1 avril 2017

Pîtres gallo-romain


Théâtre gallo-romain à Pîtres


L’époque gallo-romaine


Après la conquête de la Gaule par  César (Alésia, 52 av. J-C), la civilisation romaine s'étend progressivement sur l’ensemble du territoire. Les Romains sont des bâtisseurs, et la civilisation gallo-romaine a laissé de nombreuses traces. Pîtres est alors une cité importante, puisqu'on y trouve les traces de plusieurs villas, de thermes (établissement de bains) et même d’un théâtre.

La plupart de ces découvertes ont été faites au XIXe siècle par des habitants de Pîtres et ont attiré les chercheurs et érudits de la région, dont Léon Coutil et l'abbé Cochet sont les plus connus. Malheureusement il ne subsiste guère aujourd'hui que le souvenir de leur emplacement et les croquis qui ont été faits à l'époque. Nous nous appuyons largement dans cet article sur le bilan archéologique établi  pour Pîtres en 1992 par Claire Beurion.

Pîtres - Les thermes de la rue la Bise, relevé de Léon Coutil
Les thermes de la rue la Bise, relevé de Léon Coutil

Rue de la Bise : le grand balnéaire

En 1854, M. Lebert découvre sous sa maison une pièce circulaire de 9 mètres de diamètre dont le pavage repose sur des piliers d'hypocauste, conformément au système de chauffage par le sol qu'utilisaient les Romains dans leurs établissements de bains, plus un fourneau aménagé dans un espace de 8 m. sur 5,50 m., sans dallage. Deux portes voûtées sont superposées; celle du bas servait d'issue à la chaleur du fourneau pour passer sous les piliers de la pièce circulaire. Cette salle fut convertie en cave par M. Lebert. On pouvait la visiter au siècle dernier et y voir les murs antiques le long desquels étaient collés des tuyaux de chaleur en terre cuite (4).
En 1899, L. Coutil, qui avait d'abord cru reconnaître dans le balnéaire le fameux palais de Charles le Chauve creuse dans la cour de la ferme voisine  et trouve cinq autres pièces.

Exemple d'hypocauste,  sorte de cave où se diffuse la chaleur  (Thermes de Constantin, à Arles)
Exemple d'hypocauste,  sorte de cave où se diffuse la chaleur  (Thermes de Constantin, à Arles)
Les thermes étaient un élément essentiel du mode de vie romain ; on s’y lavait,  y rencontrait ses amis,  y faisait du sport,  jouait aux dés, on pouvait y trouver des livres,  y traiter des affaires et se restaurer. Ils étaient ouverts, sans distinction de classe sociale, aux hommes et aux femmes, mais dans des parties différentes ou à des heures différentes. Ils devinrent mixtes à la fin de l'Empire .
Ils appartenaient à l'État ou à des personnes privées.  Souvent, pour se faire valoir, les riches bourgeois édifiaient des thermes qu'ils mettaient gratuitement à la disposition du public . Le droit d'entrée était normalement gratuit, mais on connaît des cas où l'on demandait un prix d'entrée modique. Puis ils disparurent avec les invasions barbares, mais aussi parce que l'Eglise ne les voyait pas d'un bon œil .
Bien que modestes, ceux de Pîtres   attestent, avec le théâtre, de la présence d'une agglomération. 

Le théâtre, rue Bourgerue

Vers 1900, Léon  Coutil, un des pionniers de l'archéologie normande, s'appuyant sur la mention dans les Chroniques de Fontenelle d'un  "castrum de Pistis'', assiégé par les Normands en 855, et la présence à Pîtres d'un lieu-dit les Cateliers (du latin castellum, château), y engage des fouilles , espérant  découvrir les vestiges du palais de Charles le Chauve, et découvre...un théâtre gallo-romain. II remarque que des pierres et des blocs équarris provenant de la démolition du théâtre se retrouvent dans les murs et maisons construits sur le site.
En fait, l'appellation des "Cateliers"  semble indiquer que le théâtre , comme beaucoup de théâtres et arènes romains, avait été transformé en forteresse lors des invasions du Bas-Empire, d'où le "castrum de Pistis" et le "castellum" où résida plusieurs fois  Charles le Chauve, entre 862 et 869.   

 
Les théâtres romains en Haute-Normandie (DRAC 2006)
Les théâtres romains en Haute-Normandie (DRAC 2006)


Chemin de la Geôle

Le long du chemin de la Geôle, qui sur les plans anciens, ne correspond pas seulement à l'actuelle rue de la Geôle mais se poursuit jusqu'à Romilly, on a trouvé, en 1895, trois vases intacts, une écuelle, un vase ovoïde de 15 cm de haut, une cruche, une sorte de bol et un fragment de pierre portant une inscription en beaux caractères.


Cave gallo-romaine de la Pierre St Martin à Pîtres

Au Nouveau Pîtres, près du gymnase (Les Pendants , La Pierre Saint-Martin).

M.Lebert découvre une cave qu’il fouille et décrit à  L. Coutil :  "Cette cave mesure 2m70 sur 2m95. Un escalier de huit marches, situé à l'Est, permet d'y descendre. La profondeur du bâtiment est de 2m20 au dessous du sol du chemin. En face de l'escalier se trouvent deux niches arrondies à leur sommet. Sur la droite, une échancrure carrée correspondait peut-être à un soupirail destiné à donner un peu de clarté. Aucune trace de pavage n'a été retrouvée. Les murs sont construits en silex et blocs séparés par deux rangs de briques plates superposés. Les joints en mortier de chaux et sable gris siliceux étaient aplatis et passés au fer."  D'abord conservée avec soin par son propriétaire, M. Fréret, elle a disparu lors de l'agrandissement d'une ballastière. 
Cave gallo-romaine de la Pierre St Martin à Pîtres
Par la suite, en 1929, on a signalé aux Pendants,  "à gauche du chemin de la Pierre Saint-Martin, dans une propriété de M. Fréret", une importante villa gallo-romaine dont les murs avaient été rencontrés au cours de travaux de culture. On peut supposer que ces fondations et la cave appartiennent au même ensemble d'habitation.

L'ensemble des vestiges archéologiques situés aux Pendants a été totalement détruit par une carrière et le terrain de sport communal s'est installé à leur emplacement.  On atteste cependant la présence d'une cave au Nouveau Pitres,  aujourd'hui largement comblée de détritus, qui pourrait être cette cave ou être en rapport avec elle.


Le Fonds de Vaurenoux

A environ 50 mètres de la départementale, on a découvert les maçonneries d'une villa  du 1er ou 2ème siècle 


Nécropole Gallo-romaine à Pîtres
Nécropole Gallo-romaine à Pîtres

Nécropole Gallo-Romaine de la Remise 

A la période romaine, les sépultures à incinération présentent une grande variété de rites funéraires . Les ossements sont le plus souvent placés dans une urne en terre ou en verre, accompagnée d'offrandes parfois nombreuses, mais les os peuvent aussi être déposés en pleine terre. Dans certains cas, des systèmes de protection ont été aménagés : une tombe, protégée par un amas de calcaire et de fragments de tuiles a livré une cruche intacte, un bol en sigillée, un couvercle et une seconde cruche brisée; une autre était enfermée dans un coffre en bois

Dans certaines fosses subsistaient des traces de cercueils en bois. Des sarcophages gallo-romains en plomb ont également été signalés lors de l'exploitation de la ballastière. 


Enceinte gallo-romaine à Pîtres

Enceinte

Sur plusieurs points de la commune, L.Coutil a exhumé des fondations de murs à un mètre d'épaisseur, formés de gros blocs calcaire équarris. Il a supposé qu'il s'agissait de sections d'un seul et même mur formant une sorte d'enceinte continue autour du Pitres antique. Nous ne savons pas si cette hypothèse s'appuie sur une comparaison précise du mode de construction des différentes parties de murs où s'il s'agit d'une simple intuition. L'existence d'une enceinte reste aujourd'hui très incertaine et il est préférable, en l'absence de nouvelles découvertes, de considérer indépendamment chaque partie de maçonnerie. (d'après Claire Beurion)