1 octobre 2017

Les industries de Charleval


Charleval - L'usine Peynaud, avec les constructions successives.

Les industries de la Vallée de l’Andelle (suite) 


Charleval Andelle UsinesVoici la suite de l'article commencé dans notre numéro 7 sur les industries de Charleval et des communes avoisinantes.
Nous remontons maintenant l'Andelle juste au-dessus de Charleval.

La Tannebrune

Sous les bois de la Tannebrune s'étendait au XVIIIème un marais inaccessible, rempli de glaïeuls, joncs et roseaux, que le marquis Frémont d'Auneuil avait fait assécher pour le transformer en prairie. L'emplacement offrait une chute d'eau de plus d'un mètre, largement suffisante pour mouvoir le moulin à draps et le moulin à blé qu'il envisageait d'y implanter. Après il y installa une mécanique à filer le coton.

Pour les besoins du flottage des bois descendant de la forêt de Lyons, à l'amont de ses ouvrages, il établit un râtelier et deux vannes qu'on levait pendant le passage des bûches.
En même temps il construisit un second moulin destiné à moudre du blé, appelé moulin Mirouët mais omit de faire la pétition réglementaire si bien qu'un arrêté du préfet le mit en demeure d'enlever dans les 24 heures la roue qu'il venait de mettre en marche. Il renonça alors à ses entreprises, céda le moulin Mirouët à un meunier et la filature à Jacques Michel Sébastien Neuville.
Charleval Andelle Usines

Né en 1767 d'un père toilier, Neuville avait épousé, à l'âge de 19 ans, une veuve de trente ans, ce qui lui permit de s'installer, dès 1796, comme fabricant sur les Petites Eaux au faubourg de Martainville, à Rouen, puis d'acquérir en 1809 la filature de la Tannebrune. Elle n'était équipée que d'un seul métier mais connut un rapide essor puisque, en 1812, elle en mettait en mouvement huit, dont six mule-jennys, machines à filer à énergie hydraulique inventées en Angleterre en 1779, et traitait annuellement 9600 kg de coton, en employant une centaine d'ouvriers.
Une mule-jenny
Une mule-jenny

Après la mort de Jacques Neuville, ses enfants ne s'entendent pas et, la filature passe entre les mains de Pierre Etienne Dutuit, négociant à Rouen, déjà propriétaire des filatures Saint Pierre et Saint Paul à Radepont.
Afin d'accroître la puissance du moteur hydraulique, Eugène Dutuit, successeur d'Étienne, étend son emprise sur les rives de l'Andelle, 240 mètres à droite et 110 à gauche, par suite de l'acquisition de la propriété de Montlambert. De plus, comme le moulin Mirouët a cessé son activité, il passe une convention qui lui permet de reporter sur la filature tout le volume d'eau désormais inutilisé par le moulin à blé.
Ainsi, l'usine pourvue de moyens de production accrus disposait de 8640 broches. Malheureusement, au début de l'année 1868, elle dut fermer et resta en chômage pendant la guerre de 1870.
Elle est rachetée en août 1871 par la société Daliphard-Dessaint Frères, manufacture d'impression sur étoffe, qui avait son siège à Radepont.

Le Pont d'Andelle

Charleval Moulins Pont de l'Andelle
A : grand moulin à foulon
B : petit moulin à foulon
C : moulin à blé
P : usine en projet
d : vanne de flottage
d' : vanne de décharge
v : vanne de tête du canal d'irrigation
r: repère

Après avoir acquis les trois moulins qui existaient déjà, Jean Chardon (voir bulletin n°7) se proposait d'ouvrir un nouveau canal sur la rive gauche pour y placer deux moulins à foulons supplémentaires. Ce canal devait emprunter en partie un canal d'irrigation dont la vanne de tête serait reportée en aval.
Comme l'instruction de sa demande se prolongeait, Chardon avait commencé et achevé les travaux. Il se borna à ne construire dans l'immédiat qu'un seul établissement à usage de filature au lieu des moulins à foulon prévus.
Or il n'avait pas suivi son plan initial, il avait reporté vers le Pont d'Andelle l'embouchure du bras flottable de la Lieure et, à partir de l'ancien confluent, il avait creusé le nouveau canal de dérivation. Il avait comblé la partie supérieure du fossé et avait reporté la vanne (v) près de la vanne lançoire de sa nouvelle usine.

De plus il avait établi en aval un troisième moulin qu'il a utilisé comme batte à indiennes sans se soucier d'autorisation.

En 1825, par jugement d'adjudication, Charles Marin Hommais acquiert les établissements de Jean Chardon. Aussitôt il renouvelle les demandes en autorisation de la filature d'une part et de la batte à indienne d'autre part. Les propriétaires situés à l'amont du Pont d'Andelle exigent la construction d'un déversoir près des vannes de flottage pour éviter les variations de hauteur d'eau qu'ils constatent journellement. Le maire appuie leur réclamation car les eaux, lorsqu'elles dépassent le niveau du repère, nuisent considérablement au pont. Ils obtiennent satisfaction en 1835.
Charleval Moulins Pont de l'Andelle

Des roues élargies
En 1847, le moulin à blé ne marchait plus, ni le petit moulin à foulon, le grand avait été remplacé par une filature louée à Marchandon ; quant à la filature construite en 1822, elle était exploitée par Louis Grancher et la roue de cette usine venait d'être déplacée pour être portée de 1,50 m à 4,75 m de large. La batte à indienne avait été remplacée par un moulin à foulon ; une seconde roue avait été ajoutée pour entraîner les sept piles du moulin, plus une dégraisseuse.
Charleval Moulins Pont de l'Andelle Château Blanc
Château Blanc

Pour atteindre cet accroissement de puissance Hommais a demandé un exhaussement du repère d'environ 20 centimètres, mais l'opposition des riverains provoque la visite de l'ingénieur Fontanges qui l'autorise à effectuer les changements qu'il voulait aux roues de ses établissements mais rejette sa demande d'exhaussement du repère.
Un repère fut posé en 1856, rapporté à 1,90 mètre en contrebas du seuil de la maison d'habitation que Hommais avait fait construire et qui, par la suite, fut nommé “le château Blanc”. Pour agrémenter le parc qui l'entourait, ils ont conservé deux boucles de la rivière dont ils avaient rectifié le cours.

Le Paviot

Charleval Le Paviot

Alexandre de Montlambert, domicilié à Rouen, avait acquis une vaste étendue de prairie, arrosée par l'Andelle entre Paviot et Transières. A l'extrémité de cette parcelle dite « les Dix Acres », il avait implanté un tissage mécanique Ce site a conservé jusqu'à nos jours son premier aspect. Un pont y donne accès depuis la route de Charleval à Vascœuil.

Transières

Transières a été rattachée à Charleval en 1809. Un pont franchissant l'Andelle y donnait accès à partir de la route de Vascœuil.
Charleval Transières

La propriété acquise par Michel, Jean et Étienne Hilzinger commençait, sur la rive droite, à 160 mètres de la roue de l'usine du Paviot et, sur la rive gauche, à 350 mètres de cette même roue ; ainsi à partir de ce point ils disposaient des deux rives de l'Andelle jusqu'au pont de Transières. Ils formèrent le projet de créer un établissement de tissage à peu près à l'emplacement pour lequel Alexandre de Montlambert avait obtenu l'ordonnance de 1840.
Charleval Transières - L'usine et le déversoir construits par Hilzinger
L'usine et le déversoir construits par Hilzinger. Le long bâtiment à toit en dents de scie (sheds) fut ajouté par la suite ainsi que la passerelle d'accès. Le petit édifice sur la rivière abritait la turbine.

De son vivant, Etienne Hilzinger s'est associé son fils Albert, qui lui a succédé à sa mort en 1892, puis a cédé l'entreprise à la société Fahr, Deglatigny et Cie. Les successeurs, Campart et Degramont, ont dû se résigner à fermer l’usine de tissage, victime de la crise du textile après la seconde guerre mondiale. En 1960, la société anonyme Mesnel, créée en 1926 à Colombes, spécialisée dans la fabrication de caoutchouc industriel, a repris les locaux délaissés par le tissage.

Le Pont des Jardins, le Pont d'Andelle

Edmond Marie et Adolphe Louis Peynaud, originaires de Saint-Malo, qui avaient déjà fait leur preuve comme locataires de la filature des Jumelles à Fleury sur Andelle, achètent l'usine de Viel en 1845.
L'usine fut successivement agrandie en 1858 et 1863 pour introduire des métiers à filer en attendant la nouvelle construction en 1876 spécialement adaptée au tissage plus à l'est sur le canal de la Bonde.
Edmond Peynaud, à qui son frère avait cédé ses droits en 1861, a dirigé l'entreprise jusqu'à son décès en 1871.
Charleval - L'usine Peynaud, avec les constructions successives.
L'usine Peynaud, avec les constructions successives.

Les grèves de 1863

Le 12 juin 1863, les femmes employées au tissage cessent le travail. On dénombre 300 grévistes dans la vallée de l'Andelle.
A cause de la guerre de Sécession, le coton américain se raréfiait sur les marchés européens et les filateurs s'appliquèrent à modifier leurs broches pour utiliser des cotons provenant de l'Inde mais les filés obtenus étaient moins résistants et provoquaient des rattaches plus fréquentes. Dans ces conditions, la pratique du doublage devint insupportable. En conséquence, beaucoup d'ouvrières renonçaient à prendre leur temps de repos, préférant déjeuner sur place d'un quignon de pain exposé à la poussière afin de continuer à surveiller elles-mêmes leurs métiers tout en mangeant. Il leur arrivait de prolonger le travail au-delà des douze heures réglementaires pour gagner un salaire complet. A ce régime elles furent vite exténuées.
Le doublage
Pour éviter l'arrêt des métiers pendant la pause de midi, une ouvrière devait surveiller, en plus des siens, les métiers d'une compagne qui prenait son repas. Le surcroît de fatigue atténuait la vigilance et les malfaçons se multipliaient. A cause des amendes pour chaque défaut constaté, les salaires se trouvaient réduits d'autant.
Edmond Peynaud fut le premier des industriels de la vallée à se rendre compte de l'inhumanité du système et il prit la décision de l'abolir dans ses ateliers.
Charleval Le château du Pont des Jardins
Le château du Pont des Jardins

A la mort de son père Edmond, Armand prend sa succession. Il épouse, en 1880, Cécile Grancher, héritière des usines du Pont d'Andelle menacées de fermeture, les ressuscite et constitue par fusion avec ses propres établissements un remarquable ensemble industriel consacré au textile qu'il a su diriger avec compétence. Il résidait au Château du Pont des Jardins construit à proximité.
Élu maire de Charleval en 1876, puis conseiller général, il fut ensuite reconduit dans ces fonctions jusqu'à sa mort en 1912. Les jugements différent sur sa personnalité.
Ses idées monarchistes l'ont opposé au comité républicain, ainsi un membre du comité cantonal déclare : "Ce maire réactionnaire ne se gêne pas pour manifester son mépris des institutions républicaines, en disant à haute voix, tout en désignant le buste de la République : "chaque fois que j'entre ici (à la mairie) il me prend toujours l'envie de flanquer cela par la fenêtre ".
Le comité lui a en outre reproché d'avoir mis à la porte de son établissement deux ouvriers sérieux ainsi que leurs épouses en leur faisant dire par un commis: " il en sera de même pour tous ceux qui feront partie du comité républicain".
Charleval Obsèques de M.Peynaud

Par contre, Louis Passy, député de l'Eure, lui rend un bel hommage dans son éloge funèbre :
"Dans notre vallée d'Andelle, j'ai vu se succéder deux hommes de caractère et conduite différents...
Pouyer-Quertier avait une éloquence brillante, un grand cœur, une belle intelligence mais il avait dans la pratique des affaires les défauts de ses qualités...
Peynaud, tout au contraire, patient, persévérant, calculateur, n'aimait pas se livrer au hasard des spéculations et visait à des opérations sûres, à des profits certains. L'un a passé dans notre vallée comme un brillant météore que nous avons tous admiré, l'autre y est demeuré jusqu'à son dernier jour, conducteur réfléchi de sa destinée et de celle des autres et nous en avons profité. Son plus grand mérite peut-être est d'avoir compris que l'industrie est une machine que le temps use et désorganise et qu'elle doit être toujours tenue au courant de la science moderne…"
Le 13 décembre 1939 fut créée la société des « Anciens établissements PEYNAUD » qui a repris les usines du pont des Jardins et celles du Pont d'Andelle, équipées ensemble de 16 816 broches à filer et de 512 métiers à tisser. Les principaux associés, Louis, Jules et Jacques Réquillart, originaires de la région de Tourcoing, ont réalisé cet investissement par crainte qu'au cours de la guerre qui commençait dans la région du Nord soit le théâtre d'opérations militaires ou soit occupée (cela avait été le cas en 1914-18).


SUR LA LIEURE

L'usine de casquettes

Nés tous deux à Charleval, Charles Victor et Henri Elphège, d'une famille de marchands bouchers, louent l'ancienne fabrique d'indiennes, en mauvais état après l'incendie de 1847, pour y monter une affaire de confection de casquettes et chapeaux.
Charleval Quesney Frères Casquettes

Le renom de la marque passe les frontières. La participation à diverses expositions depuis 1873 lui avait valu plusieurs récompenses, dont la médaille d'or à Anvers en 1885. Une machine à vapeur vient compléter l'hydraulique.
Le décès d'Henri Quesney, en 1900, provoque la dissolution de la société et Charles décide de conserver l'établissement, confiant l'exploitation de l'usine à Henri Dézéraud. La prospérité de l'établissement continue à s'affirmer par la participation aux expositions dans les capitales européennes et jusqu'aux Etats-Unis.
Charleval Quesney Frères Casquettes

Après la mort de Charles en 1910, l'entreprise doit s'adapter pendant la guerre 14-18, et produit des toiles de tente pour l'armée.
Reprise après la guerre par J. Ladsous, elle n'a pu résister ni à la crise de 1929, ni aux caprices de la mode. Elle a changé plusieurs fois de propriétaire, successivement Gamar, Meynent et Ricci, puis la commune a repris le site en 1955 pour le lotir en 11 parcelles.
Charleval Quesney Frères Casquettes
La manufacture de casquettes

La Bove

Charleval La Bove

A la Bove, la fermeture de la fabrique d'indiennes a également imposé une reconversion, dans le dégraissage des draps, puis elle fut louée à Ambroise Isidore Blot, charpentier à Ménesqueville, qui finira par l'acheter en 1890. Il transmet l'entreprise à son fils unique, Édouard Ambroise, qui se présentait comme charpentier, mécanicien constructeur, et qui fut maire de Charleval de 1925 à 1945.

Le moulin de la Halle

Le moulin de la Halle, en ruine depuis l'incendie de la filature qu'il abritait, fut racheté en 1888 par Lucien Charles Crespin, domicilié à Ménesqueville, qui rendit le site à son premier usage (c'était autrefois un moulin banal) en y édifiant une minoterie dont il confia l'exploitation à son fils Gabriel, qui loua en 1895 le moulin de l'Église voisin.
Charleval Moulin de la Halle Moulin de l'Eglise

Il équipa les deux moulins de turbines hydrauliques à axe vertical, d'un rendement supérieur à celui des roues ordinaires. Leur fonctionnement simultané provoquait, en période de sécheresse, un abaissement excessif des eaux dans le bief qui reliait les deux usines.
Il était alors impossible d'utiliser les lavoirs ou de puiser de l'eau. L'ingénieur, au cours de sa visite, constate le montage correct des turbines et il note que l'équipement du moulin de l'Église est conforme aux prescriptions. En réalité, Crespin est lui aussi victime de l'irrégularité des eaux. En ces années 1896 et 1897, aux étés particulièrement secs, le débit de la Lieure, qui est normalement de 800 à 900 litres par seconde, s'est abaissé à moins de 600 litres. Pour remédier à ces inconvénients Crespin a fait installer des flotteurs régulateurs à ses moulins; de tels appareils coûteux agissent sur la vanne lançoire pour procurer une force constante de manière à conserver au moteur une vitesse uniforme, ce qui est essentiel pour faire un bon travail de mouture mais ils sont sans effet sur le maintien du plan d'eau, selon l'ingénieur, en désaccord sur ce point avec le minotier qui prétendait le contraire.
Lucien Crespin, son fils, lui succède, jusqu'à son décès en 1958, suivi Étienne, un neveu, avant sa vente à la SOFIC (Société Foncière et Immobilière de Charleval) qui l'a aussitôt cédé à la société LIR Lefébure Industries Réunies) spécialisée dans le flaconnage.

Le moulin du Hom

Au Hom, Adjutor de Fontenay, cultivateur à Ecouis, avait fondé en 1809 un moulin à blé. En 1823, alors domicilié à Marcouville, il lui adjoint un moulin à papier. Les deux moulins ont tourné simultanément pendant quelque temps, puis le plus ancien fut abandonné et sa prise d'eau servit alors de canal de décharge, après démontage de la roue. Les deux bâtiments furent réunis de sorte que le canal passait sous le plancher et l'on en revint uniquement à moudre du blé. En 1898, il devint une minoterie, fonctionnant jusqu'en 1977.
Charleval Moulin du Hom

Le site fut acquis en 1983 par l'Établissement Public de la Basse Seine qui a cédé, en 1987, à la commune, les deux maisons d'habitation, dont elle a entrepris la rénovation, et le vieux moulin dont l'état de délabrement semblait interdire toute réhabilitation.


L'USINE A GAZ

Cette usine qui n'avait pas besoin de force hydraulique échappait à la contrainte de s'installer au bord de la rivière. En revanche le caractère insalubre de sa production imposait le choix d'un site éloigné des habitations.
Charleval Usine à gaz

Charles Géorgi, ingénieur domicilié à Paris, demande en 1881 à établir une usine pour la Compagnie du gaz de la vallée de l'Andelle, sur un terrain situé à la Bellevue.
Quand les travaux commencent, le vicomte d'Onsombray dont la propriété était proche du chantier, constate alors qu'un gazomètre est en construction au-delà de la sente, sur le territoire de Fleury, car, au cours des travaux, l'ingénieur avait modifié son plan.
Dans ces conditions, avec trois gazomètres, l'usine toucherait presque à l'habitation que le vicomte venait de faire bâtir, ce qui la déprécierait. Il obtient qu'on en revienne au premier plan, en partie grâce à l'intervention de Pouyer-Quertier.

Le fonctionnement de l'usine
La salle de distillation abritait 35 cornues chauffées par des fours. Dans la salle d'étendage, le gaz passait dans une matière épurante constituée de copeaux de bois. Le troisième bâtiment, où s'achevait l'épuration du gaz, comportait les régulateurs et le compteur de production. Enfin le gaz était stocké dans le gazomètre. En 1888, un contremaître et deux ouvriers, travaillant douze heures par jour, assuraient la production continue. Ils gagnaient le premier 6 francs par jour, les deux autres 3 francs pour le service de jour et 4 francs pour la nuit.
Les conditions de travail étaient pénibles à cause des émanations de gaz et de la poussière de charbon.
La distribution se faisait par une canalisation principale, depuis Transières jusqu'à l'hôtel Tournebride à Romilly. Chacune des six communes du réseau était desservie par une canalisation secondaire où se greffaient les branchements des abonnés. Ces conduites réalisées en tuyaux que l'ancienneté avait rendus défectueux nécessitaient de coûteux travaux d'entretien. (Renseignements fournis par M. Raymond Colas, ancien chauffeur de l'usine à gaz.)

Difficultés et fermeture
Depuis le traité de concession passé le 21 juillet 1881, la société Lyonnaise des Eaux et de l'Éclairage assumait l'exploitation.
De 1940 à 1944, les tarifs avaient été limités par la réglementation des prix si bien que l'usine travaillait à perte et en février 1944, elle dut interrompre son activité par manque de charbon. A la fin de l'année 1945, l'usine reprend une activité normale mais la Lyonnaise demande 1 300 000 francs à titre d'indemnité pour le déficit subi depuis 1940 par suite de circonstances non prévues dans le contrat de concession, et les six communes desservies décident de constituer un syndicat intercommunal pour assurer la défense de leurs intérêts. Toutefois l'affaire n'eut pas de suite du fait de la nationalisation de l'électricité et du gaz en 1946.
Charleval Usine à gaz en 1906
L'usine en 1906

Mais Gaz de France demande à son tour réparation des charges "extra-contractuelles" subies dans l'exploitation de l'usine, ce qui ressuscite le syndicat intercommunal. Le déficit atteint 4 546 742 francs en 1952, et GDF préconise de substituer l'air propané au gaz de ville.
Chaque commune est invitée à contracter un emprunt pour une somme fixée au prorata de sa consommation. Toutefois GDF prend l'engagement formel d'assurer la totalité des annuités, dès leur mise en recouvrement, si bien qu'à aucun moment le budget communal n'aurait à en supporter la charge. Les maires acceptent aussitôt cet arrangement et le préfet, par arrêté du 9 novembre 1953 accorde l'autorisation d'établir sur le terrain de l'usine les réservoirs de stockage de propane liquide.
Quatre années passent sans que rien ne soit fait, si ce n'est que le déficit atteint 8 millions en 1957. Dans ces conditions, GDF ayant renoncé au projet de propanisation, décide la fermeture définitive de l'usine de Charleval à partir du 31 mai 1958.

DOCUMENTATION

Archives Départementales de l'Eure
Archives Départementales de Seine Maritime
Archives Municipales de Rouen
Archives Nationales
CHASSAGNE Serge « Le coton et ses patrons » - Paris 1991
État Civil de Charleval - registres paroissiaux: baptêmes: 17 avril, 25 août et 24 novembre 1720
J.VIDALENC « Quelques témoignages sur le pays de Lyons et la vallée de l'Andelle " in ETUDES NORMANDES, n°2 1980
FOHLEN Claude « l'industrie textile au temps du second Empire » - Plon


Robert Taupin



Cet article résume 25 pages d'un travail que vous pouvez vous procurer auprès de notre association, de l'auteur, ou de la mairie de Charleval.


Quelques rues de Romilly

Romilly sur Andelle

ROMILLY : QUELQUES NOMS DE RUES


Rue Blingue et rue des claques

Le mot "blingue" remonte au XIIIe siècle sous la forme bélingue.
Il y a deux explications possibles, la première venant de blin, variante de "belin", bélier; c'est aussi le nom du mouton dans le Roman de Renart. Ce mot viendrait lui-même du néerlandais "bel", cloche, le bélier portant la cloche en tête du troupeau. La deuxième serait le mot beling, de biais d'où quelque chose comme rue traversière ce qui correspond bien au fait que la rue traverse complètement Romilly en venant de Pîtres et allant à Pont-Saint-Pierre.
Au XIXe siècle, la portion de la rue blingue qui va du Tournebride au calvaire (en face de l'ancienne Maison des jeunes) était souvent appelée rue des claques. Il ne faut pas imaginer du tout qu'on y trouvait des maisons de tolérance, mais c'est qu'à l'époque il y avait à cet endroit un ensemble de maisons construites pour loger les ouvriers de la fonderie, qui travaillaient toute la journée dans une chaleur torride et avaient tendance à boire plus qu'il ne fallait, et pas que de l'eau, pour s'humecter le gosier. On disait que quand ils rentraient chez eux ils pouvaient avoir la main leste, d'où le nom de la rue.
rue Blingue Romilly sur Andelle

Rue de la planquette

Le nom vient de la planche qui faisait office de pont de bois sur un bras dans l'Andelle. Le mot planche lui-même vient du latin palanca

La rue Marbeuf

Pierre de Marbeuf

Entre la rue Blingue et la rue de la planquette, marquant la limite entre Pont-Saint-Pierre et Romilly, il y a une toute petite rue qui s'appelle rue Marbeuf.
Pierre de Marbeuf (1596 1645), poète du XVIIe siècle est surtout connu pour son sonnet À Philis, qui associe avec virtuosité le thème de l'eau à celui de l'amour.

Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer, L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer, Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage, Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer, Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer, Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage....
Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.



Pierre de Marbeuf, écuyer, né à Sahurs, portait les titres de sieur de Sahurs et d'Ymare et a exercé la charge de "maître particulier des eaux-et-forêts en la vicomté du Pont-de-l'Arche". Tout ceci nous rapproche, certes, de Romilly, mais ne nous explique pas complètement pourquoi, ni quand, ce nom a été choisi.


Jean Barette




Le monument aux morts de Pîtres

Monument aux morts de Pîtres


Le monument aux morts de Pîtres.


Bernadette Hélouin, qui était secrétaire de notre association, nous a quittés cet été, emportée par un cancer. Son engagement pour notre association et son dynamisme vont nous manquer. Dans ce numéro nous publions le dernier article qu'elle nous a laissé.

Le 11 novembre 1918, dans toutes les communes, les cloches sonnent annonçant la fin de la grande guerre. Si chacun se réjouit de voir que ce qui ne devait pas durer s’achève enfin, leur joie est brève car durant ces 4 interminables années chaque famille a payé son tribut. En effet, sur une population de 40 millions d’habitants, un million et demi n’est pas revenu des combats et plus de 3,4 millions de soldats sont blessés ou mutilés. A Pîtres, 50 habitants ont trouvé la mort sur les champs de bataille.
Rapidement chaque survivant éprouve le besoin d’un hommage collectif car tous sont concernés et devant l’ampleur d’un tel traumatisme ne peuvent assumer seuls le devoir de mémoire.
C’est ce qui incite chaque commune à envisager l’édifice d’un monument dédié aux absents. Combien sont-ils, comment ont-ils été financés, à quoi ressemblent-ils, où sont-ils implantés ? C’est en s’appuyant sur l’étude du monument aux morts de Pîtres que nous allons tenter de comprendre l’apparition de ces nouveaux lieux d’histoire, de mémoire et de recueillement.

Monuments historiques et éléments du patrimoine, de l’obélisque de Louxor aux monuments aux morts en passant par l’Arc de Triomphe ou la Porte de Brandebourg, de tous temps des monuments ont été érigés après chaque bataille ou chaque guerre. Ils étaient plutôt destinés à la commémoration de victoires militaires et ne comportaient pas les noms de chaque soldat mais ceux de personnalités ou de militaires hauts gradés.
Au début de 1920, afin d’honorer leurs morts au combat, les communes choisissent de construire un édifice qui leur est consacré. Devoir, gloire, enfants morts pour la France, mémoire, sacrifice, patrie sont les termes qui président à l’élaboration de chacun d’eux.
Pour comprendre cette éclosion de lieux de mémoire, il faut se rappeler que souvent lors des batailles, les combattants tués au front sont enterrés sur place. Des sépultures individuelles sont créées dans les cimetières militaires et seules les familles les plus aisées préfèrent rapatrier le corps des leurs dans le caveau familial, comme l’ont fait les familles Bonleu, Bonfaix, Chouet, Hédouin, Mardooc, Prévost et Roze à Pîtres. Certaines communes quant à elles créent des espaces spéciaux dans les cimetières.
36 000 monuments vont ainsi voir le jour, auxquels se rajoutent ceux édifiés dans les gares, dans certaines grandes entreprises, dans chaque arrondissement des grandes villes sans oublier les plaques commémoratives dans les églises et les mairies (celle de la mairie de Pîtres date de 1954 comme en témoigne l’extrait du registre des délibération du 9 juin 1954 signé par Maurice Lampérier, maire à ce moment-là). La liste des patronymes apparait rarement par ordre alphabétique mais plutôt au fur et à mesure des décès avec parfois des rajouts à la fin car les soldats disparus ne sont déclarés morts qu’à partir de 1919. Cette liste remplace celles dactylographiées affichées chaque jour à la mairie.
En mai 1919, un nouveau mensuel « L’art funéraire et Commémoratif » parait et lance une pétition nationale pour le rapatriement des corps par les familles.
Entre temps, par la loi du 25 octobre 1919 dans son article 3, l’Etat s’engage à remettre à chaque commune la liste des noms des combattants des armées de Terre et de Mer morts pour la France, nés ou résidant dans ladite commune. Toutefois, sans attendre ce fameux livre d’or, toutes ont entrepris le recensement des disparus afin de les honorer même si parfois certaines ont évincé un nom pour des raisons parfois politiques et parfois personnelles (opinions différentes, conflit entre la famille du soldat décédé et celle du maire ou d’un de ses adjoints, mauvaise moralité du défunt avant son départ pour la guerre……)
L’élan des monuments aux morts est lancé, assorti de subventions publiques de 1920 à 1925 et soutenu par une très large mobilisation. Anciens combattants, familles entreprises et même simples citoyens n’hésitent pas à participer financièrement aux souscriptions lancées par les communes.
A Pîtres, c’est à la réunion du conseil municipal du 2 août 1919, sur proposition du maire Paul Fréret qu’est nommé un comité chargé d’étudier un projet de monument commémoratif en l’honneur des soldats de la commune morts à l’ennemi et de le financer. Il est composé de Paul Fréret, A.Duval, Moreau, ainsi que de trois membres d’une délégation nommés par les démobilisés.
Le 12 septembre 1919 ce comité lance une souscription, faisant appel à tous les habitants et les sollicitant de leur généreuse offrande qui sera recueillie à domicile par ses délégués le dimanche 21 septembre de la même année.
Si l’on ne connait pas le montant total collecté, on a retrouvé trace dans les archives de la mairie d’un courrier en date du 3 septembre 1919 avec pour en tête les Hauts Fourneaux, Forges et Aciéries de Pompey faisant parvenir à la commune la somme de 100 francs pour participation de ladite société à la construction du monument.
Par la suite les membres du conseil municipal et les délégués du comité se retrouveront régulièrement afin de définir l’emplacement mais aussi la composition du monument, certaines décisions entrainant parfois de vives réactions de la part de la population.

Le monument aux morts 

Définir l’emplacement n’est pas le plus évident. Les espaces publics propres à l’accueillir sont souvent des lieux symboliques : églises, cimetières, mairies, écoles, places, parcs. Ce n’est pas sa superficie qui pose problème puisque quelques dizaines de mètres carrés suffisent mais plutôt le lieu où il sera construit qui soulève des questions d’ordre idéologique. Par-delà les arrières pensées politiques ou religieuses voire philosophiques, le choix obéit largement à la représentation que les habitants se font de leur lieu de vie.
De plus, il ne s’agit pas d’une construction d’agrément ni d’un aménagement utilitaire mais d’un type nouveau qui soustrait à l’espace public un périmètre qui devient sacré. Son emplacement n’est donc pas anodin et les délibérations témoignent parfois d’oppositions farouches voire partisanes.
C’est dans cet esprit que le 23 septembre 1920 la municipalité de Pîtres, à l’unanimité des membres présents, choisit d’installer le monument aux « morts pour la patrie », au bas de la rue de l’Eglise, en bordure du chemin de la gare et des écluses.
La commune de Pîtres a donc choisi de l’installer du côté des vivants ce qui veut dire qu’elle considère que la mémoire des victimes appartient à tous et pas seulement à leurs proches. Le deuil est partagé par la collectivité et devient public. La loi du 24 octobre 1922, prise sous la pression des anciens combattants, le confirme et institue la date du 11 novembre comme journée officielle au cours de laquelle un hommage est rendu aux morts de la grande guerre en présence des autorités, des anciens combattants, des familles (en dehors de toute intimité) et de la population. S’ils sont largement empruntés au christianisme, discours, chants, recueillements silencieux restent laïcs.

Au bas de la rue de l’Eglise, notre monument se trouve en un lieu de convergence, de déplacements, de regards, de l’image offerte à ceux qui arrivent mais aussi à l’association de l’environnement sonore. Les soldats tués sont liés au rythme de la vie locale et de ses fonctions économiques puisque à proximité du marché de la place des Flotteaux. Il offre une présence discrète comme si les disparus veillent sur les vivants ; il rappelle aussi à chacun le sacrifice de la nation et de la commune.

Monument aux morts de Pîtres
Mais ce choix n’est pas du goût de tous les Pistriens et dès le 18 août 1920 ils adressent au préfet une pétition essentiellement signée par les membres des familles des victimes qui ne souhaitent pas voir le monument « dans un lieu boueux et isolé, qui de plus est inondé une majeure partie des hivers et où stationnent les Romanichels de passage ».
Si ce n’est pas précisé dans la pétition on peut toutefois penser que ces familles auraient préféré voir cet édifice du côté des morts, au cimetière voire près de l’église. C’est là une forme de reconnaissance pour les soldats souvent enterrés dans les cimetières militaires. Ils entrent ainsi dans la sphère de l’intime et les familles y trouvent alors une sorte de compensation à un deuil dont elles se sentent privées. Pour elles, le choix du cimetière est celui de la tristesse et de la peine retenue et l’église apparait alors comme le seul lieu à pouvoir assumer la charge émotionnelle du sacrifice enduré, abritant la mémoire des disparus et accueillant au besoin la peine des familles qui ne peuvent l’exprimer au monument.
Les travaux commencent par la construction d’un mur de soutènement avec remblai et marches d’accès. Par décision du 11 août 1921 le conseil municipal autorise le maire, Paul Fréret, à traiter de gré à gré avec Hyppolyte Prévost, maçon à Pîtres.
Surélever l’édifice accentue sa mise en valeur et le place au-dessus du monde des vivants. Ainsi en exergue, séparé et inviolable, entre le profane et le sacré, il acquiert une dimension symbolique quasi religieuse mais laïque.
Dans le même temps, la commune choisit le maître d’œuvre. Deux entreprises de monuments funéraires, caveaux et chapelles sont en course : Peschet-Fortin à Saint Sever près de Vire, exploitant des granits de Vire, et Socrate Lefebvre tailleur de pierres et marbrier à Pont-Saint-Pierre.
C’est avec ce dernier que le marché est passé pour un monument de forme pyramidale d’une hauteur de 4m50 en pierre de Lorraine.
Il faut savoir qu’avec la colonne ou l’obélisque, la pyramide est le plus couramment choisie car elle coûte moins cher. Il s’agit de plus d’éléments d’architecture traditionnellement associés à la mort dans l’Antiquité.

La composition du monument

Afin de compenser la sobriété de l’édifice et lui donner une valeur supplémentaire, la pierre est ornée de différents symboles
Les éléments végétaux (laurier en branche ou en couronne, chêne, palme, houx, lierre, blé….) signes d’éternité, ils représentent la force, la robustesse, l’immortalité, la renaissance ou tout simplement le cycle de la vie. Le comité et la municipalité de Pîtres ont opté pour des branches de laurier soit par deux comme on le voit sur la face principale soit isolées sur chacun des côtés dans le but de glorifier les morts. Au dos du monument trois palmes ont été rajoutées deux formant une coupe soulignée par une palme retournée. Elles désignent à la fois l’immortalité mais aussi elles distinguent, honorent et glorifient le sacrifice consenti.
Les ornements militaires (croix de guerre, médaille, mention R F, glaives…….) confèrent à la mort une dimension héroïque. Sur notre monument on ne retrouve rien de tout ça mais uniquement, entre les deux palmes, un casque de soldat signe de l’enrôlement des Pistriens et rappel de l’ordre et de la discipline. Il fait aussi passer un message pour les générations suivantes : « l’engagement et la mort des soldats doivent servir d’exemple. »

Si l’on ne retrouve aucun symbole funéraire, républicain voire religieux, le blason sculpté à même la pierre de Lorraine rappelle l’appartenance à la commune.
L’hommage public se traduit quant à lui par l’inscription « A nos défenseurs, gloire et reconnaissance 1914-1918 ». Les élus ont choisi de célébrer la victoire et de transformer les soldats en héros développant ainsi selon Annette BECKER « une politique de la mémoire de la guerre ».

A défaut d’honorer les restes des combattants, une liste des morts et disparus au champ d’honneur, classée alphabétiquement ou comme à Pîtres par année de combat est apposée sur le monument. Fondée sur le livre d’or qui recense tous les soldats ou civils morts pour la France, il est possible que des noms n’apparaissent pas soit parce que les proches ne l’ont pas souhaité, soit à cause du décès paraissant litigieux ou reconnu tardivement.
Aucun document n’a été retrouvé tant aux archives départementales d’Evreux qu’à celles de la mairie de Pîtres concernant les détails du monument. Il n’en est pas de même pour le haut relief et le message à véhiculer à la base de celui-ci.

Monument aux morts de Pîtres

Monument aux morts de Pîtres
Monument aux morts de Pîtres


En effet, plusieurs gravures ont été soumises aux choix du comité, certaines représentant un personnage de dos dans une rue du village (facteur?), une autre le représentant laissant derrière lui femme et enfants ou encore allongé au premier plan, une femme le pleurant. Toutefois, celle retenue le 17 juin 1920 correspond selon le Comité comme « étant le sujet le mieux et le plus complet en résumant toute la tragédie de la guerre ».
Yvette Petit-Decroix, membre de la Société d’Etudes Diverses, de Louviers, et de notre association, dans son ouvrage « La grande guerre des Lovériens », a étudié les monuments aux morts de la région. Concernant celui de Pîtres, elle décrit la sculpture comme « une esquisse dessinée par le sculpteur Rivière mettant en scène un soldat et son épouse séparés par la mort. Ce soldat reçoit une couronne de lauriers des mains d’une femme ailée. » Ce motif fait penser, dit-elle, au poème d’Arthur Rimbaud, Le dormeur du val :

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue[…]
Il est étendu dans l’herbe sous la nue[…]
Il dort dans le soleil, la main sur la poitrine,
Tranquille.
Il a deux trous rouges au côté droit.


Monument aux morts de Pîtres
Le monument aux morts de Pîtres sera inauguré durant toute la journée du 4 septembre 1921 par diverses manifestations : la remise d’un drapeau offert par les dames de la commune à l’Union Nationale des Combattants et d’un diplôme aux familles des disparus, la messe solennelle et l’inauguration avec les officiels, les enfants des écoles, la fanfare et la société des clairons de Romilly sur Andelle.

Monument aux morts de Pîtres

C’est en mai 1993 que l’édifice sera transféré place de la Fraternité et de nouveau inauguré le 17 avril 1994. Depuis, chaque jour, de nombreuses familles passent devant. Le regardent-elles vraiment ? Savent-elles même qu’il est là ? En ont-elles fait le tour ? On peut se poser la question lorsqu’à l’occasion des commémorations du 8 mai et du 11 novembre la foule est clairsemée et essentiellement composée des anciens du village.
On inscrira ensuite sur ces monuments le morts des guerres suivantes : seconde guerre mondiale, Indochine, Algérie...

Bibliographie :

- Franck David, Ministère de la Défense Comprendre le monument aux morts
- Annette Becker, Les monuments aux morts : patrimoine de la grande guerre
- Antoine Prost, Les monuments aux morts
- Généalogie magazine


Bernadette Hélouin