1 août 2017

Extraits de la presse locale d'avant 1914

L'Industriel de Louviers

Lu dans l'Industriel de Louviers
avant ou pendant la guerre 14-18


Il va falloir serrer les boulons ...
L'Industriel de Louviers

Grâce à une courageuse dénonciation anonyme, trois enfants privés de leur père par la guerre le seront aussi de leur mère...
L'Industriel de Louviers

L'évolution des mœurs...
L'Industriel de Louviers

Si nos lecteurs se souviennent de l'article que nous avons publié sur le cardinal Amette dans notre numéro 4, ils apprécieront pleinement l'humour de cette réclame pour le vin Mariani
L'Industriel de Louviers - vin Mariani


La calomnie
L'Industriel de Louviers
L'Industriel de Louviers
L'Industriel de Louviers



Le mal est fait, il chemine, il s´avance
De bouche en bouche il est porté
Et l´on voit le pauvre diable
Menacé comme un coupable
Sous cette arme redoutable
Tomber, tomber terrassé
Roger Bourdin

L'Industriel de Louviers
L'Industriel de Louviers
L'Industriel de Louviers


(nous transcrivons la suite pour une meilleure lisibilité)
L'abbé Michel, mécontent de voir les enfants arriver en retard au catéchisme s'en plaignit à l'instituteur qui lui fit observer que ce n'était pas lui qui créait un état des choses qui n'existait pas auparavant. Le curé se crut persécuté et engagea la lutte contre l'école laïque : "Je me plaindrai en chaire dimanche prochain!" déclara-t-il. En effet, le dimanche suivant était le jour de la Toussaint et l'église était pleine de monde. En chaire le curé fulmina contre les instituteurs de la commune et contre l’école laïque, puis le lendemain il fit distribuer dans les maisons des petites brochures contre l’enseignement laïque.

Lorsque M. Halleur fut mobilisé, le curé de Radepont par déférence et par charité chrétienne pour une femme digne de respect – c’est la baronne Levavasseur elle-même qui le déclare – aurait dû cesser la guerre pour ne penser qu’à l’autre guerre si terrible et si meurtrière pour les enfants de la France.

Eh bien non ! Il semble s’être au contraire montré plus agressif et plus violent qu’auparavant. Parce que l’institutrice employait dans sa classe l’Histoire de France de Calvet, le curé de Radepont fulmina contre ce livre d’enseignement ultra laïque (dans le texte) et s’acharna contre Mme Halleur. À cinq reprises différentes, il placarda contre elle et son enseignement des affiches manuscrites qu’il avait, il est vrai, carrément signé de son nom.

Une des affiches avait été placardée à la porte même du presbytère. Elle eut le sort de tous les pamphlets et fut souillée d’ordures. Le curé colla au-dessus une autre affiche ou il avait écrit en gros caractères : « Admirez l’ordure des pourceaux, les honteux amis de la Halleur institutrice ».

En employant cette expression méprisante et grossière « la Halleur », le prêtre ne voyait donc pas qu’il commettait une vilaine action. Il outrageait une femme qui ne pouvait lui répondre et de plus une personne que la baronne Levavasseur considère comme une « bonne et digne mère de famille ! ».

Ce n’est pas tout, le 3 octobre dernier en chaire, l’abbé Michel n’oublia pas de tomber à bras raccourcis sur l’institutrice ; Mme Levavasseur n’était pas là pour l’entendre et elle lui donnait une leçon qu’il aurait dû comprendre car c’était un blâme muet, mais il y avait un certain nombre de fidèles, entre autres le Général Desvaux qui est soigné à l’hôpital du château de Radepont.

Il entendit le prêtre déclarer publiquement que l’institutrice donnait le mauvais exemple et il retint cette phrase «les enfants sont heureux de venir au catéchisme quand la force brutale ne les en empêche pas. Eh bien ! Félicitations à tous. C’est le plus beau soufflet appliqué sur la joue des adversaires ! » Ne croirait-on pas entendre le sermon d’un de ces prêtres braves et patriotes des pays envahis et qui sont demeurés avec leurs ouailles sous la botte des hordes germaniques.

Parler de force brutale et de soufflet sur la joue de l’adversaire à propos d’une institutrice française et alors que chacun s’efforce de mettre en pratique l’union sacrée si nécessaire !
Le Général Desvaux fut suffoqué. Les fidèles ne le furent pas moins et il y eut des murmures dans le sanctuaire de paix et de miséricorde. L’abbé Michel blêmit de colère devant ce blâme : « j’entends des murmures tonna-t-il, ceux qui ne sont pas contents n’ont qu’à sortir ! ».

C’en était trop. Mr Labbé, adjoint, qui remplaçait le maire mobilisé, écrivit à Mr le Procureur de la République des Andelys et déposa une plainte formelle contre le curé de Radepont.

Mme Halleur de son côté a demandé des poursuites contre l’abbé Michel non point tant à cause d’elle que parce qu’elle n’entend pas que le blâme et l’anathème soit jeté sur les parents de ses élèves.

Une pétition ou figurent les noms de la plupart des habitants de la commune a été signée, demandant le déplacement du curé et il n’est pas douteux que l’évêque si distingué de notre département fera droit à leur requête, dans l’intérêt éclairé de la religion.

L'Industriel de Louviers
Suit le récit d'un incident mettant le curé Michel qui, au mépris de la loi, décide d'inhumer sans permis une fillette de deux ans, et devant les reproches que lui fait l'adjoint au maire, déclare : "Cela m'est bien égal que vous disiez que j'ai mal agi. Si vous avez des droits, vous les ferez valoir."

Bernadette et Gérard Hélouin



            Le rédacteur de l'article est représentatif de l'opinion publique du moment : le curé Michel, à l'heure de l'union sacrée contre l'ennemi allemand, apparait comme un retardataire qui s'entête à continuer une guerre de tranchées contre l'institutrice, alors que son mari est au front, et il réussit ainsi à se mettre à dos un général et une baronne...

L'Industriel de Louviers
Tout ça n'empêche pas Nicolas
Qu'la Commune n'est pas morte!


L'ancienne église du Manoir

Le Manoir sur Seine - Eglise

L’ancienne église du Manoir


La commune du Manoir possédait une église ancienne, dédiée à Saint-Martin, qui fut détruite pendant la seconde guerre mondiale lors des bombardements du pont de chemin de fer. Elle a été remplacée par celle que l’on connait aujourd’hui, construite au début des années 50.

On connait cette église et son emplacement grâce à d’anciens plans, des photos, des cartes postales. Il en subsiste quelques vestiges visibles in situ ainsi que quelques éléments de statuaire et de mobilier sauvés de la destruction et placés dans l’édifice actuel.
Le Manoir sur Seine - Eglise
Deux plans conservés aux Archives Départementales nous permettent de la localiser :
– un plan de 1787, «plan géométrique de la paroisse du Manoir sur Seine divisé en trois parties, levé par Pierre Renault arpenteur royal à Pont de l’Arche par les soins de Louis Nicolas Paul Maille, curé de laditte paroisse» ADE 2 pp 110.
– le plan cadastral dit « napoléonien » de 1831 terminé sur le terrain le 1er septembre 1831 sous l’administration de M Passy, préfet, M BISSON, maire….. par M Girard, géomètre de 1ere classe. (ADE III pp 735)

Elle était située au triège des Vignettes près de la route d’Alizay. En face se trouvait le presbytère composé de plusieurs bâtiments répartis sur un terrain en triangle dont certains ont disparu au début du XIXe siècle. L’église était entourée de son cimetière.
Le Manoir sur Seine - Eglise
Son allure générale donnée par le plan de 1787 est celle d’une construction simple à une seule nef surmontée d’un clocher avec flèche ce que confirment les photos et cartes postales du début du XXe siècle, qui par ailleurs nous permettent de préciser quelques détails :
– la nef est prolongée par un chœur en léger retrait ;
– les murs sont construits en brique et moellons de calcaire ;
– la couverture de la nef est en tuiles, celle du clocher en ardoises.

L’essentiel de l’édifice semble dater du XVIe siècle, comme c’est le cas pour de nombreuses églises de la région mais une petite ouverture romane qui apparait sur le mur nord du haut prouve l’existence d’un bâtiment antérieur. Les documents iconographiques montrent également de larges baies cintrées ouvertes dans le mur de la façade ouest aux XVIIe, et XVIIIe siècle. On aperçoit aussi une construction rectangulaire, la sacristie, qui flanque le mur nord de la nef.

Des travaux au XIXème siècle ont permis de maintenir cette église en bon état ; en 1865 le pignon ouest est rebâti et une grande porte d’entrée est posée ; on entreprend aussi des travaux de maçonnerie sur la voûte. En 1882 le cimetière est agrandi grâce à une donation de terrain. En 1885 le pavage de l’allée centrale de la nef est refait à neuf là encore grâce à une donation.

Le Manoir sur Seine - Eglise - bombardements 1944
            Cette église fut détruite par les bombardements intenses que subit la commune de mai à août 1944.
Le Manoir sur Seine - Eglise
Aujourd’hui il ne reste qu’un amas de pierres à son emplacement, constituant une sorte de terre-plein dans l’ancien cimetière. Quelques pièces furent heureusement sauvées. Elles sont maintenant déposées dans la nouvelle église. 
Le Manoir sur Seine - Eglise - plaque commémorative
C’est le cas d’une plaque commémorative en calcaire de 55 cm de hauteur sur 35 cm de largeur qui comporte une dédicace gravée : elle nous apprend que le jour de la Saint-Michel en septembre 1519, l’évêque de Veriense* est venu consacrer l’église en présence du curé, ce qui corrobore l’exécution d’importants travaux, voire la reconstruction de l’église en ce début du XVIe siècle.

* Nicolas de Cauquainvilliers ou Coquinvilliers, évêque de Viane ou Veriense, prieur de Saint- Laurens-en-Lyons et suffragant de l'archevêque de Rouen. 
Le Manoir sur Seine - Eglise - charité de St Martin
Une autre pièce remarquable sauvée des destructions de la guerre est la charité de Saint-Martin exécutée au XVIe siècle. On y reconnait la scène habituelle de Saint-Martin à cheval en train de partager son manteau avec un pauvre. Le saint, soldat romain du IVe siècle après JC est ici représenté comme un chevalier du XVIe siècle, vêtu d’une tunique à plis, chaussé de bottes montantes et coiffé d’un chapeau à aigrette. Le mendiant est de dimensions plus réduites. Il est torse nu et s’appuie sur un bâton. Le groupe est sculpté dans le calcaire et garde des traces de polychromie, notamment du rouge, du bleu et de l’ocre-jaune.

Le Manoir sur Seine - Eglise - retable en pierre du XVIème siècle
Un fragment de retable en pierre du XVIe siècle fait aussi partie de ces œuvres appartenant à l’ancienne église et aujourd’hui à l’abri dans la nouvelle. Sa partie inférieure est abîmée et il manque les deux ailes latérales dont on ne voit plus que la partie moulurée sur les côtés. Il représente une crucifixion avec ses trois personnages principaux : le Christ et les 2 larrons. Le Christ a un corps mal proportionné avec un long buste, de petites jambes et des bras graciles ; mais la tête est traitée avec beaucoup de détails. Les deux larrons sont accrochés sur des tau : le bon larron, la tête redressée vers le haut (vers le ciel) est surmonté d’un ange. Le mauvais larron, la tête renversée vers le bas (vers l’enfer) est cimé d’un diable qui emporte son âme. D’autres personnages apparaissent sur le tableau notamment des cavaliers dont l’un muni d’une lame s’apprête à transpercer le flan du crucifié, et des angelots portants des calices destinés à recueillir le sang du Christ.

Deux statues ont également été sauvées : une Sainte Barbe et une Vierge à l’Enfant datées toutes les deux du XVIe siècle et taillées dans du calcaire.
Le Manoir sur Seine - Eglise  - Ste Barbe
Sainte Barbe apparait près de la tour dans laquelle elle a été enfermée par son père. Les proportions du corps semblent là aussi disproportionnées, d’autant plus qu’une vilaine restauration en ciment lui a donné un cou de girafe. La sculpture a gardé une grande partie de sa polychromie.
Le Manoir sur Seine - Eglise - Vierge à l'enfant
La vierge à l’Enfant montre Marie vêtue d’une robe rouge et d’un manteau bleu retenu par une cordelette ; elle tient l’enfant Jésus sur son bras gauche. De longs cheveux bruns tombent sur son manteau.
Le Manoir sur Seine - Eglise - lutrin en chêne
Mais la pièce maitresse de ces éléments anciens ayant appartenus à l’ancienne église est incontestablement le lutrin en chêne de la fin du XVe siècle ou du début du XVIe ; il est composé d’un socle à deux pieds supportant quatre panneaux au-dessus duquel s’élève un double pupitre. Un système à vis permet de régler la hauteur du pupitre. C’est l’ornementation des panneaux qui est particulièrement remarquable et riche : on y voit aussi bien une croix surmontée d’un IHS (Iesus Hominum Salvator : Jésus Sauveur des Hommes) qu’un dragon formé d’entrelacs ou encore des lettres AM (Ave Maria : je vous salue Marie) ornées avec des fleurs de lys, symboles de la Vierge. Ce lutrin provient peut-être de l’ancien prieuré des Deux Amants qui aurait aussi fourni à l’église Saint-Martin des stalles dont il ne reste rien sauf des photos.


Yvette Petit-Decroix



1 juillet 2017

Jeu : étonnante diversité des étymologies...

Association Histoire du Val de Pîtres

VIE DE L’ASSOCIATION en 2013


Mars. Musée des Antiquités de Rouen.

Une quinzaine de membres de l’association se sont donné rendez-vous place de la Fraternité, pour rejoindre Rouen en covoiturage.
Association Histoire du Val de Pîtres
Nous y avons retrouvé les fibules et les épées pliées de Pîtres, des pièces de monnaie et autres objets antiques de notre commune, ainsi qu’une copie du casque d’Amfreville sous les Monts. puis la visite s’est poursuivie à travers les salles où nous avons admiré de splendides vitraux représentant les mois de l’année au travers de l’agriculture, diverses statues, retables et sculptures.

Bernadette Hélouin


Juin. Musée des Beaux-Arts de Rouen

De nouveau, covoiturage vers l’exposition Eblouissants reflets, les Impressionnistes peintres de l’eau, visite accompagnée d’une guide, qui nous a expliqué comment l’arrivée de la photographie au milieu du XIXe siècle avait créé un nouveau mode de représentation et formé le regard des futurs impressionnistes, tels Degas, Caillebotte, Monet ou Renoir, notamment dans les scènes de bord de l’eau. Ils ont peint les bords de Seine, parfois à bord d’un bateau, des scènes de la vie ordinaire, le travail des hommes, les ports, les premiers ponts métalliques, les premiers loisirs au bord de l’eau avec des baigneurs, des rameurs, des canotiers.
Pierre-Auguste Renoir .  La yole - Rouen Musée des Beaux-Arts
Pierre-Auguste Renoir. La yole

Pour eux, la peinture doit représenter l’instant présent et non un effet de l’imagination et, pour bien le montrer, ils ont souvent peint le même sujet à divers moments de la journée, comme Monet avec la cathédrale de Rouen.
Certains ont continué leur balade au fil de la Seine en allant visiter l’Armada.

Monique Loos


Octobre. Le barrage de Poses

Hubert Labrouche, président de l’association Les Anciens et Amis de la Batellerie, à l’origine du Musée de la batellerie, a bien voulu «traverser l’eau» pour venir nous faire une très intéressante conférence, illustrée de nombreux documents projetés, sur la construction du barrage de Poses, ou plutôt des barrages, puisque, construit à la fin du 19ème siècle, il sera plusieurs fois modifié.
Association Histoire du Val de Pîtres
Cette conférence sera reprise sous forme d’un article dans le prochain numéro.

Le Musée de la batellerie de Poses, sur l'ancien chemin du halage, présente du matériel illustrant l'histoire de la batellerie et du halage, des maquettes d'écluses et de barrages, une machine à vapeur et des moteurs anciens, et le remorqueur de 1928 Fauvette, classé monument historique.
Nous organiserons une visite au printemps.

Hubert Labrouche


*****

JEU DE MOTS











Les noms à trouver ont en commun une même syllabe. 
1. De l’indo-européen pelpo, ouvrage en bois
2. Du grec ἐπιστολή, lettre 
3. Du latin ocior, plus rapide et peto, voler 
4. Du latin capitulum, diminutif de caput, tête 
5. Réunion au début de laquelle on lisait un capitulum de la règle
6. Du latin pedester, qui va à pied, donc de condition inférieure. Mais pourrait venir aussi du vieux français désignant le pétrisseur, le boulanger.
7. L'histoire commencerait avec l'installation d'un certain Peter sur un cap, mais comme il y pousse aussi  un agave pite ou pitera, on peut hésiter …
8. Dérivé du latin pista, meule, d'une racine signifiant broyer

Quelques indices supplémentaires, façon mots-croisés, dans le désordre...
Pierre, Paul, Jacques, ou les deux autres
Place du chef
Un brin de lecture
Droit de l'ouvrir
Petits et grands ducs, buses et faucons
Amuse la galerie
Sur l'Andelle mais pas sur Andelle
Et non saillie de bouffon

Réponses dans le prochain numéro


Alizay : de la SICA à Double A

Sica Alicel Alipap Modopaper M-Real Double A Alizay


SICA, ALICEL, ALIPAP, MODOPAPER, M-REAL, Double A
Histoire du site industriel d'Alizay


L'origine de l’entreprise est en relation avec les dommages de guerre exigés de l’Allemagne après la Seconde guerre mondiale. En effet, un groupe de Français est chargé de trouver des matériels démontés par les Allemands dont l'hexagone peut disposer en compensation des dommages subis sur son sol. L'équipe est menée par Georges Cardi, officier de marine et ingénieur des arts et métiers.

Au début des années 1950, l'équipe de Français sympathise avec les dirigeants d'une usine de pâte construite à EHINGEN ; ville allemande située dans le Bade-Wurtemberg sur le Danube au sud ouest d'Ulm. Cette entreprise fabriquait de la pâte pour les textiles artificiels (fibranne). L'avant projet fût réalisé par des ingénieurs et techniciens allemands.

Pourquoi le choix d'Alizay ?

Le chef de la délégation Paul Peronne, maire des Damps, était exploitant forestier et a sans doute favorisé le choix du site.

En 1950-1951 la famille de la Potterie met en vente le domaine de Rouville, le château et les terres, aussitôt rachetés.

La vie de château

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Le château accueillait non seulement les personnes pour des réunions administratives, le bureau d'études, pour les repas, mais aussi les salariés élus pour les réunions sociales mensuelles (comité d'entreprise et délégués du personnel). A propos des activités sociales, le CE disposait d'une somme confortable. Ainsi de nombreuses commissions ont été créées : voyage, entrée en 6ème, labo photo, les anciens, bourse d'étude, équipes de foot etc... De nombreuses aides sociales ont été accordées aux personnes en difficulté.

La SICA l'une des plus grandes usines du département, possédait une véritable organisation syndicale puissante et structurée.

En 1971, une loi a été votée en rapport avec la formation continue pour adultes, à l’initiative de Bertrand Schwartz. La direction principale pressentait déjà les problèmes d'emploi. Ainsi trois personnes : deux cadres, une maitrise ont été détachées de leur poste respectif pour permettre aux salariés d'accéder à un nouveau métier de leur choix. Ils obtenaient ainsi ce qu'on appelait le CAPPUC (CAP par unité capitalisable) après avoir franchi les deux étapes. En effet une partie de la formation était assurée par les formateurs et l'autre par l'Éducation Nationale. Une dizaine de salariés a été reçue avec succès.

Du personnel à la hauteur !

Au cours de la période précitée Jacques Meslay, un homme de haute taille, était chef du personnel et son adjoint, moitié moins grand, venait du Midi. C'est très gentiment et avec respect qu'il était nommé le « demi de mêlée ».

Mais revenons dans les débuts de la construction. Le site d'Alizay est retenu aussi pour de multiples raisons : la proximité de la voie ferrée, la gare de Pont-de-l'Arche, la voie fluviale, la nappe phréatique. La S.I.C.A est construite à l'image de l'usine Ehingen et elle est dirigée par Georges Cadi assisté de Monsieur Bickell-Haupt qui est devenu son ami.
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Les travaux de construction ont été amorcés en 1951. L'usine a démarré en octobre 1954. Elle était prévue pour produire 30 000 tonnes. Elle a été inaugurée par Pierre Mendès-France.
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La première production de pâte n'était pas blanchie. L'atelier blanchiment a été mis en route début 1955 ; une inondation en janvier 1955 a généré un arrêt d'usine jusqu'en février ; date de la mise en route du blanchiment.

Le directeur avait installé son bureau au château, et au sous-sol un espace lui était réservé. Au dessus du hublot, une ancre était fixée. Par ailleurs, il s'exprimait en utilisant des termes de marin. A l'usine la distribution du courrier était assurée par le mousse. Grâce aux factions, l'usine tournait en continu. Les 3x8 étaient appelés les quarts. Ainsi la salle de contrôle de la nouvelle chaîne construite en 1962-1963 qui dominait les ateliers était appelée passerelle.
Au-dessus du laboratoire central, était aménagée une petite pièce contenant un lit de camp réservé pour le repos d'un factionnaire ingénieur qui était à la disposition du personnel en cas de problème.
Sica Alicel Alipap Modopaper M-Real Double A Alizay - G.Cardi  en 1962 à côté de sa Ferrari au départ du onzième tour de France
G.Cardi en 1962 à côté de sa Ferrari au départ du onzième tour de France

Georges Cardi logeait dans une maison située dans le parc du château. Dans ce dernier, la salle à manger des cadres était réservée au mess. Lorsqu'il y avait des travaux de nuit le directeur débarquait avec sa provision de sandwichs et de boissons pour alimenter le personnel ouvrier. Tout le monde était dans le même bateau.

Il était aussi passionné par l'automobile, et vice-président de l'automobile club de Rouen des Essarts. Il participa à l'organisation du grand prix des Essarts à proximité de l'usine. Les essais eurent lieu sur les routes toute proches et au moment de la course l'atelier de mécanique se transforma en atelier de réparation automobile. Le réservoir de Fangio avait crevé. Il n'y en avait pas de rechange ; il fallut le ressouder.

Travail pénible des salariés.

L’activité physique s'imposait à ceux qui étaient chargés de tordre un fil d'acier autour de la balle, de même le débouchage des crépines à l'intérieur des lessiveurs, qui servaient à « cuire » le bois. Le travail s'effectuait dans les relents de gaz des autres lessiveurs, les vannes des circuits n'étaient pas très étanches. C’est pourquoi une prime était accordée aux ouvriers qui changeaient les crépines. Toutes les interventions s'effectuaient dans une atmosphère de poussière et de gaz. Dans les premières années, la ventilation était inexistante ou inefficace. C'est pourquoi pendant une bonne partie de la faction l'ouvrier devait travailler avec un masque à gaz, porté lors des vidanges des lessiveurs. Par ailleurs, après de nombreuses années des cabines de protection ont été installées dans divers ateliers (lessivage, presse-pâte chaufferie etc.). Les salariés étaient protégés du bruit pour inscrire les informations liées à la production, et se restaurer à la pause.

Date mémorable : février 1955

A l'origine, le choix de la fabrication était axé sur la production de textile artificiel car les débouchés étaient assurés (l'usine de Cellophane à Mantes, Roanne, Bezons près de Paris).

Au début de la fabrication, les difficultés techniques ont imposé aux ouvriers des moments difficiles (Ex : éclatement du diffuseur). La nature de la lessive utilisée (bisulfite de calcium) était aussi une source de problèmes car les dépôts de calcium bouchaient les crépines d'aspiration de la lessive. La pâte obtenue devait être de qualité (basse viscosité) ce qui était difficile à obtenir. Il y avait nécessité à maintenir un débit régulier.

Pierre Mendès-France inaugure la S.I.C.A.

Le 31 janvier 1955 Pierre Mendès-France se rend sur place pour inaugurer la S.I.C.A. En février 1955, la première tonne de pâte textile est produite. C'est la célèbre balle 3016 qui deviendra par la suite l'étalon de référence pour le C.T.A (comptoir textile artificiel).

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Après un démarrage difficile, l'année 1957 a été bonne tant pour la production que pour les prix de vente. En décembre, la direction prévoit un production avoisinant les 130 tonnes. C'est plus du double de celle de 1955. L'objectif est d'atteindre les 100 000 tonnes rapidement. Cela est prévu pour mars 1958. Georges Cardi organise une grande fête lors de la production de la cent millième tonne.
Sica Alicel Alipap Modopaper M-Real Double A Alizay 100000t

En mai 1960, de passage en France, Kroutchev, secrétaire général du Parti Communiste de l’URSS, visite quelques fleurons de l'industrie française. La SICA fait partie de la liste sans doute grâce aux relations de Georges Cardi qui souligne que la SICA. est une des usines de cellulose les plus modernes d'Europe. L'usine est embellie ; les bâtiments sont repeints, les routes sont goudronnées, des arbres sont plantés. Léon Zitrone est pressenti pour rendre compte de l'évènement. Mais c'est Kossyguine, moins connu, qui viendra visiter l’usine à la suite d’une modification de calendrier.
Sica Alicel Alipap Modopaper M-Real Double A Alizay - Kossyguine à la SICA
Kossyguine à la SICA

En 1961, les marchés de la pâte textile chutent. Pour résoudre les difficultés, en 1962 est lancée la construction de la chaine 2. Une nouvelle lessive, le bisulfite de sodium, est utilisée pour « cuire » le bois.

En 1963 ce fût donc le démarrage d'une deuxième chaîne de production dédiée à la pâte à papier. L'année était subdivisée en campagne de production ; tantôt pâte textile, tantôt pâte papetière. Jusqu'en 1971 la chaîne 2 fabriquera alternativement de la pâte pour textile et de la pâte papetière.

En 1968 est né le Groupement Européen de la Cellulose, qui comprend trois usines : la Cellulose d'Aquitaine, les Ardennes, et la SICA. Elles sont liées par une convention d'assistance. Un tonnage de pâte papetière est prévu pour chacune d'entre elles, soit 90 000 tonnes de pâte pour la cellulose d'Aquitaine, 116 000 tonnes pour les Ardennes, et 130 000 tonnes pour la S.I.C.A.
Sica Alicel Alipap Modopaper M-Real Double A Alizay - La station d’épuration
La station d’épuration

L'année 1970 marque une étape fondamentale dans l'évolution des techniques de production. La SICA se met à produire de la pâte selon le procédé kraft mieux adapté à la fabrication du papier et moins polluant. L'entreprise construit alors sa station d'épuration de dimension équivalente à celle d'une ville de près de 800 000 habitants ! Malheureusement ce procédé génère de fortes odeurs désagréables s'apparentant aux odeurs de chou, ce qui amène une réaction de la part des habitants. (voir encadré ci-après)

En 1977  le marché de la pâte papetière s'effondre. La surcapacité mondiale est menaçante. A cette époque, les usines finlandaises créent une unité qui, à elle seule, produit 600000 tonnes, l'équivalent de la capacité totale des quatre usines du GEC (la Cellulose de Strasbourg avait rejoint les trois autres unités).

En 1978, le GEC signe un protocole de redressement avec les pouvoirs publics. La SICA doit réduire ses effectifs : de 730 salariés elle ne doit en compter que 650. Dans le même temps, la chute du dollar pénalise fortement les profits. Dans le groupe, les prix de revient à la fabrication dépassent le chiffre d'affaires.

Le 27 novembre 1980, le GEC est mis en redressement judiciaire. Le syndic nommé pose immédiatement l'avenir de la chaîne 1, faisant écho aux préoccupations de la Direction. Début décembre, la fermeture de la chaîne 1 est officialisée : 206 licenciements sont programmés. Le CIRI fixe au 15 décembre 1982 la date butoir pour rétablir la santé financière du site.

Le 6 décembre 1980, le comité d'entreprise a connaissance de la liste. Les noms ont été affichés à la sortie de l'usine. Les personnes concernées viennent et repartent en pleurant. D'une seconde à l'autre, leur vie bascule. Alors commence la bataille pour l'emploi, les entretiens avec les personnalités se multiplient. Les syndicats se mobilisent pour refuser les licenciements car chaque salarié licencié est au pied du mur.
L'unité salariale se lézarde ; certains pointent au château tandis que les autres campent devant les grilles. Le 24 décembre pendant la nuit près de 300 agents enfoncent les grilles.

La chaîne 1a été arrêtée et 200 salariés ont été licenciés. Les salariés craignaient l'arrêt définitif de la SICA et pourtant l'usine redémarre dans un contexte favorable.

Témoignage  

1975, la SICA, très éclairée, impressionnante par ses dimensions hors normes, est aussi environnée de fumées qui se font sentir à des kilomètres à la ronde : l'air est empuanti par une odeur de chou pourri, celle d'un gaz extrêmement volatile, le mercaptan.
C'est une odeur nauséabonde, voire irrespirable, qui se répand extrêmement vite au gré des vents d'Ouest dominants sur le Manoir, Pîtres, Poses, Romilly, Pont-Saint-Pierre et parfois même Fleury, le Plessis, Senneville .….
Au sud, les Damps sont aux premières loges, les maisons se bradent, prendre l'air par beau temps est devenu impossible. Les arbres et les potagers sont touchés également.
Cette situation est intolérable. Deux amis des Damps me proposent de créer une "association de défense contre les nuisances", ce qui est fait dans la foulée et une bagarre commence, qui va durer quatre ans.
Nous passons nos loisirs à organiser des réunions, à coller des affiches dans toutes les communes concernées (l'une représente un enfant avec un masque à gaz, jouant dans son jardin) et adressons à tous : maires, administrations, Préfet de l'Eure, Chambres de commerce, Premier ministre, Président de la république, radios et télévisions régionales et nationales, et enfin quotidiens et hebdomadaires, un dossier très documenté avec photos à l'appui. Des articles paraissent, dont un dans le Canard enchaîné, qui titre « La vallée de chou pourri », tant et si bien que la direction de la SICA qui refusait tout dialogue, commence à prendre cela au sérieux et à recevoir les responsables de l'association.
Un ingénieur suédois, polytechnicien de surcroît, nous lance, en guise de boutade : "que voulez-vous, c'est l'odeur de l'argent !" Il deviendra un ami …
Petit à petit, des mesures sont prises pour capter le mercaptan avant sa diffusion dans l'atmosphère. Près d'un million de francs de l'époque y sont consacrés, et au bout de trois ans la situation est redevenue presque normale …
La leçon à retenir est qu’il ne faut jamais baisser les bras et accepter passivement une telle atteinte à l'environnement sous prétexte d'activité économique. On doit concilier les deux, même si le coût est relativement élevé. Les syndicats, qui n'étaient guère favorables à notre action car ils craignaient pour l'emploi, verront par la suite que ce n'était pas là le problème.
(Roger Sionnière)

1981 Adieu SICA, bonjour ALICEL

Quel grand moment ce redémarrage ! « Nous nous sommes battus pour la réouverture » diront les salariés actifs dans ce combat. L'espoir habitait ces hommes qui ont défendu leur cause en indiquant au Directeur de Cabinet du Préfet qu'il était possible de porter la production de 350 tonnes par jour à 600 tonnes. D'ailleurs certains salariés qui avaient reçu leur lettre de licenciement ont dû revenir dans l'entreprise. Il fallait produire sans le soutien des banques. Peu à peu la confiance a été restaurée entre les différents intervenants.
Sica Alicel Alipap Modopaper M-Real Double A Alizay

Deux ou trois mois après la reprise, le dollar s'envole. La pâte se vend soudain au plus haut prix, alors l'entreprise se met à gagner de l'argent. Quelques investissements sont réalisés (une dizaine de millions de franc), consistant à réutiliser du matériel de la chaîne 1 pour augmenter la production de la chaîne 2. La date butoir est toujours fixée au 15 décembre 1982.

En mars 1982, une solution transitoire est alors mise en place sous l'égide du grand groupe papetier suédois MODO et les papeteries Maresquel. En effet, MODO qui a depuis 1968 une papeterie à Pont-Sainte-Maxence (PSM) signe alors un contrat de location gérance temporaire avec l'administration judiciaire de la SICA. Rapidement l'usine de PSM achète la moitié de la production de la SICA.

Début 1983, deux projets de développement sont étudiés en partenariat avec le Comité interministériel redressement industriel :
 - première possibilité, porter la production de la pâte papetière à 480000 tonnes.
 - deuxième possibilité, maintenir la production aux environs de 100000 tonnes et investir dans une machine à papier sur le site. C'est donc à cette période que germe l'idée de construction d'une machine à papier. Lors de la faillite du GEC, MODO est intéressé par l'acquisition du site d'Alizay, mais l'affaire ne sera pas conclue ; sans doute que les responsables politiques de l'époque ne souhaitaient pas céder un outil stratégique à un groupe étranger.

Le 23 février 1985, la SICA est adjugée pour 5 millions de francs à un groupe d'actionnaires constitué autour de Jacques Lejeune, Directeur Général de PSM. Ce groupe crée la société ALICEL. MODO est actionnaire à hauteur de 17%
ALICEL devient une société financière au capital de 30 millions de francs dont 10 millions de francs sont détenus par le groupe Sopargés–Mafipa autrement dit par Jacques Lejeune.

Une nouvelle usine voit le jour. Des investissements vont améliorer le parc à bois, la cuisson et le lavage pour la phase 1, et pour la phase 2 le blanchiment. La salle de contrôle du parc à bois est complètement automatisée. Ces changements techniques ont donné lieu à une réorganisation des postes de travail ; là où ils étaient 120 en 1960, puis 80 avant transformation, ils ne sont plus que 40 environ. Les autres salariés sont reclassés ou partent en préretraite. Depuis l'arrêt de la chaîne 1, on évite les licenciements. Après les 2 premières phases, suit la phase 3 en rapport avec l'évaporation, la chaudière, le four à chaux et la caustification. La phase 4 en relation avec la machine à papier sur le site d'Alizay demeure toujours un projet. On en parle sérieusement vers 1985. Les études débutent vers 1987 qui dureront 2 ans.

En 1989 250 000 tonnes de pâte est le niveau de production record atteint. La construction d'une machine à papier est décidée.

Il y avait eu deux chaudières CAIL, puis une BABCOCK (BW). Il y aura désormais une nouvelle chaudière, la STEIN. Elle démarre un jour de fête, le 15 août 1990. Les CAIL brûlent des écorces et du fuel. La BW était dimensionnée pour une usine produisant 180 000 tonnes de pâte kraft ; la chaudière STEIN l'est pour 300 000 tonnes. Avec la machine à papier, la demande d'énergie augmente sur le site, il devient économiquement très avantageux de convertir la BW à la combustion à écorces. Il faut savoir que le fuel ou le gaz coûtent beaucoup plus cher que la biomasse (déchets de végétaux comme par exemple les écorces, les morceaux de palettes la sciure, etc.).

Une bonne nouvelle satisfait les salariés et la direction. En effet grâce à la cuisson continue, il n'y a plus d'arrivée sporadique des gaz et des explosions de joints qui libéraient des odeurs. Avec le débit continu, le problème dû aux odeurs a été diminué.

L'entreprise investit dans une nouvelle turbine 27 700 kilowatts appelée TA4. Les chaudières CAIL sont arrêtées. On cesse aussi d'utiliser les deux anciennes turbines : 4500 et 8100 kW. La nouvelle TA4 transforme en électricité la vapeur recueillie de la chaudière Stein.

Début 1990, création de la société ALIPAP. Le génie civil démarre. La machine est abritée dans un long bâtiment : 22m de hauteur pour 235 m de long et 40 m de large. C'était une des plus grosses du monde à l'époque de sa construction et encore aujourd'hui une des plus importantes d'Europe. La machine à papier a produit des bobines à la vitesse de 1000 m de papier par minute et 8,60m de large. Désormais ALICEL et ALIPAP se côtoient sur le même site. Les salariés traversaient le parking pour aller d'une usine à l'autre.

Modopaper

En 1991, l'usine est reprise par le groupe MODO et le 22 décembre sort la première feuille.

Au début de l'année 1994, la filière papier traverse la crise la plus profonde depuis les années 1930. Toutes les usines de pâte à papier françaises connaissent des déficits importants. ALICEL perd plus de mille francs à la tonne de pâte. « Jusqu'à quand le groupe MODO soutiendra t-il un de ses seuls sites à perdre de l'argent ? » relatait un article de Paris-Normandie le 12 janvier 1994.

En 1997, un nouveau pas est franchi avec le lancement de la production de ramettes de format A4 A3 et l'installation d'une première coupeuse. C'était à l'époque, la première coupeuse au monde avec trois lignes de conditionnement qui pouvaient fonctionner en même temps. Les futurs coupeurs, pour voir fonctionner sur le terrain ce dont ils avaient entendu parler, se rendent dix jours en Suède, avant d'aller passer trois semaines à Pont Sainte-Maxence et à Hambourg. Moment de détente en Allemagne, le fournisseur offre un soir une séance géante de karting sur un circuit couvert juste à côté de l'usine. Le premier septembre 1997 est un grand jour : c'est le démarrage de la production. Des visiteurs étrangers sont là, Brésiliens, Russes… En octobre le service finition A4 est à l'honneur. L'ambassadeur de Suède se rend sur le site pour assister à son inauguration officielle. C'est la fête à ALIPAP. L'ambassadeur appuie sur le bouton pour démarrer la coupeuse et c'est parti pour environ 5 à 6 heures. Puis un souci d'automate engendrera quelques heures d'arrêt.

La tempête de 1999 a fait vivre un exploit humain.

On s'en souvient, le matin du dimanche 26 décembre 1999, une tempête d'une violence rare dévaste le nord de la France. Dehors, les arbres tombent, à l'intérieur on a l'impression que les fenêtres vont exploser. Quand le vent se calme, on constate que le convoyeur de copeaux est tombé sur le bâtiment du parc à bois. Paysage apocalyptique. Toute la journée, les opérateurs et le personnel d'astreinte s'affairent à mettre l'usine en sécurité.

Le lendemain, les salariés découvrent les conséquences de ce séisme. On ne peut plus alimenter la cuisson en copeaux. Inquiets, les salariés touchés s'organisent : un magnifique élan de solidarité naît. En dix jours, les services techniques montent une alimentation provisoire par soufflerie, récupérée sur un site suédois. Le 12 janvier 2000, la cuisson est à nouveau alimentée en copeaux. Dans un temps record, les salariés et les entreprises sous traitantes travaillent à la reconstruction du convoyeur à copeaux, et le 19, c'est chose faite.

En janvier 2001 est installée la coupeuse 7, totalement dédiée au A4, format devenu à cette époque le format standard en raison de l'utilisation de plus en plus importante des ordinateurs. Le démarrage est très difficile : elle ne commence à produire des ramettes qu'un mois plus tard.

Les projections sur l'évolution du marché du papier sont alors optimistes. Le savoir-faire est important. Toute approximation est immédiatement sanctionnée. Par exemple, si le couteau est usé, la qualité de la tranche de papier sera mauvaise, et chez le client, la sanction est immédiate : réclamation. De plus, les manipulations informatiques ne peuvent être effectuées qu'avec une parfaite connaissance de l'outil. Les problèmes ont fait chuter le rythme. Aux rebobineuses il est tombé de 70 000 tonnes à l'année à 40 000 tonnes. La réclamation client à la tonne passait de 50 centimes à 4 euros. Des sessions de formation avec les fournisseurs, une optimisation des plans de maintenance portent leurs fruits. Peu à peu, le fonctionnement redevient normal.

C'est aussi en 2001 que le stock automatique est installé, mais un nouvel incident viendra ternir ces améliorations constantes. Pendant les travaux du génie civil, par une nuit d'orage, les eaux sont remontées par les égouts qui n'étaient pas encore raccordés. la fosse devant accueillir le stock automatique est transformée en piscine. Après bien des aventures l'atelier finira par fournir un papier de qualité aux divers clients.

L'activité des labos.

A l'époque de la SICA, il y avait deux laboratoires : l'un assurait les contrôles, l'autre la recherche. Au total treize personnes travaillaient à la journée dans ce secteur. Par ailleurs, des factionnaires effectuaient des contrôles pour assurer un bon suivi de la fabrication. L'ambiance de travail était très bonne. Un salarié raconte qu'il lui arrivait d'acheter de l'extrait d'anis aux transporteurs italiens de passage à l'usine, pour fabriquer du pastis. Malgré les hottes d'aspiration, de « fines odeurs » subsistaient. L'odeur de l'usine imprégnait les murs et les vêtements. Les salariés avaient hâte de rentrer chez eux pour se changer.

En 1990, un laboratoire avait été installé dans le bâtiment de la machine à papier. Il comptait huit personnes à la journée et douze personnes en faction pour assurer les contrôles quotidiens sur la pâte et le papier, la recherche et le développement étant effectués ailleurs dans le groupe M-Real. En juin 2000, le groupe suédois Modo-paper est repris par le finlandais Mesta-Serla, et devient de ce fait M-Real.

M-Real et l’environnement

M-Real va se préoccuper davantage de la qualité et du respect de l'environnement. L'usine obtient les certifications de qualité ISO* puis la certification environnement ISO 14001. Un audit de renouvellement a lieu tous les trois ans. L'engagement de progrès s'applique aussi en amont de l'usine : en 2003 M-real a obtenu la certification PEFC (Pan European Forest Certification), qui garantit que la chaine d'approvisionnement de bois répond aux exigences de la gestion du bois et des forêts.

Le passé, chiffons, l'avenir, le bois.

Au XIXème siècle la pénurie de chiffons destinés à la fabrication du papier suscita l'émergence d'une nouvelle matière première, le bois. L’Europe était alors riche en bois, et le coût élevé des transports fit que les papeteries se trouvèrent près des zones de production. Mais la donne change à la fin du XXème siècle. Des pays que l’on appelait du Tiers-Monde, souvent anciennement colonisés, s’industrialisent. L'Indonésie ou le Brésil dans lesquels le bois pousse six à sept fois plus vite qu'en Europe construisent de gigantesques usines de pâte. Les salariés s'interrogent. En effet, il se peut que dans l'avenir la rareté du bois bouleverse l'implantation des usines de pâte. Depuis 1996, des wagons traversent une partie de la France pour transporter à Alizay des milliers de tonnes de bois du Morvan. Les salariés s'interrogent: qu'en sera t-il dans quelques années ?

De 2005 à 2011 l'activité de l'entreprise semble présenter de sérieuses difficultés, que la direction justifie par l'important déficit récurrent du site normand et de très mauvaises perspectives.

M-Real menacée.

L'information tombe en mai 2011 : « Le groupe papetier finlandais M-Real a indiqué mercredi qu'il envisageait la fermeture de son usine d'Alizay qui emploie 330 salariés et dont les performances financières et les perspectives sont selon lui « très mauvaises » ». Dans un communiqué, le groupe précise qu'il convie les repreneurs potentiels à se manifester dans le cadre d'un « processus public » dont la date est fixée au plus tard fin septembre 2011. Dans l'hypothèse où aucun repreneur crédible ne serait retenu par M-Real dans le délai imparti, la fermeture de la papeterie d'Alizay est envisagée.

Octobre 2011. Les représentants du personnel ont rencontré le ministère de l'agriculture le 5. Le PDG du groupe papetier finlandais a promis de ne pas engager la fermeture de l'usine avant la fin des négociations avec les deux repreneurs restant en compétition, alors même qu'il avait convoqué le 3 octobre à Helsinski un comité d'administration du groupe pour obtenir son feu vert à la mise en route de cette fermeture.
Sica Alicel Alipap Modopaper M-Real Double A Alizay

La fermeture de l'usine de pâte à papier du site, d'une capacité de 250 000 tonnes, a lieu en juillet 2010. Est-ce la fin ?

Double A

Au printemps 2013, l'usine longtemps arrêtée est rachetée par le département de l'Eure, ce qu'Arnaud Montebourg qualifie de « micro nationalisation locale temporaire », pour être revendue aussitôt à la société thaïlandaise Double A, qui relance la production quatre mois après le rachat. Elle annonce avoir expédié aux Émirats Arabes Unis six conteneurs de papier de qualité supérieure. Les papiers de haute qualité sont produits à partir de fibres courtes en provenance de Thaïlande, à partir d'arbres d'élevage à croissance rapide, cultivés par plus de 1,5 millions d'agriculteurs sous contrat et plantés au sein ou autour des champs de riz et d'autres cultures, assurant ainsi la biodiversité de ces espaces, annonce l'entreprise.

Et l’avenir ?

L’activité sur le site a toujours été en dents de scie, mais l’usine a encore une fois réussi à renaître de ses cendres grâce à la confiance et la solidarité de tous.
Sica Alicel Alipap Modopaper M-Real Double A Alizay
C l’Eure. Septembre 2013

Sources :

Sica Alicel Alipap Modopaper M-Real Double A Alizay
- 1954-2004 De la SICA à M-REAL, coordonné par Bernadette Le Page, publié par le Comité d’édition du groupe de projet de M-Real et Etat d’esprit
- articles de Paris-Normandie et de La dépêche
- témoignages du personnel


Christiane Bonnefoy