1 septembre 2017

Le pertuis de Poses

Le Pertuis de Poses

Le pertuis de Poses
Un canal dans la plaine…


Sur la carte de CASSINI N° 25 du début XIXe siècle figure un ouvrage dans la plaine de Poses, canal avec écluse et pont ; et pourtant ce canal et ses équipements n'ont jamais existé ! Notons que ce canal figure justement à proximité du village de Poses où se trouvait un pertuis*, difficulté majeure pour la navigation en Seine
Le Pertuis de Poses - Carte de Cassini N°25 Rouen 1820 environ
Carte de Cassini N°25 Rouen 1820 environ

La navigation sur la Seine à la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle

Nécessités économiques

De tout temps et en particulier à la fin du XVIIIe siècle et durant le XIXe siècle la navigation sur la Seine a eu une très grande importance pour le commerce intérieur des marchandises et même pour le transport de voyageurs. Grâce à des canaux permettant la jonction avec la Loire, puis de la Loire avec la Saône, une communication continue existe entre l'Océan et la Méditerranée et traverse la France du Nord-ouest au Sud-est. Cette voie facilite alors les importations et exportations en produits de toutes sortes et approvisionne la Capitale avec une redistribution dans tout le pays. C'est dire l'importance économique à cette époque de la Seine, maillon essentiel du réseau fluvial en France. En 1824 il transite entre Paris et Rouen 150 000 t de marchandises (25 000 t par la route) et 300 000 t entre Paris et le Havre. Tout obstacle sur la Seine induisait un coût supplémentaire parfois énorme pour ce transport. Une des préoccupations des gouvernants était donc de réduire ces obstacles. L'un d'eux justement était très célèbre dans le monde des mariniers, c'était le Pertuis de Poses.

Types de bateaux utilisés

Le transport se fait par des bateaux de bois de différentes sortes, souvent ces bateaux ne faisait qu'un seul voyage, à leur arrivée à Paris ils étaient "déchirés" pour fournir du bois de chauffage. Pour les marchandises il y avait quatre classes qui diffèrent par leurs longueurs 56 ; 59 ; 38 et 34 mètres et largeurs respectives 9,33 ; 8,40 ; 7 et 6,50 mètres. Avant la révolution une centaine de bateaux de ces sortes assuraient le service entre Paris et Rouen.
Le Pertuis de Poses - Bateau ou besogne* fait et construit par Vincent Coullon à Auxerre
Bateau ou besogne* fait et construit par Vincent Coullon à Auxerre

L'accueil, la maintenance de ces bateaux nécessitent des ports, dans l'Eure, Pont-de-l'Arche, Poses, Les Andelys, Vernon sont des ports ; Poses est de plus un relais de halage et un lieu de péage.

Les méthodes de navigation

            Une des méthodes de navigation la plus usitée sur la Seine fut sans conteste le halage* avant que la vapeur ne la rende obsolète.
Le Pertuis de Poses - Le halage par des humains
Le halage par des humains

Le chemin de halage existait déjà au XVe siècle comme en témoigne une ordonnance royale de 1415 faisant obligation aux riverains de créer et d’entretenir un chemin pour le trait des chevaux d’où des conflits fréquents entre riverains et bateliers. Mais, nous le confirment les procès-verbaux de la Vicomté de l’Eau au XVIIIe siècle, le chemin de halage était souvent en mauvais état, envahi par le fleuve, les chevaux avançaient alors avec de l’eau jusqu’au ventre… On note jusqu’à 122 contraventions dans l’Eure en 1766 pour chemin mal entretenu.
Le cheval de rivière, animal de trait pour les bateaux, ne remplace, dans notre région, les hommes ou haleurs qu’à partir de Louis XV. Le cheval utilisé pour le halage était une race particulière, « cheval de rivière », race rustique de souche cauchoise qui devait être dressée pour ce travail ; l’emploi de chevaux d’agriculture pour le halage se révélait souvent un échec et entraînait parfois des accidents.
Le Pertuis de Poses - Le halage par des chevaux
Le halage par des chevaux

Le halage était dangereux, la perte des chevaux par blessure ou noyade fréquente. Le cheval, animal coûteux, bien soigné, devait être sauvé à tout prix ; le charretier était autorisé à sacrifier plutôt le bateau que son attelage, par exemple en sectionnant avec une dague qu’il portait à la ceinture le châbliau*, câble de trait du bateau.
Le Pertuis de Poses - Chevaux de halage - E. Frémiet
Chevaux de halage - E. Frémiet

Les équipements (harnais de rivière, collier de marine, courbes, câbles) étaient dispendieux ; à Poses, le coût des câbles représentait jusqu’à 10% des frais payés par les mariniers pour le franchissement du pertuis ; autrefois, les habitants des villages environnants appelaient les Posiens « les câbleux », allusion à l’utilisation massive de cordages. Les chevaux qui avançaient de front par deux le plus souvent, formaient une courbe*, plusieurs courbes successives constituant le run*, chaque courbe devait être guidée par un homme charretier. 
Sur un magnifique vitrail de 1605 dans l'église Notre-Dame-des-Arts à Pont-de-l'Arche figure une scène montrant le halage de deux bateaux mêlant humains (richement habillés) et chevaux formant des courbes.
Le Pertuis de Poses - Vitrail de l'église Notre-Dame -des-Arts à Pont-de-l'Arche. (Photo Nicole Calas)
Vitrail de l'église Notre-Dame -des-Arts à Pont-de-l'Arche. (Photo Nicole Calas)

Le vitrail est constitué de quatre panneaux qui fourmillent de détails.
– Dans le premier à droite on voit les chevaux menés par des charretiers.
– Dans le deuxième plusieurs dizaines de haleurs – hommes, femmes et enfants – en tenue du dimanche tirent des cordages.
Le Pertuis de Poses - Les haleurs (Photo Nicole Calas)
Les haleurs (Photo Nicole Calas)

– Dans le troisième deux commerçants, propriétaires des bateaux, reconnaissables à leurs capes de voyageurs, surveillent les opérations.
Le Pertuis de Poses - La cité de Pont-de-l'Arche (Photo Nicole Calas)
La cité de Pont-de-l'Arche (Photo Nicole Calas)

– Dans le dernier la cité de Pont-de-l'Arche et les deux bateaux qui sont halés Les deux bateaux sont reliés par un câble et sur le pont se trouve le maitre de pont, personnage qui dirigeait et guidait les monteurs afin d'éviter que le bateau ne percute une pile du pont.
Le Pertuis de Poses - Chronologie des différents moyens de navigation sur la Seine de la fin du XVIIIe au début du XXe
Chronologie des différents moyens de navigation sur la Seine de la fin du XVIIIe au début du XXe

Dans cette même ville de Pont-de-l'Arche s'est développée une industrie de la chaussure dont une des origines pourrait être liée à la nécessité de fournir aux haleurs des chaussures destinées en particulier à leur activité
Les charretiers de rivière constituaient un groupe professionnel, artisans riverains du fleuve, spécialisés dans le halage dont le monopole était confirmé par des privilèges locaux et qui étaient payés par les bateliers. Ces derniers avaient aussi en charge la nourriture des animaux ; les charretiers de Poses s’estimaient les plus qualifiés de Poses à Vernon. Des conflits naissaient souvent entre les artisans de cette corporation.

Le pertuis de Poses et son franchissement

Le Pertuis de Poses En bleu les cours d'eau : Seine, Andelle En bleu foncé le pertuis de Poses En rouge les différents chemins de halage En pointillés rouges les traversées du pertuis
Le Pertuis de Poses
En bleu les cours d'eau : Seine, Andelle
En bleu foncé le pertuis de Poses
En rouge les différents chemins de halage
En pointillés rouges les traversées du pertuis

Poses est une commune de l'Eure située dans une boucle de la Seine. Le barrage et les écluses d'Amfreville-sous-les-Monts, en face de Poses, se situent au PK 202*, à 40 km à l'amont de Rouen. Ce sont les derniers ouvrages de la Seine avant la mer à 163 km. D'abord village de pécheurs et de haleurs il est devenu le lieu d'ancrage de nombreux mariniers, ces activités fluviales montrent bien l'emprise que la Seine a exercé de tout temps sur le village.
Le franchissement du pertuis de Poses qui s’étalait sur environ 3 km de l’amont de l’embouchure de l’Andelle au Mesnil de Poses-Tournedos, était impossible en période de crue et en basses eaux d’été lorsque la profondeur de la rivière pouvait s’abaisser à 0,65 m voire
0,50 m.
Aux péages royaux ou communaux (droit de tonlieu*, de boète*, de jettement*, de levage*, de gouvernail*, de chaîne*, de travers, de neuvage*) s’ajoutaient à Poses des faux frais qui étaient de véritables concessions : droit de bourgel*, droit de taraugage*, droit de palage*, droit de parage*, droit de bachot*. Les frais étaient cinq fois plus élevés à la remonte qu’à la descente, ceux pour les cordes représentaient 10% des sommes dues par le marinier. 

Diverses activités induites par le halage animaient les rives de la Seine dans la traversée du village : relais d’écurie, auberges, tavernes, maréchaux-ferrants, bourreliers, cordiers, charpentiers de marine, approvisionnement des animaux en nourriture… et faisait bien entendu la prospérité du village.

Les conséquences liées aux difficultés de la remonte, possible environ 6 mois par an seulement, étaient nombreuses :
– multiplication des chevaux : aux chevaux de run* (4 à 10) nécessaires pour haler dans les racles* s’ajoutaient, à la remonte de ce pertuis, des chevaux de renfort*, de 12 à 46 pour les bateaux les plus grands et en charge.
– nécessité de spécialistes locaux : les charretiers-relayeurs*, le maître de pertuis, charge royale, devenu chef de pertuis après la Révolution assisté de 16 à 40 aides ou farigaudiers*. Chef incontesté, le maître de pertuis, responsable du passage, organisait la remonte et la descente des bateaux, déterminait le nombre de chevaux nécessaires, faisait payer les péages…
– participation de nombreux hommes pour les manœuvres : changement de rives des hommes et des bateaux, transport et guide des cordages, aides diverses… 450 hommes, encore au milieu du XIXe siècle, travaillaient au halage à Poses, un nom de famille typiquement posien est hérité de cette période : HALLE HALLE.
– voyages longs, dangereux et difficiles ; la configuration géographique du fleuve entraînait de nombreux changements de rive : 52 entre Rouen et Paris en basses eaux, 8 à Poses sur 3 km. Plusieurs heures – plus de 5 pour des bateaux moyens – étaient nécessaires pour franchir le pertuis de Poses. Pour un voyage Rouen-Paris aller et retour, les bateliers partaient 15 à 20 jours jusqu’à 1 mois dans les moments les plus difficiles.
– des voyages coûteux pour les bateliers :
Le Pertuis de Poses - Embarquement à Paris sur un coche d'eau
Embarquement à Paris sur un coche d'eau

Si l’essentiel du halage assurait le transport des marchandises, le transport des voyageurs par coches d’eau halés par des hommes et des chevaux, organisé dès le XVIIe siècle, se pratiquait encore au XIXe ; des batelets* de 12 places ou des galiotes avec 72 personnes à bord emmenaient en « service accéléré », prioritaire, en marche forcée, 24 heures sur 24, les voyageurs en 5 jours de Rouen à Paris et en 4 jours à la descente. Durant ce trajet, véritable aventure, les voyageurs étaient parfois amenés à mettre pied à terre afin que le bateau franchît à vide les passages difficiles.
Le Pertuis de Poses - Un autre type de coche d'eau
Un autre type de coche d'eau

Les problèmes posés par le pertuis de Poses

Jusqu'en 1852, date des premiers barrages et écluse à Poses, le fleuve était dans un état quasi sauvage. Seuls, quelques aménagements sommaires réalisés en 1749, 1795 et 1839, construction à l'aval de perrés* de pierre perpendiculaires aux rives, assuraient une certaine retenue d'eau pour la navigation mais renforçaient les courants ; il faut imaginer un niveau de la Seine 4 à 5 m plus bas que l'actuel à l'amont, des atterrissements, bancs de galets par exemple, une rivière avec plusieurs bras de faible profondeur et aux courants violents ; il y avait 1,40 m de dénivelé sur 3 à 4 km entre l'aval, ancienne embouchure de l'Andelle, et le Mesnil à Poses à l'amont.

Dans ces conditions la navigation dans le bras de Poses, rive gauche, était très difficile, dangereuse et longue (plusieurs heures pour franchir ce pertuis). De plus la navigation n'était possible que moins de six mois par an, à cause notamment des périodes de crue ou au contraire d'étiage, c'était donc un frein au développement du commerce, à une époque où 80 % des transports, entre Rouen et Paris, étaient assurés par voie fluviale. Ce pertuis, comme le pertuis de la Morue dans la région de Bezons, avait un impact négatif sur le commerce de l'époque.

À cela s'ajoutaient d'autres difficultés financières, en effet franchir ce pertuis était une entreprise fort onéreuse par le nombre de personnes employées et de chevaux utilisés. En particulier pour la remonte il fallait faire appel à du renfort ; aux XVIIIe et XIXe siècles, selon la catégorie du bateau, de 24 à 46 chevaux étaient nécessaires pour les bateaux montants ; la descente du fleuve n'était pas exempte de dangers, loin s'en faut. Aussi toutes ces difficultés de navigation au niveau de son pertuis rendaient-elles Poses célèbre chez les mariniers ! D'où l'idée ancienne d'aménager voire de supprimer ce pertuis.

Les solutions proposées

Pendant une soixantaine d'années, de multiples projets pour supprimer ce pertuis sont envisagés, les uns très élaborés, les autres justes ébauchés, certains parfois irréalistes. En voici quelques uns :

 
1) Dans un premier projet, on proposait d'ouvrir un canal de Portejoie à Longuemare, petite ferme sur le cours de l'Eure, et de rendre l'Eure navigable de ce point jusqu'au village des Damps où l'Eure se jetait dans la Seine.
2) Dans un deuxième projet, on proposait de rendre à la Seine sa profondeur et donc de la rendre navigable entre Portejoie et Poses.
3) Dans un troisième projet, on proposait d'ouvrir un canal partant au dessus du village de Portejoie et ayant son embouchure dans la Seine, vis-à-vis du Manoir.
Le Pertuis de Poses - Les trois premiers projets pour réduire le Pertuis
Les trois premiers projets pour réduire le Pertuis
4) Enfin diverses considérations techniques permirent d'envisager un projet de canal dans la plaine de Poses, entre le Mesnil de Poses et le Calvaire, projet présenté en 1812 par M. LESCAILLE Ingénieur en chef du Corps royal des Ponts et Chaussées.

Le projet de canal dans la plaine de Poses

Prises de décisions et avancement du projet
Le premier texte, émanant de l'État, abordant le problème du pertuis de Poses est un arrêté du comité de travaux de la Convention Nationale du 28 floréal an III (17 mai 1794) qui stipule, notamment, que « la commission des travaux publics, prendra sans délai les mesures nécessaires pour perfectionner la navigation de la Seine depuis Paris jusqu'à Rouen, principalement au passage de Poses »
Le Pertuis de Poses - Copie récente d'un arrêté du comité de travaux de la Convention Nationale 1794
Copie récente d'un arrêté du comité de travaux de la Convention Nationale 1794

Dans un mémoire remis en 1810 au chef du gouvernement lors de la visite des travaux de l'écluse de Pont-de-l'Arche par Napoléon 1er il est écrit : « … les différents travaux qu'il serait absolument indispensable d'exécuter pour éviter le passage difficile et dangereux du pertuis de Poses ».
Un décret du 24 février 1811 de sa Majesté Impériale et Royale ordonne de construire une écluse à Poses ainsi que le mentionne un arrêté du Préfet de l'Eure, en date du 14 avril 1811 qui indique : « La navigation étant extrêmement difficile dans la partie du cours de la Seine vis-à-vis le village de Poses et au dessus de ce village jusqu'à Portejoie, le Gouvernement a reconnu la nécessité d'entreprendre les travaux nécessaires pour éviter ce passage et faciliter d'autant plus la navigation qu'au moyen de ces travaux, de ceux qui sont sur le point d'être exécutés à Pont-de-l'Arche et de ceux que l'on projette de faire à Vernon, elle n'éprouvera plus que de légers obstacles pour arriver jusqu'à la capitale de l'Empire. ». S'ensuit un devis concernant les travaux à effectuer. Dans une note du 28 juin 1811 en marge du même document, il est indiqué qu'une adjudication de 139 900 F a été faite le 11 juin 1811.
Le Pertuis de Poses - Arrêté du Préfet de l'Eure du 14.04.1811
Arrêté du Préfet de l'Eure du 14.04.1811

Ci-dessous "traduction" de la lettre

6e Arrondissement du Bassin de Seine
Rivière de Seine Écluse de Poses
Département de l'Eure
Navigation Intérieure
Devis des ouvrages à faire pour les approvisionnements nécessaires pour la construction d'une écluse à sas en aval et près le village de Poses à l'embouchure d'un canal de dérivation que l'on projette d'ouvrir, afin d'éviter à la navigation les obstacles qui s'opposent à la libre circulation vis-à-vis de Poses et au dessus de ce village jusqu'à Portejoie.
Observations préliminaires
La navigation étant extrêmement difficile dans la partie du cours de la Seine située vis-à-vis le village de Poses et au dessus de ce village jusqu'à Portejoie, le Gouvernement a reconnu la nécessité d'entreprendre des travaux nécessaires pour éviter le passage et faciliter d'autant plus la navigation qu'au moyen de ces travaux, de ceux qui sont sur le point d'être exécutés à Pont-de-l'Arche et de ceux que l'on projette de faire à Vernon, elle n'éprouvera plus que de légers obstacles pour arriver jusqu'à la Capitale de l'Empire

Article 1er […]

Le Pertuis de Poses - Brochure parue en 1822 contenant le mémoire de M. DE LESCAILLE
Brochure parue en 1822 contenant le mémoire de M. DE LESCAILLE

D'après un mémoire du 20 janvier 1812, de 23 pages extrêmement complet et précis, présenté par M. DE LESCAILLE ingénieur en chef, le Conseil Général des Ponts et Chaussées a arrêté que « les ouvrages à exécuter devaient être établis sur la rive gauche de la Seine où se fait le halage au moyen d'un canal de dérivation et d'une écluse à sas destinée à racheter la chute de 1,40 m qui existe sur toute la longueur du pertuis de Poses ». 

Travaux envisagés, caractéristiques
Pour annihiler les effets du pertuis, il est projeté quatre ouvrages principaux à savoir :
– un canal en ligne droite partant du Mesnil de Poses, passant par le Calvaire de Poses et se terminant dans la Seine à l'aval de ce calvaire.
longueur totale :         4061 m
largeur :                         20 m
Les terres de déblai constitueront deux talus jouant le rôle de digues assez hautes pour mettre le canal à l'abri des inondations

– une écluse à sas destinée à racheter la chute de 1,40 m qui existe sur toute la longueur du pertuis de Poses
longueur du sas :        70,00 m
largeur du sas :            7,80 m
mouillage :                  1,75 m
– un petit pont tournant sur la tête amont de l'écluse de 1,45 m de large pour piétons et chevaux

– un pont en charpente, plus vers l'aval assurant la continuité des chemins entre Poses, Léry et le Vaudreuil
La surface totale des ouvrages couvrant 32 ha.

Coûts et devis
En 1812 nous avons des calculs approximatifs (base : écluse de Pont-de-l'Arche) 
– Estimation                                                                                       1 417 315, 00 F
– Intérêts par an 4 %                                                                                56 692, 00 F
qui seront couvert par les produits du passage des bateaux soit               57 743, 00 F
– Dépenses pour l'écluse projetée : traitements du receveur, du chef éclusier, des deux aides-éclusiers, entretien annuel, en tout                                                           10 000, 00 F


En 1813 nous avons un devis estimatif beaucoup plus précis :
– écluse à sas, pont tournant, pont charpenté, canal de dérivation       1 369 253, 08 F
– matériaux déjà approvisionnés après adjudication                               139 900, 00 F
Soit au total                                                                                         1 509 153, 08 F


En 1822 nouvelle estimation                                                                1 388 432, 00 F


Mise en œuvre
– une adjudication des travaux le 11 janvier 1811 pour 1 500 000 F
– un devis, du 14 avril 1811, des ouvrages à exécuter pour l'ouverture d'un canal de dérivation près de Poses
- avec approvisionnements nécessaires à la construction de l'écluse de Poses : 7600 m3 de moellons de la carrière de Vernon et 1890 m3 de pierre de taille de Vernon. Il semble que ces matériaux aient été amenés sur place

- avec une estimation à 1 417 315 F et versement annuel de 56 692 F couvert par les produits de passage des bateaux (c'est-à-dire péages) dans cette écluse soit 57 743 F– avec les dépenses, notamment en personnel, pour l'écluse projetée
– une lettre du Préfet du 28 mars 1812 qui ordonne l'envoi de déserteurs aux travaux de l'écluse de Poses
Le Pertuis de Poses - Lettre du Préfet du 28 mars 1812
Lettre du Préfet du 28 mars 1812

Problèmes


Bien entendu ce projet souleva quelques réticences et des problèmes apparurent inévitablement qu'on retrouve entre autre au travers :
– d'une délibération du Conseil Municipal de Poses du 27 octobre 1811 montrant l'opposition de la commune à la construction du canal pour diverses raisons, lesquelles seront réfutées aussitôt par M. DE LESCAILLE dans son mémoire.
– d'un courrier du 29 septembre 1818 portant sur l'attribution d'indemnités aux habitants du village pour entreposage sur leurs terrains, de matériaux destinés à la construction des ouvrages et qui indique donc les revendications de certains propriétaires.

Le projet était donc bien avancé comme en témoigne une quinzaine de courriers, en gros 70 pages, sur ce sujet : décret impérial, arrêtés préfectoraux, devis établis, mémoires, circulaires, lettres…
Et pourtant ce canal, malgré son report sur la carte de Cassini, ne sera jamais commencé ! 
Nous en ignorons encore les raisons. Peut-être que suite aux événements de cette époque troublée, le projet s'est révélé trop couteux ou peut-être que l'idée de construire une plus grande écluse à Amfreville-sous-les-Monts fit abandonner le projet. Il faudra attendre en effet 1850-1852 pour voir les premiers ouvrages (écluses et barrages) à Amfreville-sous-les-Monts et Poses qui supprimeront à tout jamais les inconvénients du célèbre pertuis.

 Le Pertuis de Poses - Les écluses d'Amfreville-sous-les-Monts et le barrage de Poses aujourd'hui (2011)
Les écluses d'Amfreville-sous-les-Monts et le barrage de Poses aujourd'hui (2011)

Hubert LABROUCHE

Jean-Carles EBRO



GLOSSAIRE

Le Pertuis de Poses - Allège
Allège : bateau de petite taille accompagnant les besognes et servant à vider temporairement ces dernières
Bachot (droit de) : indemnité pour conduire, grâce à une barque (le bachot) les aides du chef de pertuis à bord du bateau à haler (à Poses) 
Batelet : terme ancien désignant une barque d’assez grande taille 
Le Pertuis de Poses - Besogne ou bateau normand

Besogne ou bateau normand : bateau de bois assurant le transport des marchandises entre Paris et Rouen aux XVIIIe et XIXe siècles
Boête (droit de) ou droit de navigation : impôt recueilli dans une boîte
Bourgel (droit de) : gratification que le chef de pertuis est censé recevoir pour son fils sur la totalité des bateaux (à Poses)
Courbe : pièce de bois assurant la liaison entre cheval et bateau et où s’accroche la corde de trait, c’est aussi un couple de chevaux de rivière marchant de front
Châbliau : cordage de trait reliant le bateau aux chevaux pour le halage
Chaîne (droit de) : droit prélevé au passage de pont, de bac…
Charretier-relayeur : charretier de rivière chargé de recruter les chevaux de renfort pour le passage du pertuis
Farigaudiers : aides au chef ou maître de pertuis
Gouvernail (droit de) : droit d’escuyage ou droit de pilotage
Halage : pratique de navigation qui consiste à tirer (= haler) le bateau à partir de la berge par des hommes ou des animaux
Jettement (droit de) : droit, péage applicable aux marchandises débarquées
Levage (droit de) : taxe prélevée au passage des marchandises d’un pays dans un autre
Neuvage (droit de) : droit exigé de tout bateau neuf ou passant pour la première fois en certains points
Palage (droit de) : droit d’amarrage de courte durée sur des pieux, propriétés des riverains, afin de retenir les bateaux (péage typiquement posien)
Parage (droit de) : manœuvre payante qui consiste à empêcher les cordes des bateaux de s’arrêter aux obstacles de toute nature que présente le halage dans la traversée de Poses

Le Pertuis de Poses - Perrés
Perrés : murs, revêtements en pierres sèches qui protège un ouvrage et empêche les eaux de le dégrader ou les terres d'un talus de s'effondrer
Pertuis : endroit rétréci, à forte pente, de faible profondeur où le courant est très rapide
PK 202 : Point kilométrique 202, signifie que le lieu en question se situe à 202 km, en suivant la Seine, de l'origine qui se situe à la pointe de l'Île de la Cité à Paris
Racle : endroit du fleuve aux eaux calmes, profondes, de navigation aisée
Remorquage : pratique consistant à tirer ou remorquer un bateau non motorisé avec un bateau motorisé, un remorqueur le plus souvent
Renfort (chevaux de) : chevaux supplémentaires pour effectuer la remonte de la rivière aux endroits difficiles tels les pertuis ou les ponts
Run (chevaux de) : chevaux de rivière nécessaires pour haler les bateaux sur le parcours
« normal » du fleuve
Taraugage : manœuvre payante qu’un aide de pertuis effectue en dehors du pertuis (à Poses)
Tonlieu (droit de) : impôt perçu au profit du pouvoir souverain
Touage : système de propulsion en se halant sur une chaîne ou un câble tendu au fond de la rivière


La cathédrale de l'Andelle (la filature Levavasseur)

Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard

La cathédrale de l’Andelle


Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - La filature telle que nous la connaissons aujourd'hui
La filature telle que nous la connaissons aujourd'hui

En mars 1792 François Géroult (un architecte rouennais) achète lors de la vente des biens nationaux l’abbaye Notre Dame de Fontaine Guérard. Il construit une filature de coton sur l’Andelle. L’abbaye servira de carrière. L’historien du 19° siècle Léon Fallue déclarera plus tard que les dalles du cloitre et les pierres sépulcrales de l’abbaye servirent aux fondations et au pavage de la filature. Une filature de laine de même qu’un moulin à foulon sont également édifiés. En 1822 suite à des difficultés économiques le domaine industriel est vendu à la famille Levavasseur.

Jacques Levavasseur aménage le domaine en créant des voies de communications présageant une future vallée industrielle. Ses filatures sont prospères, les cotons employés viennent d’Amérique convoyés par ses propres navires (il en possédera jusqu’à trente dont certains utilisés à la pêche à la baleine. Un de ses tout premiers bateaux est nommé " L’Andelle "). Il décède le 20 mars 1842, son fils Charles Levavasseur devient propriétaire du domaine. Quelques mois après, presque tous les établissements sont incendiés, sans que la malveillance n’intervienne. En 1846, seuls deux filatures et un moulin à blé sont en activité. Il fait l'acquisition des terres du Marquis Dubosc de Radepont et devient propriétaire d’un domaine gigantesque qui s’étend de Radepont à Pont-Saint-Pierre en passant par Fontaine Guérard.

Charles Levavasseur entreprend de concentrer en une seule unité de production plus importante, tous ses établissements. Ce sera une usine de dimensions incomparables avec celles déjà construites sur l’Andelle.

En octobre 1855 un arrêté préfectoral autorise l’édification d’une nouvelle filature sur un emplacement correspondant à celui d’une des filatures détruites en 1844. Le projet définitivement adopté en 1857, les travaux commencent.
Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - point de vue peu habituel, à cause des arbres
point de vue peu habituel, à cause des arbres
Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - quand il n'y avait encore qu'un chemin de terre
quand il n'y avait encore qu'un chemin de terre

Le cours de l’Andelle est modifié, un bras unique, très large alimente une turbine. Les berges surélevées permettent d’obtenir une hauteur de chute de trois mètres et une réserve d’eau importante, ce qui augmente la puissance de la turbine hydraulique. (Ces modifications causent d’ailleurs des désagréments aux industriels implantés en aval, ils protesteront en vain pendant des années). Le cours normal de l’Andelle plus réduit passe sur la gauche Le bâtiment est donc implanté sur une ile. Deux routes sont aménagées, l’une venant de Pont-Saint-Pierre, l’autre de Douville.

Caractéristiques de l’édifice 

Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - L'Illustration 19 septembre 1874
L'Illustration 19 septembre 1874

La nouvelle filature dont on ne connait malheureusement pas l’architecte tenait à la fois du château et de l’abbaye médiévale. L’ensemble se composait de deux filatures, la grande et la petite, de conception assez voisine. La plus importante était en briques, 96m de long sur 26 de large, hauteur de 36m sur 4 niveaux de planchers (le dernier se trouvant sous les combles). Chaque étage avait une hauteur plafond de 4,60m excepté le rez-de chaussée (5,60m), les planchers avaient une surface utile de 2.200 mètres carrés. 
Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard

Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard
Les meilleures machines à filer de l’époque, de fabrication anglaise y seront installées On peut estimer la surface totale utile (combles comprises) à environ 10.000 mètres carrés. Le bâtiment comportait quatre tours octogonales crénelées dont trois renfermaient des escaliers hélicoïdaux et la quatrième celle du sud ouest, la cheminée des machines à vapeur. 
Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - L'intérieur d'une tour, vue d'en bas . On distingue encore les supports d'escalier
L'intérieur d'une tour, vue d'en bas. On distingue encore les supports d'escalier

L’éclairage se faisait par deux rangées de 19 baies ogivales de 18m de haut à encadrement en pierre de Vernon, closes par des vitraux blancs à losanges sertis de plomb. Chaque pignon était éclairé par trois autres baies surmontées d’une rosace. Les quatre planchers du bâtiment étaient en bois, portés par des poteaux en bois de 20 cm de section, reposant sur des dés de pierre de 40 cm de coté, lesquels délimitaient 19 travées longitudinales et cinq travées transversales. Il est surprenant de constater que pour cette édifice extrêmement moderne, on ait fait un emploi exclusif de bois alors que la fonte et le fer étaient utilisés depuis une quinzaine d’années en Angleterre dans le cadre du procédé dit « fire proof » (résistant au feu).

Un remarquable dispositif moteur couplant force hydraulique et vapeur est installé : une turbine de 200CV et deux machines à vapeur de 160 CV.

D’autres bâtiments sont aussi édifiés, pour les services administratifs et le stockage et un autre pour humidifier les textiles. Au bout de l’ile se dresse la maison du directeur où l’on contrôle, comme sur le pont-levis d’un château fort, les entrées et sorties des hommes et des marchandises.

Charles Levavasseur n’a pas oublié les ouvriers, qui bénéficient d’une petite cité ouvrière, à une centaine de mètres de l’usine. Mais son architecture est très loin d’égaler celle des filatures…

La filature entre en pleine activité dès 1860, 300 personnes y travailleront avec un maximum de 60.000 broches (les tringles en métal qui reçoivent la bobine de fil). Les autres usines sont équipées en général de 3000 broches au maximum). L’établissement file chaque jour 3 à 4 tonnes de coton. Celui-ci arrive à Rouen en balles carrées de 1,20 m de coté et 280 kg, sur des bateaux en provenance des Etats Unis. Puis les balles sont acheminées en train à Pont-Saint-Pierre ou les chariots de la filature viennent les chercher.
L’empereur Napoléon III aurait rendu visite à Charles Levavasseur et aurait pénétré dans l’usine à bord de son carrosse.

Suite à des problèmes d’approvisionnement du coton en provenance des Etats-Unis (guerre de Sécession depuis 1861) et la concurrence avec les produits anglais, le baron doit réduire le nombre de broches prévu à l’origine et mettre au chômage une partie de ses employés. Lorsque les combats cessent en 1865, l’approvisionnement reprend mais la main-d’œuvre a disparu, attirée pas d’autres secteurs d’industrie. Il n'y aura plus que 155 salariés.

L’incendie du 23 aout 1874

Extrait du récit paru dansFilature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - incendie 1874 L'Illustration
Extrait du récit paru dans L'Illustration

Ce fut un évènement national, comme en témoigne cet article de l'Illustration.

Le Journal de Rouen et le Courrier de l’Eure ont évidemment couvert l'évènement :
"Le spectacle offert par l’incendie était d’une inénarrable grandeur, par les fenêtres ogivales s’élançaient des jets de flammes et de fumée. Par la grande porte donnant sur les machines, un véritable torrent de feu, ayant renversé tous les obstacles s’opposant à son passage, ayant consumé en dix minutes une double porte en chêne extrêmement solide, se précipitait sur le bâtiment voisin. Les deux pompes de l’établissement furent mises en batterie ; mais les flammes avaient déjà gagné toute la surface de la filature. Vers onze heures et demie, un bruit épouvantable se fit entendre ; c’étaient les planchers des quatre étages qui s’abimaient avec leurs métiers jusqu’au rez-de-chaussée. A 13h 30 il ne restait plus que les murs et les morceaux de ferrailles tordues sous l’action du feu.
Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - 1874 Gravure de la filature après l'incendie ( L'Illustration)
Gravure de la filature après l'incendie (L'Illustration)

Personne ne se souvient dans le pays d’avoir vu pareil incendie. Sur un vaste périmètre, on ne pouvait séjourner autour du foyer principal tellement la chaleur était intense. A 400m de là, près de l’église de Douville on ne pouvait tourner la face du coté de Radepont. A Pitres, Amfreville sous les Monts, au Plessis, l’on voyait sur les routes de gros charbons à peine éteints, à demi-noircis, que la violence de l’incendie de Radepont avait projeté jusque là.

L’établissement n’était pas entièrement assuré, seule la filature avait été l’objet d’un contrat. Le risque couvert s’élève à 1.528.500 francs, les pertes réelles sont évaluées à 4 millions de francs environ. "

La grande filature n’existe plus.

A la fin du 19ème et début 20ème

            En 1894, Arthur Levavasseur reprenant les affaires de son père décide de restaurer la petite filature et installe les machines et installations nécessaires au filage.
Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - La salle des machines
La salle des machines

L’activité reprend, mais à moindre échelle.
En 1913, le feu se déclare à nouveau, les bâtiments sont réparés et l’exploitation de poursuit.
Dans les années 1920, à l’abandon de la machine à vapeur, une petite centrale hydro-électrique est installée dans un bâtiment (qui existe toujours) en béton armé de style art-déco comprenant une verrière en toiture.
Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - Le moteur diesel (coll. personnelle)
Le moteur diesel (coll. personnelle)

La motricité de l’usine s’effectuera au moyen de moteurs diesels installés dans le nouveau bâtiment. Des courroies assurent la transmission vers les machines.
Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - Le mouvement arrive aux machines par des courroies
Le mouvement arrive aux machines par des courroies

Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - Batteuse Howard et Bullough, où les balles de coton sont ouvertes et battues pour en retirer les corps étrangers
Batteuse Howard et Bullough, où les balles de coton sont ouvertes et battues pour en retirer les corps étrangers 

Arthur Levavasseur décède en 1923. Lui succèdent d’abord Jacques puis Bernard Levavasseur. Il prend la tête de l’usine juste avant la seconde guerre mondiale, pas pour longtemps, car dans la nuit du 16 au 17 décembre 1946 un nouvel incendie détruit entièrement la petite filature.

L'incendie de 1946 : la fin

Cet incendie ne fait qu'aggraver les difficultés économiques liées à la crise cotonnière après la seconde guerre mondiale et met fin à l'activité industrielle. Vers les années 1960 Bernard Levavasseur se sépare du domaine par morceaux. Seule une puissante turbine hydraulique que le propriétaire venait d’acquérir est installée et peut ainsi fournir du courant à l’EDF avec la chute d’eau de la rivière. Cette turbine demeure aujourd’hui le seul élément actif de l'ancienne filature.

En septembre 1995 l’EPBS (Etablissement Public de la Basse Seine ) se porte acquéreur pour 300.000 F de la « grande » et « petite » filature et la Régie Municipale d’Electricité d’Elbeuf exploite la centrale.
Ce sont 3,8 millions de francs (investissement supporté par la région Haute-Normandie, l’Etat, des fonds européens et bien sur l’EPBS) qui seront nécessaires pour consolider le haut des tours et des murs, et traiter la végétation pour qu’elle ne mette pas les restes du bâtiment en péril.

En 2000 le Conseil Général de l’Eure en devient propriétaire. Des projets de mise en valeur patrimoniale sont depuis longtemps à l’étude pour en faire un lieu de mémoire et de culture.


Philippe Levacher




Sources : 

La vie du collectionneur
Mémoire de JM Fabri - P Philippe
M.Grandvoinnet in Bulletin municipal de Pont-Saint-Pierre n° 8, 1992
Plaquette de M. Delaporte
Paris-Normandie
Journal de Rouen
Courrier de l’Eure
Photos personnelles

***** 


Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard incendie 1946
Paris-Normandie 18 décembre 1946

Le dernier incendie de 1946, après ceux de 1874 et de 1913 met définitivement fin à l'existence de la filature en tant qu'usine. Elle ne subsiste plus qu'en tant que monument, mémoire de l'époque de la splendeur du "roi coton".

Les incendies célèbres de filatures.
A côté des usines à gaz, des usines chimiques ou des poudreries, les usines textiles notamment les filatures qui sont au cœur des débuts de l’industrialisation sont celles qui brûlent le plus fréquemment.
De 1800 à 1870, on recense 14 incendies dans l'Eure, et plus de 100 en Seine-Inférieure.
Construite en 1843 à Roubaix, une filature de coton de cinq étages, dite "l’usine monstre", est ravagée par un incendie dès l’année suivante, est ensuite reconstruite puis incendiée à plusieurs reprises.

Une filature de laine d’Elbeuf, de cent mètres de long, inaugurée l’année précédente, brûle en 1855.

A Mulhouse, l’incendie en 1867 de la filature dite de la porte du Miroir, fondée en 1826 et l’une des plus importantes en France, détruit presque totalement les ateliers et les machines, mettant plus de 50 000 broches hors d’usage.


***** 


Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - Le personnel de la filature en 1933
Le personnel de la filature en 1933

Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - Personnel des bureaux et contremaitres :   de gauche à droite : Campion, Petit, Gallo, Hague, Campion, Cavelier, Delalonde, Ferlat
Personnel des bureaux et contremaitres : de gauche à droite : Campion, Petit, Gallo, Hague, Campion, Cavelier, Delalonde, Ferlat

Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - Ouvriers d'entretien de l'usine et de la cour : Damien, Tougard, Bertin,Asseline,Devallois, Lesueur ( concierge ) Darré, Dépinay, Bourgoin ....
Ouvriers d'entretien de l'usine et de la cour : Damien, Tougard, Bertin, Asseline, Devallois, Lesueur (concierge), Darré, Dépinay, Bourgoin ....

Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - L'entrée de la filature côté Douville
L'entrée de la filature côté Douville

Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - La maison du directeur, entrée par laquelle passaient  la plupart des ouvrières
La maison du directeur, entrée par laquelle passaient la plupart des ouvrières

***** 


Une jeune ouvrière

Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - Lucie Potel
Lucie Potel, à droite, entre à la filature en 1933. Elle a 12 ans. Avant, elle aidait ses parents à fabriquer des balais de bouleau, et n’a pas eu la chance d’aller à l’école. Mais un jour un camion, qui prend la fuite, renverse la carriole tirée par un poney avec laquelle ses parents faisaient la récolte des peaux de lapin, et ils meurent dans l’accident. Il va bien falloir que les huit enfants se nourrissent. Les orphelins sont logés dans une maison appartenant à la filature.

Après une année d'apprentissage, Lucie devient bobineuse. Son travail, c’est, toutes les deux heures environ, de lever les bobines pleines et de les remplacer par des vides. Elle est encore si petite que l'on est obligé de poser une sorte d'estrade devant son métier pour qu'elle puisse travailler. Elle marche 45 minutes environ, avec deux de ses sœurs pour se rendre au travail dès 7h le matin, fait une pause à midi pour manger un œuf sur l'herbe, s'arrête à 18 heures après dix heures de travail, n'a évidemment pas de vacances, mais dit en résumé aujourd'hui : « on avait chacun son métier, c'était la belle vie ».

Elle reconnaît néanmoins qu'entre le bruit des machines, la poussière de coton qui voltige partout, le danger des courroies qui risquent de vous happer, le travail était souvent pénible, surtout en été du fait de la chaleur. Elle est payée à la tâche : il faut donc maintenir une vitesse de rotation de la bobine assez élevée et surtout se dépêcher de raccrocher les fils qui cassent. Or elle doit conduire un métier de plus d'une centaine de bobines, sur les deux bords. Mais elle aimait bien, dit-elle, remettre les fils, et les voir repartir sur la bobine …

témoignage recueilli auprès de Lucie Potel, âgée aujourd'hui de 94 ans



Le travail à la filature

Filature Levavasseur sur l'Andelle - Fontaine-Guérard - Sources:  hors-série de la Vie du Collectionneur 1994
Sources: hors-série de la Vie du Collectionneur 1994