1 août 2017

L'ancienne église du Manoir

Le Manoir sur Seine - Eglise

L’ancienne église du Manoir


La commune du Manoir possédait une église ancienne, dédiée à Saint-Martin, qui fut détruite pendant la seconde guerre mondiale lors des bombardements du pont de chemin de fer. Elle a été remplacée par celle que l’on connait aujourd’hui, construite au début des années 50.

On connait cette église et son emplacement grâce à d’anciens plans, des photos, des cartes postales. Il en subsiste quelques vestiges visibles in situ ainsi que quelques éléments de statuaire et de mobilier sauvés de la destruction et placés dans l’édifice actuel.
Le Manoir sur Seine - Eglise
Deux plans conservés aux Archives Départementales nous permettent de la localiser :
– un plan de 1787, «plan géométrique de la paroisse du Manoir sur Seine divisé en trois parties, levé par Pierre Renault arpenteur royal à Pont de l’Arche par les soins de Louis Nicolas Paul Maille, curé de laditte paroisse» ADE 2 pp 110.
– le plan cadastral dit « napoléonien » de 1831 terminé sur le terrain le 1er septembre 1831 sous l’administration de M Passy, préfet, M BISSON, maire….. par M Girard, géomètre de 1ere classe. (ADE III pp 735)

Elle était située au triège des Vignettes près de la route d’Alizay. En face se trouvait le presbytère composé de plusieurs bâtiments répartis sur un terrain en triangle dont certains ont disparu au début du XIXe siècle. L’église était entourée de son cimetière.
Le Manoir sur Seine - Eglise
Son allure générale donnée par le plan de 1787 est celle d’une construction simple à une seule nef surmontée d’un clocher avec flèche ce que confirment les photos et cartes postales du début du XXe siècle, qui par ailleurs nous permettent de préciser quelques détails :
– la nef est prolongée par un chœur en léger retrait ;
– les murs sont construits en brique et moellons de calcaire ;
– la couverture de la nef est en tuiles, celle du clocher en ardoises.

L’essentiel de l’édifice semble dater du XVIe siècle, comme c’est le cas pour de nombreuses églises de la région mais une petite ouverture romane qui apparait sur le mur nord du haut prouve l’existence d’un bâtiment antérieur. Les documents iconographiques montrent également de larges baies cintrées ouvertes dans le mur de la façade ouest aux XVIIe, et XVIIIe siècle. On aperçoit aussi une construction rectangulaire, la sacristie, qui flanque le mur nord de la nef.

Des travaux au XIXème siècle ont permis de maintenir cette église en bon état ; en 1865 le pignon ouest est rebâti et une grande porte d’entrée est posée ; on entreprend aussi des travaux de maçonnerie sur la voûte. En 1882 le cimetière est agrandi grâce à une donation de terrain. En 1885 le pavage de l’allée centrale de la nef est refait à neuf là encore grâce à une donation.

Le Manoir sur Seine - Eglise - bombardements 1944
            Cette église fut détruite par les bombardements intenses que subit la commune de mai à août 1944.
Le Manoir sur Seine - Eglise
Aujourd’hui il ne reste qu’un amas de pierres à son emplacement, constituant une sorte de terre-plein dans l’ancien cimetière. Quelques pièces furent heureusement sauvées. Elles sont maintenant déposées dans la nouvelle église. 
Le Manoir sur Seine - Eglise - plaque commémorative
C’est le cas d’une plaque commémorative en calcaire de 55 cm de hauteur sur 35 cm de largeur qui comporte une dédicace gravée : elle nous apprend que le jour de la Saint-Michel en septembre 1519, l’évêque de Veriense* est venu consacrer l’église en présence du curé, ce qui corrobore l’exécution d’importants travaux, voire la reconstruction de l’église en ce début du XVIe siècle.

* Nicolas de Cauquainvilliers ou Coquinvilliers, évêque de Viane ou Veriense, prieur de Saint- Laurens-en-Lyons et suffragant de l'archevêque de Rouen. 
Le Manoir sur Seine - Eglise - charité de St Martin
Une autre pièce remarquable sauvée des destructions de la guerre est la charité de Saint-Martin exécutée au XVIe siècle. On y reconnait la scène habituelle de Saint-Martin à cheval en train de partager son manteau avec un pauvre. Le saint, soldat romain du IVe siècle après JC est ici représenté comme un chevalier du XVIe siècle, vêtu d’une tunique à plis, chaussé de bottes montantes et coiffé d’un chapeau à aigrette. Le mendiant est de dimensions plus réduites. Il est torse nu et s’appuie sur un bâton. Le groupe est sculpté dans le calcaire et garde des traces de polychromie, notamment du rouge, du bleu et de l’ocre-jaune.

Le Manoir sur Seine - Eglise - retable en pierre du XVIème siècle
Un fragment de retable en pierre du XVIe siècle fait aussi partie de ces œuvres appartenant à l’ancienne église et aujourd’hui à l’abri dans la nouvelle. Sa partie inférieure est abîmée et il manque les deux ailes latérales dont on ne voit plus que la partie moulurée sur les côtés. Il représente une crucifixion avec ses trois personnages principaux : le Christ et les 2 larrons. Le Christ a un corps mal proportionné avec un long buste, de petites jambes et des bras graciles ; mais la tête est traitée avec beaucoup de détails. Les deux larrons sont accrochés sur des tau : le bon larron, la tête redressée vers le haut (vers le ciel) est surmonté d’un ange. Le mauvais larron, la tête renversée vers le bas (vers l’enfer) est cimé d’un diable qui emporte son âme. D’autres personnages apparaissent sur le tableau notamment des cavaliers dont l’un muni d’une lame s’apprête à transpercer le flan du crucifié, et des angelots portants des calices destinés à recueillir le sang du Christ.

Deux statues ont également été sauvées : une Sainte Barbe et une Vierge à l’Enfant datées toutes les deux du XVIe siècle et taillées dans du calcaire.
Le Manoir sur Seine - Eglise  - Ste Barbe
Sainte Barbe apparait près de la tour dans laquelle elle a été enfermée par son père. Les proportions du corps semblent là aussi disproportionnées, d’autant plus qu’une vilaine restauration en ciment lui a donné un cou de girafe. La sculpture a gardé une grande partie de sa polychromie.
Le Manoir sur Seine - Eglise - Vierge à l'enfant
La vierge à l’Enfant montre Marie vêtue d’une robe rouge et d’un manteau bleu retenu par une cordelette ; elle tient l’enfant Jésus sur son bras gauche. De longs cheveux bruns tombent sur son manteau.
Le Manoir sur Seine - Eglise - lutrin en chêne
Mais la pièce maitresse de ces éléments anciens ayant appartenus à l’ancienne église est incontestablement le lutrin en chêne de la fin du XVe siècle ou du début du XVIe ; il est composé d’un socle à deux pieds supportant quatre panneaux au-dessus duquel s’élève un double pupitre. Un système à vis permet de régler la hauteur du pupitre. C’est l’ornementation des panneaux qui est particulièrement remarquable et riche : on y voit aussi bien une croix surmontée d’un IHS (Iesus Hominum Salvator : Jésus Sauveur des Hommes) qu’un dragon formé d’entrelacs ou encore des lettres AM (Ave Maria : je vous salue Marie) ornées avec des fleurs de lys, symboles de la Vierge. Ce lutrin provient peut-être de l’ancien prieuré des Deux Amants qui aurait aussi fourni à l’église Saint-Martin des stalles dont il ne reste rien sauf des photos.


Yvette Petit-Decroix