La Besle histoire d’un moulin à Romilly-sur-Andelle
L’histoire de Romilly-sur-Andelle et de ses habitants se
confond avec celle de ses moulins, présents depuis le moyen-âge dans le paysage
escarpé de la vallée de l’Andelle.
L’idée de retracer l’histoire du moulin de Besle naquit
lors de la rédaction d’un opuscule relatant l’histoire de Françoise Cavelier,
petite-fille de Gaston Philbert et de Maurice Cavelier.
La famille Philbert, originaire de la Meuse, était arrivée
en 1890 à Pont-Saint-Pierre, Honoré Philbert y créa cette année-là une
entreprise de constructions mécaniques et son neveu Gaston reprit l’entreprise
en 1921. Il devint conseiller municipal de la commune en 1926, puis maire de
1935 à 1944.
La famille Cavelier était implantée au moins depuis le
XVIIe siècle à Romilly. Elle vécut et participa aux transformations de la
commune, fournissant des ouvrières et ouvriers aux différentes entreprises qui
régissaient l’activité des moulins. Deux Cavelier furent maires de la commune,
François en 1794-1795, Jean-Charles de 1796 à 1798, puis de 1805 à 1831.
Une surprise ponctua mes recherches, quand je croisai un
personnage sur lequel je travaille depuis 25 ans, Racine de Monville, créateur
du Désert de Retz, considéré comme le jardin initiatique le plus achevé du
siècle des Lumières. Propriétaire du château du Thuit, près des Andelys, il
avait la charge de Grand-Maître des Eaux et Forêts de Rouen quand il effectua
une visite complète des moulins de Romilly, dont celui de Besle, en juin 1760.
Il n’en fallait pas plus pour poursuivre assidûment ces
recherches et tenter de démêler l’histoire du moulin de Besle.
Le moulin de Besle a subi les mêmes transformations que ses congénères au fil des
siècles. Tout d’abord moulin à blé, sous la dénomination du moulin du Pré,
il fut l’un des premiers moulins de la région, attesté comme bien de l’abbaye
de Lyre au XIIe siècle. Au XVIe siècle, il était un foulon pour les drapiers
d’Elbeuf. Transformé en 1713, il devint le moulin d’Hollande. Au XIXe siècle,
il fut artisan de la grandeur et de la décadence des fonderies de Romilly. On y
fondit le laiton, avant de le tréfiler. Quand les activités des fonderies
cessèrent à la fin du XIXe siècle, on y implanta une scierie pour développer des
activités autour du bois. Le moulin produisait alors l’électricité nécessaire
au fonctionnement du ruban.
Le moulin de Besle, pour classique que soit son histoire,
au regard des autres moulins de la vallée de l’Andelle, a la particularité
d’avoir toujours été à la pointe de l’innovation au cours des siècles.
1°) Un moulin à blé :
Jusqu’au milieu du XVIe siècle, la vallée de l’Andelle
était parsemée exclusivement de moulins à bled (blé), hormis les
hauts-fourneaux de Normanville (Le Mesnil-Lieubray), alimentés par les minerais
qui se trouvaient en pays de Bray.
Le moulin du Pré fut un des premiers édifiés. Il était au XIIe siècle propriété de
l’abbaye de Lyre, créée en 1046 par Guillaume Fitz-Osbern, comte de Breteuil et
petit-neveu du duc de Normandie. Ce dernier avait offert la paroisse de Romilly
à l’abbaye de Lyre, tout en conservant la majeure partie des terres qu’il y
possédait. Robert de Leicester, son successeur, un des premiers seigneurs de
Romilly, autorisa les habitants à faire paître leurs moutons dans la côte des
Deux Amants qui jouxte le moulin. On pourrait penser qu’il n’en fallait pas
plus pour que le moulin du Pré devienne celui de Besle. En fait, Besle proviendrait de berle (berula en
latin), signifiant cresson sauvage. Une cressonnière était en effet implantée
depuis longtemps à cet endroit.
2°) Un foulon à draps
Dès le XVIe siècle, l’activité se développa dans la vallée
par la création de foulons et de filatures œuvrant pour les fabricants des
villes lainières voisines, Louviers et Elbeuf. En 1757, on comptait onze moulins sur les
communes de Pont-Saint-Pierre et Romilly-sur-Andelle, dont celui de Besle. Les draps étaient convoyés
depuis Elbeuf par voie fluviale ou terrestre (les deux villes étant distantes
de 23km).
On trempait les draps entre dix et quinze jours dans la
rivière, au pied du moulin, pour les dégraisser. Pendant ce long séjour ils
étaient exposés à de nombreux risques. Si le niveau de l’eau était trop bas ou
le courant pas assez rapide, ils surnageaient et leur couleur passait. Cette
opération s’avérait plus délicate l’été, car le soleil était plus fort et le
courant plus faible. De plus, la rivière charriait du limon qui tachait les
draps (sans compter les grumes de bois perdu qui descendait la rivière pour
charrier le bois de chauffage). On comptait près de 35% de pertes dans cette
opération. Ensuite, les draps étaient foulés, et c’est là que le moulin
intervenait. On faisait tomber de lourdes pièces de bois sur les draps pour
rendre l’étoffe unie et feutrée. Cette opération était réalisée au moulin de
Besle de façon dite traditionnelle,
Le 29 mai 1700, les frères Louis-Nicolas et Michel
Lancelevée, maîtres foulonniers de la vallée de l’Andelle, louent le moulin de
Besle à Jean Delarue le jeune, moyennant 190 livres par an. Ce dernier
appartient à une des plus importantes familles de drapiers d’Elbeuf, on
comprend aisément l’intérêt qu’il porte au fonctionnement de ce moulin.
Moulin à foulon traditionnel avec arbre à cames
En 1713, ces mêmes frères Lancelevée décident de
transformer le moulin de Besle pour y construire un mécanisme à la façon d’Hollande. Il va dès lors changer
son patronyme pour celui de moulin d’hollande.
Moulin à la façon de Hollande : les cammes entraînent des pilons
verticaux, plus efficaces.
Duhamel de Monceau, L’art de la draperie |
Après sa rénovation, il comprend trois roues au lieu
d’une seule habituellement : La première est fort grande et très élevée de
sorte que la rivière ne la peut incommoder lorsqu’elle déborde. La seconde est
placée dans le moulin, laquelle fait tourner la troisième, qui est au second
étage de la maison, actionnant 22 pilons de 19 pieds de haut, qui tombent dans dix
piles placées au premier étage et au-dessus de l’inondation, de manière que les
mouvements ne sont jamais arrêtés par les grosses eaux. Dans les moulins
ordinaires, le mouvement n’étant pas démultiplié, la roue de nécessité est
petite, afin que l’arbre puisse tourner avec une rapidité suffisante. Les
vaisseaux dans lesquels se trouvent les draps à fouler se trouvent quasiment au
niveau de l’eau. Or, l’Andelle déborde fréquemment. Son arbre tournant à 9 ou
10 pieds au-dessus des pilles ne risque plus d’accrocher ni ne déchirer les
pièces de draps. Mais surtout les pilons frappent droit et foulent plus
rapidement et sans risque.
Les Lancelevée demandent une subvention de 6000 livres au
Conseil de Commerce, l’entreprise leur ayant déjà coûtée 12 000 livres.
Louis-Nicolas Lancelevée subit le 29 janvier 1713 un interrogatoire très serré,
consigné dans les registres de la manufacture.
Les 6000 livres seront destinés à achever le moulin, à le
fournir des agrès nécessaires comme chaudières, fourneaux, à construire un
petit canal d’environ 50 perches (sur un terrain qui ne leur appartient pas)
pour faciliter les rotations du bateau qui porte et rapporte les draps à
Elbeuf. Le foulonnier remet à plus tard la construction d’un bâtiment solide
pour habiter les draps, ceux-ci seront donc entreposés seulement dans de légers
hangars en planches.
On ne sait pas si la somme demandée fut obtenue. En revanche,
Nicolas Lancelevée, fils de Nicolas (donc un des frères de Louis), vend en
1717, « un moulin façon d’Hollande, à dix pilles, sis en la paroisse de
Romilly, avec l’islet du côté de la roue qui est formé par le grand bras de la
rivière de l’Andelle et la tranchée au Noë dudit moulin, et l’autre islet sur
lequel est ledit moulin ou portion de prairie appelé le Touret » pour
8000 livres payées par moitié par Thomas Bourdon, trésorier de France demeurant
à Rouen et Pierre Bourdon, drapier d’Elbeuf, et pour l’autre moitié par Louis
Flavigny, drapier d’Elbeuf. Deux grandes familles de fabricants prennent ainsi
possession de l’un des plus beaux moulins de la région.
Le 11 janvier 1757, le Conseil du roi Louis XV avait rendu
un arrêt qui réglementait l’activité des moulins. C’est François Henri Nicolas
Du Jonquoy, seigneur du Thuit, baron de Monville, Grand-Maître des Eaux et
Forêts de Rouen (son grand-père Thomas Lemonnier lui a acheté cette charge avec
dispense d’âge, le 15 janvier 1757, pour 600 000 livres) qui fut chargé de
veiller au respect de cet arrêt, notamment de l’article 9 qui stipule que pour
prévenir plus surement les gonflements d’eau et procurer plus promptement et
sans qu’il soit besoin d’un curage en forme et dispendieux le nettoyement du
fond de la rivière d’Andelle, les ayants ou tenants moulins seraient tenus tous
les dimanche à soleil levant de tenir leurs portelles de décharge ouvertes
jusqu’à soleil couchant du même jour, et qu’ils s’arrangeraient ensemble de
façon qu’en tous temps il y ait au moins six pouces de bords francs au-dessus
de la superficie de l’eau dans toute l’étendue du terrain qu’occupent ces
moulins, le tout sous peine d’amende arbitraire, dont les dits ayants et
tenants des moulins seraient solidairement responsables.
À la suite d’une première expertise, Racine de
Monville avait rendu un avis sur la situation les 28 juillet et 15 octobre
1759, à la suite de quoi le conseil d’État du roi du six novembre 1759 précisa
ainsi l’article 9 : Les ayants et tenants des moulins depuis l’embouchure de
l’Andelle jusqu’à Pont-Saint-Pierre seront tenus depuis le 15 mars jusqu’au 15
octobre de chaque année d’ouvrir tous les dimanches les portelles une heure
après le lever du soleil sans pouvoir les refermer qu’une heure avant le soleil
couché. Ainsi, l’opération de trempage peut se dérouler deux heures chaque
dimanche, à la satisfaction des drapiers d’Elbeuf.
Racine de Monville effectua en juin 1760 la visite complète
des moulins de l’Andelle, sa visite étant entièrement reportée (consultable aux
archives de l’Eure). À l’issue de la visite, il délivra une ordonnance (le 18
juin 1760) pour l’exécution de cet arrêt et le curage de la rivière l’Andelle,
fustigeant notamment le Sieur Letourneur qui aurait relevé la sole gravière de
son moulin de six à sept pouces.
Voici ce que rapporte Racine de Monville de son passage au
moulin de Besle, effectué en compagnie de Martinet, maître particulier de la
maîtrise des eaux et forêts à Pont-de-l’Arche : De là nous sommes arrivés au
moulin dit le moulin d’Hollande, appartenant au Sieur Lancelevée où, après
avoir fait appeler les nommés André Letourneur et Pierre Chardon, propriétaires
des moulins au-dessus du dit moulin d’Hollande, lesquels se sont présentés, et
sur la demande que nous leur aurions faite si le moulin d’Hollande ayant trente
pouces et demi de portelles de haut et la fleur de lys à quatre pouces
au-dessus des dites portelles pouvait nuire à leur moulin ainsi que celui de
Repainville appartenant aussi au sieur Lancelevée, ayant trente deux pouces et
demi de portelles de hautet la fleur de lys à quatre pouces au-dessus de
l’affleurement des dites portelles, a été par les dits Letourneur et Chardon
répondu que les dits moulins en cet état ne leur sont point nuisibles, nous les
avons interpellés pour signer avec nous et le dit Martinet, leurs déclarations,
signé Pierre Chardon, André Letourneur et Lancelevée .
Sur quoi nous grand-maître nous aurions fait placer en
notre présence tant au moulin de Hollande qu’à celui de Repainville une fleur
de lys à quatre pouces au dessus des dites portelles pour servir de repère aux
dits deux moulins et avons signé avec le dit Martinet, signé Racine de
Monville, Martinet, De Saignes, du Crocq de Biville et de Vauzelle avec
paraphes.
Racine de Monville doit exercer un regard particulier et
attentif sur le moulin de Besle (on parlerait même aujourd’hui d’un conflit
d’intérêts). En effet, ce moulin travaille
pour des membres de sa famille (les Lemonnier, grande famille de drapiers
d’Elbeuf, un temps exilée… en Hollande… après la révocation de l’édit de
Nantes, car s’étant convertie au protestantisme) et de celle de sa femme
Aimable Charle Félicité Lucas de Boncout, (descendante des Delarue et des
Bourdon, autres grandes familles de drapiers d’Elbeuf citées plus haut),
épousée le 30 septembre 1755, (elle décéda le 16 décembre 1760). Tous ces
drapiers commercent avec le moulin de Besle et les Lancelevée depuis plusieurs
décennies… Cela durera jusqu’à la Révolution !
3°) Un moulin des fonderies de Romilly :
Les fonderies de cuivre de Romilly furent créées en 1782
par Michel Louis Le Camus de Limare, lui aussi lié par sa famille aux drapiers
d’Elbeuf, qui déposa un acte de société le 16 avril 1785 en l’étude Dosne.
Première entreprise à laminer le cuivre à grande échelle, elles initièrent la
métallurgie non ferreuse en Haute-Normandie. La Société Anonyme des fonderies
de Romilly fut créée le 21 janvier 1809.
À cette époque, les Fonderies de Romilly étaient un
ensemble industriel qui comprenait trois éléments :
-
L’usine de Perpignan, achetée en 1779,
était l’usine principale, construite à l’emplacement de quatre anciens moulins
à foulon. Elle comprenait une fonderie avec six fours à réverbère, où les
cuivres bruts importés de Suède, Russie et Angleterre, étaient refondus avec
les vieux métaux récupérés en France. On y fondit nombre de cloches d’églises à
la Révolution, celle de la Bastille échappant au massacre, cachée par le
directeur de la fonderie. Elle contenait également des laminoirs, mus par une
roue, accompagnés d’un fourneau qui chauffait le cuivre. Un petit laminoir à
cylindres cannelés fabriquait de gros fils de cuivre et de laiton, qui étaient
ensuite effilés à la tréfilerie. Complétaient le dispositif une clouterie avec
deux forges où étaient fabriqués des gros clous (dont on retrouva les traces
dans le radeau de la Méduse) et des fiches de cuivre pour fixer le doublage des
navires, un coupoir pour les viroles et un atelier pour tourner la tête des
clous.
-
L’usine des Ponts, achetée en 1788, fut
construite à l’emplacement de deux anciens moulins à foulon. Elle abritait deux
fourneaux à réverbère pour affiner le cuivre, deux laminoirs et un atelier pour
la fabrication de briques réfractaires, employées à la construction des
fourneaux. Ces briques étaient confectionnées avec de l’argile, qui provenait
de Saint-Aubin-la-Campagne, près de Boos.
-
L’usine de Besle, achetée en 1792, avec les anciens moulins à foulon de
Bétille et de Repainville, se spécialisa dans le laminage et le tréfilage du
laiton. À partir du 15 avril 1816, elle fut entièrement reconstruite pour
utiliser un nouveau procédé de fabrication, en mélangeant directement le cuivre
et le zinc, sans usage de calamine. Ce procédé, testé depuis 1815, engendrait
bien moins de déchets. À cet effet, on construisit un laminoir pour la
fabrication de planches de laiton et une tréfilerie pour celle du fil. La force
motrice était fournie par deux roues hydrauliques auxquelles on en ajouta une
troisième en 1819 pour séparer le travail du laminoir de celui de la
tréfilerie. La chute d’eau fut également modifiée, comme le notifia en 1820 une
ordonnance royale.
Le 2 octobre 1833, le moulin fut à nouveau transformé,
toujours pour tréfiler le laiton. Les fonderies de Romilly importaient
en France, après bien des efforts et de grands sacrifices, une branche
d’industrie qui y prospéra.
Avec ces changements, les soles gravières étaient devenues
trop hautes, À certaines périodes, l’eau refluait sur la propriété du Sieur
Bouelle, et arrêtait le mouvement de son moulin. Il intenta un procès en 1835
contre le Sieur Lecoulteux, administrateur des fonderies de Romilly, pour délit
d’inondations. Il perdit ce procès, mais une nouvelle inondation se produisant
peu de temps après, Bouelle intenta un second procès, se référant cette fois-ci
à l’ordonnance de 1760 de Racine de Monville, qui fixait la hauteur des eaux au
moulin des Deux-Ponts. Ce nouveau procès s’acheva le 1er mars 1838 par la
condamnation des fonderies à reconstruire le barrage et à 1000 F d’amende.
Les fonderies
avaient prospéré dans un premier temps, notamment grâce à cette innovation
appliquée au moulin de Besle. Le Traité de commerce franco-britannique du 23
janvier 1860, qui abolissait les taxes douanières sur les matières premières et
la majorité des produits alimentaires entre les deux pays, leur porta un coup.
Elles furent incapables de résister à la concurrence de l’industrie anglaise.
Les usines cessèrent leur activité en 1865, date à laquelle l’assemblée
générale des actionnaires vota sa dissolution. Les usines furent rachetées par
les fonderies de Saint-Denis, les actionnaires ayant la possibilité d’échanger
chacune de leurs actions contre neuf de la nouvelle compagnie. Cela ne suffit
pas à sauver les fonderies de Romilly. La vente des 59 hectares sur lesquels
elles étaient implantées, mais aussi des maisons et du matériel, ainsi que des
brevets, s’effectua par adjudication judiciaire le 31 octobre 1894 par maître
Pelletier, avoué à Paris au 38 rue Notre-Dame des Victoires.
4°) La tréfilerie pour le métal devient une scierie
Le 16 août 1888, il avait été décidé
de reporter sur le moulin de Besle la chute de l’usine de Repainville. Certains des biens des
Fonderies de Romilly-sur-Andelle furent rachetés en 1889 par Pierre François
Clérisse Barette, (né le 27 avril 1831, décédé le 13 avril 1909, époux de
Joséphine Adèle Fosse). Ce menuisier qui travailla ensuite aux Fonderies de
Romilly où il habitait, était fils et petit-fils de maîtres foulonniers à
Romilly-sur-Andelle.
Son fils Gaston Alphonse Marie Barette (né en 1857 à
Romilly, décédé en 1936), boulanger à Saint-Etienne-du-Rouvray, racheta pour
lui en 1905 la partie correspondant au moulin de Besle. Un autre de ses fils,
Paul Eugène (1867-1923), charcutier à Louviers, procéda à la même opération
avec le domaine des Hautes Rives leur père était mentionné comme usufruitier du
moulin Pouchet.
Le moulin de Besle devint alors la propriété de la famille
Barette. La tréfilerie de laiton fut mise en chômage avant qu’elle ne
ressuscite sous la forme d’une scierie. On y fabriqua des fibres servant à
l’emballage des paquets, obtenues par grattage du bois, jusqu’à ce que l’usine
brûle. Albert Henri Barette racheta le bien à son frère Gaston Marie Alphonse,
en 1924. Cet autre fils de Pierre François Clérisse Barette était né en 1863 à Romilly et décèdera en
1955 à Pont-Saint-Pierre. Il habite, avec son épouse Marie Ambroisine Nicolle,
lui aussi au moulin Pouchet, où il exerce le métier de foulonnier.
Frédéric Célestin Marie Miché, né à La Trinité de Porhouet
(56) en 1870, était venu s’installer à Romilly en 1912. Il avait constitué,
avec son épouse, Mathilde Rosalie, une fabrique de cannes en bois et de
caisses, qu’il fabriquait sur le site du moulin de Besle, qu’il louait à la
famille Barette.
Il acheta ensuite à Albert Henri Barette, le 25 mars 1931,
le terrain sur lequel était implanté le moulin de Besle, et y poursuivit les
activités de son entreprise.
Le chiffre d’affaire s’élevait en 1938 à 77 793,95 francs,
en 1939 à 59 951,25 francs et en 1940 à 73 894,60 francs, dégageant chaque
année 15 000 francs de bénéfice.
5°) Le siège de la Société « Les Bois Utiles »
Maurice Lucien Julien Cavelier, né en 1891 à
Pont-Saint-Pierre, achète en 1941 l’ensemble des biens de Frédéric Miché,
moyennant la somme de 100 000 francs payée comptant. Cela comprend une maison
d’habitation divisée en :
-
Au rez-de-chaussée, cuisine, une salle,
une chambre et un bureau
-
Au premier étage, deux chambres et un
cabinet de toilettes
-
Quatre caves sous la maison, une buanderie
-
Bâtiment à usage de magasin, composé de
quatre pièces au rez-de-chaussée et deux pièces au premier étage
-
Écurie, cellier et hangar à usage de
séchoir
-
Deux autres hangars, bâtiment à usage
d’usine
-
Chute d’eau avec roue
-
Terrain en nature de cour, jardin et
prairie dont une partie se trouve séparée de la propriété par la rivière
l’Andelle.
Le fonds de commerce de fabrique de cannes, manches de
parapluies et ombrelles est concédé moyennant 98 200 francs, payé également
comptant. Ce prix comprend les éléments incorporels, l’enseigne, le nom
commercial, la clientèle et l’achalandage, estimés à 5 000 francs, les éléments
corporels, le mobilier, le matériel estimés à 20 000 francs, et les
marchandises dont un état est dressé, estimés à 73 200 francs.
Un mois et demi plus tard, Gaston Auguste Philbert,
industriel, maire de Pont-Saint-Pierre, et Maurice Lucien Julien Cavelier,
directeur d’usine, domicilié à Douville, fondent une société anonyme, dénommée Les
Bois Utiles. Elle
a pour objet toutes les opérations se rattachant soit directement, soit
indirectement au commerce et à l’industrie du bois tant en France qu’à
l’étranger. Son capital est de 500 000 francs, divisé en 500 actions de 1000
francs chacune. 128 actions seront attribuées à Maurice Cavelier pour ses
apports, la société étant alors estimée à 128 000 francs.
Les 372 actions restantes se répartissent entre 7
souscripteurs :
-
100 pour Gaston Auguste Philbert
-
32 pour Maurice Cavelier
-
100 pour Lucien Alexandre Muylaert,
directeur de laiterie demeurant à Château-sur-Epte
-
60 pour Joseph Ferdinand Dubois, directeur
technique de fabrique à chaussures, demeurant à Pont-de-l’Arche
-
50 pour Paul Léon Philbert, entrepreneur
de battage, demeurant à Prey
-
20 pour Frédéric Célestin Marie Miché
-
10 pour Pierre Henri Cavelier
Tous ces actionnaires ont des liens familiaux, centrés sur
les Philbert et les Cavelier.
En 1945, la société Les Bois Utiles achète à Albert Henri
Barette le reste de ses terrains. Le capital de la société Les Bois Utiles est
désormais passé à 1 million de francs, répartis par moitié entre Maurice
Cavelier et Gaston Philbert.
La même année, Maurice Cavelier vend à la société des Bois
Utiles l’ensemble des terrains qu’il avait acheté à Frédéric Miché en 1941
(plus de 3 hectares). Monsieur Miché habitera sur la propriété jusqu’à la date
fatidique du 16 décembre 1946, jour où la filature de Fontaine-Guérard, dont
Maurice Cavelier est le directeur, cesse son activité à la suite d’un ultime
incendie. Ce dernier viendra alors habiter avec son épouse à
Romilly-sur-Andelle.
Des ouvriers des Établissements Philbert travaillent aux
Bois Utiles, qui approvisionnent les Établissements Pilbert et l’usine de robinetterie
Briffault. On y fabrique toutes sortes de caisses en bois, (clayettes, caisses
pour les harengs comme pour du matériel plus lourd…), et de la boissellerie
(escabeaux, boîtes aux lettres….). L‘activité s’y développe avec succès dans un
premier temps. L’usine compte en 1955 une trentaine d’ouvriers, mais des
difficultés de trésorerie surviennent, à cause d’impayés et de contentieux. Le
moulin fournit l’électricité qui alimente le ruban, sur lequel sont débités les
arbres. Monsieur Lançon, qui a débuté sa carrière aux Bois Utiles en 1955,
veille sur ce ruban qui repose aujourd’hui chez Monsieur Jean Miché, un ancien
menuisier, petit-fils de Frédéric Miché, qui reprit l’activité de son père.
Maurice Cavelier décède au moulin de Besles en 1970. Sa
veuve Léonce met en gérance la société. M. et Mme Devillers poursuivent l’activité
avant de racheter l’ensemble de la propriété en 1984.
Ils confient par la suite la marche de l’établissement à
André Laurent, ancien charcutier de Vandrimare reconverti en marchand de bois.
Ne pouvant juridiquement reprendre la dénomination Les Bois utiles,
il crée la société Les Bois de l’Andelle, implantant deux succursales de
ladite société à Vandrimare.