, et non des centaines de fois…
Détail d'une carte du XVIIIème où les noms des moulins ont été reportés par Claude Adam |
En 1787 est acquis le moulin de Besle, et on prévoit l'établissement d'une briqueterie pour ne plus acheter les briques réfractaires en Angleterre, un nouveau laminoir, une fonderie à mouler les clous, une fonderie de fer, et une chapelle. Il est malheureusement impossible de savoir si ce programme a été entièrement réalisé. Les moulins sont transformés et on établit deux roues de six pieds et une de trois pieds.
En 1789, 250 ouvriers produisent 1600 à 2000 t de cuivre forgé ou laminé,
des fonds de chaudière à sucre, des casseroles, et des feuilles de métal laminé
pour Saint-Domingue ou Bercy.
L'usine sous la révolution.
La guerre et le blocus
vont empêcher de se fournir en charbon anglais, on en fait donc venir de
Décize; de Saint-Étienne, ce qui revient plus cher, quant au cuivre il va
falloir avoir recours à la récupération.
Romilly va alors se spécialiser dans la production de flans* pour les monnaies de Rouen, Paris, et Orléans, à partir de réquisitions : on y fond les cloches de la plupart des églises de Seine inférieure, Somme, Eure, Calvados, Manche, Côtes-du-Nord et Finistère. La célèbre cloche Georges d'Amboise, et la balustrade de la cathédrale de Rouen vont y être fondue, par contre le carillon de la Bastille** est sauvé par Grimpré, directeur à l'époque, qui en fait l'horloge de l'entreprise. Son initiative de faire construire en 1791 un grand jardin ne plaît pas du tout à ses associés qui trouvent la dépense exagérée. En 1792 l'entreprise achète les trois moulins à foulon Bétille, Hollande*** et Repainville.
* les flans, qui s'écrivaient encore flaons à
l'époque, sont les rondelles de métal qui, frappées entre les coins,
deviennent des pièces de monnaie
** Un article consacré aux aventures du carillon de la
Bastille devrait paraître dans notre numéro 7
*** le nom de ce moulin vient du fait que le frères
Lancelevée qui l'avaient fait construire en 1713 avaient adopté une technique
de pointe à l'époque, venue de Hollande
Puis l’entreprise semble connaître des difficultés, le commerce étant paralysé par la guerre. De plus, la plupart des Lecouteux sont emprisonnés sous la Terreur, et Le Camus meurt en 1794. Dans sa notice, Roetters de Montalezau écrit : "les regrets exprimés sur la perte de cet homme de génie furent bien froids. Il paraîtrait qu'on trouvait qu'il coûtait cher à la compagnie."
En 1794, le gouvernement confie à G. Monge, le célèbre mathématicien,
fondateur de l'Ecole Polytechnique, une étude visant à porter les travaux de la
fonderie "au plus haut degré d'efficacité".
En 1795, le Comité de salut public réquisitionne la manufacture, qui sera
dirigée par des agents de la République, en payant des indemnités aux
actionnaires. On y fabrique alors des plaques de doublage des navires en
refondant du cuivre de récupération, sans aucun apport de cuivre neuf, ce que l'on
n'avait jamais réussi jusqu'alors. Pour nourrir les ouvriers, l'entreprise
réussit à se procurer des blés au Havre. Les salaires doublent d'un mois à
l'autre du fait de la dépréciation de la monnaie, les ouvriers finissant par
être payé 50 fois leur salaire nominal de 1790, sans en être plus riches.
En 1797, les fonderies de Romilly achètent celles de Maromme, qui, comme
elles, fournissaient des flans à la monnaie, récupère les machines et revendent
le site (qui deviendra une filature puis la corderie Valois), avec interdiction
d'y reprendre l'activité de fonderie. Il est à noter que cette revente se fit à
perte, mais permettait de constituer un quasi-monopole : comme on le voit, ce
genre là pratique consistant à racheter la concurrence pour l'éliminer n'est
pas nouvelle.
Avec la paix d’Amiens, qui remet l'Angleterre dans la course, le cours du
cuivre laminé baisse, c'est pour Romilly la catastrophe. En 1802 le nombre des
ouvriers est tombé à 120, et on ne peut distribuer des dividendes aux
actionnaires, mais la rupture de la paix avec l’Angleterre va sauver
l'entreprise.
C'est à cette date que Bonaparte, premier consul, visite la fabrique. Il
y passe deux heures et attribue un mois de salaire supplémentaire aux ouvriers.
On plante aussi à cette époque la grande avenue d'ormes allant de la fabrique à
la côte des deux amants et on commence la construction d'un pont de pierre
d'une seule arche au Perpignan.
Petit faits divers : le curé de Cadix, en Espagne, envoie à la société une somme de 5240 fr., qu'il a reçu sous le sceau de la confession comme appartenant légitimement à l'entreprise. On ne découvrira pas la provenance de cette somme, que l'on considère comme "la restitution par repentir de quelque agent infidèle, à l'époque où elle fit ses acquisitions de cuivre du Mexique dans ce pays (Espagne)".
L'ancienne usine Perpignan devenue verrerie |
Petit faits divers : le curé de Cadix, en Espagne, envoie à la société une somme de 5240 fr., qu'il a reçu sous le sceau de la confession comme appartenant légitimement à l'entreprise. On ne découvrira pas la provenance de cette somme, que l'on considère comme "la restitution par repentir de quelque agent infidèle, à l'époque où elle fit ses acquisitions de cuivre du Mexique dans ce pays (Espagne)".
En 1806, l'administration, à la suite d'un voyage fait à Romilly « eut de
graves reproches à adresser à M. Lainé, directeur. Elle prit le parti de
supprimer la place et par conséquent le titulaire.» Comme la chose est
élégamment dite !...
En 1810 on achète le deuxième moulin à foulons, dit moulin Bétille, et
sur l'emplacement de ces deux moulins sera construite l'usine des Deux amants.
En 1812, l'obtention d'un gros marché : fourniture de la toiture de la halle aux grains de Paris, qui sera le premier bâtiment de France couvert en plaques de cuivre, et deviendra la Bourse du commerce, amène l'installation d'un nouveau laminoir qui permet de produire des plus grandes plaques obtenues à l'époque. Parallèlement, on lance la fabrication de produits en laiton, obtenu par tréfilage. L'usine fournissait déjà le fil aux épingliers de Rugles et de Laigle, mais avait abandonné pour des problèmes d'alliage. Des essais concluants repris en 1815, grâce à deux ouvriers qualifiés recrutés en Belgique… permettent de lancer en 1816 une tréfilerie sur l'emplacement du moulin de Besle.
Le laminoir d'Imphy, principal concurrent de Romilly |
L'entreprise connaît alors ses heures de gloire.
Elle comporte trois établissements :
– l'usine du Perpignan,
comportant six fours où l'on refond le cuivre importé de Suède, de Russie ou
d'Angleterre, mélangé de vieux métaux de récupération, suivis du laminoir et de
martinet pour travailler les fonds de chaudière ou forger le cuivre en barres.
On y trouve aussi la clouterie.
– l'usine des ponts,
environ un kilomètre en amont, qui comporte deux fourneaux, deux laminoirs, et
un martinet
– l'usine de Besle, où
ont lieu le laminage et le tréfilage du laiton.
L'essentiel du cuivre vient de Russie, puis d'Angleterre, les mines de Suède s'épuisant. Le nombre d'ouvriers est remonté à 220 ou 230. À la première exposition de produits de l'industrie nationale, organisée en 1819, Romilly obtient la médaille d'or, grâce aux planches de cuivre de grande dimension qu'elle parvient à fournir et aux procédés de fabrication du laiton qu'elle a mis au point.
La perte d'un navire, la Caroline, venant de Kronstadt en Russie et portant une cargaison de cuivre d'une valeur de 192 000 francs est néanmoins citée par Roettiers de Montaleau plutôt comme une bonne affaire : " la société y gagna, attendu qu'elle avait compris dans la police d'assurance, non seulement la valeur des cuivres, mais aussi tous les frais à faire, tels que le fret, passage du Sund, droits d'entrée, etc."
Des améliorations sont encore apportées : on achète à Paris de grandes
quantités de pavés de récupération pour le magasin à charbon, les passages
fréquentés, et les ponts. Une quatrième usine est implantée sur l'emplacement
des deux moulins Bétille : c'est que le ministère de la Marine a commandé d'urgence,
en octobre 1821, deux cents tonnes de cuivre en feuilles et en barres, qu'il
exigeait impérativement pour la fin de l'année. Tous les ateliers vont donc
travailler à cette commande, ainsi que le nouvel établissement, baptisé les
Deux amants, à peine terminé le 15 novembre.
Les procédés de fabrication s'améliorent, on se réjouit même de faire
mieux que les Anglais, en terme d'économies de combustible, grâce à de nouveaux
fourneaux plus grands, et en parvenant à supprimer les plaques de fond de la
coulée. De nouvelles cisailles pour ébarber les planches permettent à un
ouvrier de faire en une heure le travail que plusieurs ouvriers faisaient
auparavant en un jour ; en tréfilerie, le fil est étiré par des tambours. En
bref, la productivité est améliorée à tous les postes de travail, des exigences
d'ordre et de propreté sont mises en avant, mais certaines améliorations
possibles sont ajournées à cause des dépenses qu'elles entraîneraient, et du
risque d'interrompre la production, qui ne peut être pris.
Un martinet mû par la force hydraulique |
Romilly va bientôt
perdre son monopole de la tréfilerie du laiton avec la création d'une usine à
Imphy, près de Nevers. Mais il reste de la place sur le marché des plaques de
doublage.
L'usine des Deux amants est équipée de deux roues hydrauliques et d'un
double laminoir. Les effectifs de l'entreprise passent à 300 ouvriers. En 1825
une tentative de diversification vers la fabrication de chaudrons échoue car le
marché est très vite engorgé. On tente aussi le laminage du zinc, que l'on
espère vendre à la marine pour le doublage des coques, mais cela se révèle un
mauvais calcul : les plaques de zinc se corrodent et surtout n'empêchent pas
les coquillages d'adhérer à la coque. On devra alors leur trouver une nouvelle
utilisation : ces feuilles de zinc serviront à faire des baignoires, des
gouttières, des toitures, et dès la première année, Romilly fournira plus de
50 000 kilos de zinc en feuilles, ce sera le début d'un marché en pleine
expansion.
On fera aussi à Romilly des recherches approfondies sur le laminage du
bronze, mélange de cuivre et d’étain, beaucoup moins malléable, mais plus
intéressant pour le doublage des coques. Cependant l'inventeur du procédé,
admis à faire ses essais à Romilly, avec promesse de revendre le brevet à prix
raisonnable, finit par le céder à la société de la Nièvre...
Les jours sombres.
Après la révolution de 1830, les difficultés s'accumulent, la production
tombe, l'usine devient trop ancienne, la modernisation s'impose. En 1834 on
démolit tous les ateliers et on les regroupe en un seul bâtiment de 29 m sur 14
où l'on installe une grande roue Poncelet de 6,70 m de diamètre, et de même
largeur, d'une puissance de 60 chevaux, qui fournit l'énergie à quatre laminoirs.
Le rendement de l'usine triple, mais la concurrence d'Imphy (Nièvre) est trop
forte, la vapeur est en passe de remplacer la force hydraulique, et Romilly ne
l'adoptera qu'en 1850 (l'usine de laminage de Saint-Denis l'avait adoptée en
1784) de plus l'entreprise de la Nièvre a construit en 1840 une usine à
Gravilliers près du Havre, et elle y traite donc des matières premières dont le
coût de transport est bien moindre. L'établissement de la voie ferrée entre
Paris et Rouen en 1843 ne suffit pas à compenser ce désavantage pour Romilly,
d'autant plus qu'en 1847 le train atteint le Havre.
Les investissements de l'usine du Perpignan, 285 445,28 francs,
seront difficilement amortis, malgré l'ouverture de nouveaux marchés : en
particulier celui des sucreries. On se souvient que le blocus continental avait
sous Napoléon privé la France du sucre des Antilles, et que l'on avait appris à
lui substituer la betterave. Ces sucreries ont besoin de beaucoup de matériel
de chaudronnerie et de tuyauterie en cuivre.
En 1857 les fonderies n'emploient plus que 80 ouvriers, mais doivent
fermer quelque temps, faute d'argent.
Le traité de libre-échange avec l'Angleterre en 1860 leur porte le coup
de grâce, la société est dissoute en 1865, et le site démantelé : l'usine de
Perpignan, après avoir été reprise par une société de Saint-Denis, Létrange et
Cie, qui transporte à Romilly son siège social en 1870 par suite du blocus de
Paris, devient une verrerie, l'usine de Besle, devenue une fabrique d'oxyde
d'antimoine, sera reprise par la société Briffault, et l'usine Bétille
deviendra une taillanderie (usine de production d’outils, en l’occurrence
l’entreprise Vergez et Blanchard, aujourd'hui Meslin).
Les clous de la
Méduse (et non du radeau…)
En 1981, l'archéologue sous-marin Jean Yves Blot retrouve
l’épave de la Méduse au large de la Mauritanie. Grâce aux initiales marquées sur
un clou : F R : Forges de Romilly, il parviendra à retrouver un courrier du
constructeur passant commande à ces forges, courrier qui permettra
d’authentifier la Méduse.
La question des transports des matières premières.
L'Andelle
n'est pas un moyen de transport très performant, comme le montre une lettre de
Lecamus de Limare en 1784, citée par E. Lecœur :" je suis arrêté dans mes
transports en hiver par les glaces, au printemps par les inondations, et en été
comme en automne par les basses eaux, ce qui me force de prendre la route de
terre pendant les trois quarts de l'année…"
Il
obtiendra la construction d'une route de Pont de l'Arche à Fleury, terminée en
1819, et payée en grande partie par les fonderies, les communes ayant contesté
l'adjudication des travaux faite à une prête-nom de la compagnie.
Par la
suite, des projets de canalisation de l'Andelle permettant d'aller plus en
amont que le port de Poses (situé à Pîtres …) échoueront, alors qu'un tonnage
croissant de houille, terre à foulon, pierre à plâtre y est débarqué (6000
tonnes en 1858, 15 000 tonnes en 1866. C'est dès lors le chemin de fer qui
l'emporte, avant de céder devant la route.
Voir aussi notre article Pont-Saint-Pierre jusqu’à la Révolution
Sources
Céline Matter. Les fonderies de
cuivre de Romilly-sur-Andelle. 1781-1896. 3ème année Cycle DPLG. Ecole
d'architecture de Normandie. 1989
Eric Lecœur. Mémoire sur les
fonderies de Romilly sur Andelle
Eric Lecœur. Moulins et
usines de la vallée de l'Andelle ; Recherches d'histoire et d'archéologie
industrielle ; 1780-1880; Thèse de 3ème cycle, sous la direction de J-P
Chaline. 1989
Roettiers de
Montaleau. Notice historique sur l'Etablissement des fonderies de
Romilly-sur-Andelle. Paris 1837
Guy Richard. Les
fonderies de Romilly-sur-Andelle et les débuts de la métallurgie non-ferreuse
en
Normandie (1782-1850) in Actes du 28ème congrès national des Sociétés
savantes, Clermont-Ferrand 1963Archives Départementales de l’Eure