L’époque gallo-romaine
Après la conquête de la Gaule par César (Alésia, 52 av. J-C), la civilisation romaine s'étend progressivement sur l’ensemble du territoire. Les Romains sont des bâtisseurs, et la civilisation gallo-romaine a laissé de nombreuses traces. Pîtres est alors une cité importante, puisqu'on y trouve les traces de plusieurs villas, de thermes (établissement de bains) et même d’un théâtre.
La plupart de ces
découvertes ont été faites au XIXe siècle par des habitants de Pîtres et ont
attiré les chercheurs et érudits de la région, dont Léon Coutil et l'abbé
Cochet sont les plus connus. Malheureusement il ne subsiste guère aujourd'hui
que le souvenir de leur emplacement et les croquis qui ont été faits à
l'époque. Nous nous appuyons largement dans cet article sur le bilan
archéologique établi pour Pîtres en 1992
par Claire Beurion.
Les thermes de la rue la Bise, relevé de Léon Coutil
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Rue de la Bise : le grand balnéaire
En
1854, M. Lebert découvre sous sa maison une pièce circulaire de 9 mètres de
diamètre dont le pavage repose sur des piliers d'hypocauste, conformément au
système de chauffage par le sol qu'utilisaient les Romains dans leurs
établissements de bains, plus un fourneau aménagé dans un espace de 8 m. sur
5,50 m., sans dallage. Deux portes voûtées sont superposées; celle du bas
servait d'issue à la chaleur du fourneau pour passer sous les piliers de la
pièce circulaire. Cette salle fut convertie en cave par M. Lebert. On pouvait
la visiter au siècle dernier et y voir les murs antiques le long desquels
étaient collés des tuyaux de chaleur en terre cuite (4).
En 1899, L.
Coutil, qui avait d'abord cru reconnaître dans le balnéaire le fameux palais de
Charles le Chauve creuse dans la cour de la ferme voisine et trouve cinq autres pièces.
Exemple d'hypocauste,
sorte de cave où se diffuse la chaleur
(Thermes de Constantin, à Arles)
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Les thermes étaient un élément essentiel du mode de vie
romain ; on s’y lavait, y
rencontrait ses amis, y faisait du
sport, jouait aux dés, on pouvait y
trouver des livres, y traiter des
affaires et se restaurer. Ils étaient ouverts, sans distinction de classe
sociale, aux hommes et aux femmes, mais dans des parties différentes ou à des
heures différentes. Ils devinrent mixtes à la fin de l'Empire .
Ils appartenaient à l'État ou à des personnes privées. Souvent, pour se faire valoir, les riches
bourgeois édifiaient des thermes qu'ils mettaient gratuitement à la disposition
du public . Le droit d'entrée était normalement gratuit, mais on connaît des
cas où l'on demandait un prix d'entrée modique. Puis ils disparurent avec les
invasions barbares, mais aussi parce que l'Eglise ne les voyait pas d'un bon
œil .
Bien que modestes, ceux de Pîtres attestent, avec le théâtre, de la présence
d'une agglomération.
Le théâtre, rue Bourgerue
Vers
1900, Léon Coutil, un des pionniers de l'archéologie
normande, s'appuyant sur la mention dans les Chroniques de Fontenelle d'un "castrum de Pistis'', assiégé par
les Normands en 855, et la présence à Pîtres d'un lieu-dit les Cateliers (du
latin castellum, château), y engage des fouilles , espérant découvrir les vestiges du palais de Charles
le Chauve, et découvre...un théâtre gallo-romain. II remarque que des pierres
et des blocs équarris provenant de la démolition du théâtre se retrouvent dans
les murs et maisons construits sur le site.
En
fait, l'appellation des "Cateliers"
semble indiquer que le théâtre , comme beaucoup de théâtres et arènes
romains, avait été transformé en forteresse lors des invasions du Bas-Empire,
d'où le "castrum de Pistis" et le "castellum"
où résida plusieurs fois Charles le
Chauve, entre 862 et 869.
Chemin de la Geôle
Le
long du chemin de la Geôle, qui sur les plans anciens, ne correspond pas
seulement à l'actuelle rue de la Geôle mais se poursuit jusqu'à Romilly, on a
trouvé, en 1895, trois vases intacts, une écuelle, un vase ovoïde de 15 cm de
haut, une cruche, une sorte de bol et un fragment de pierre portant une
inscription en beaux caractères.
Au Nouveau Pîtres, près du gymnase (Les Pendants , La Pierre Saint-Martin).
M.Lebert
découvre une cave qu’il fouille et décrit à
L. Coutil : "Cette cave
mesure 2m70 sur 2m95. Un escalier de huit marches, situé à l'Est, permet d'y
descendre. La profondeur du bâtiment est de 2m20 au dessous du sol du chemin.
En face de l'escalier se trouvent deux niches arrondies à leur sommet. Sur la
droite, une échancrure carrée correspondait peut-être à un soupirail destiné à
donner un peu de clarté. Aucune trace de pavage n'a été retrouvée. Les murs
sont construits en silex et blocs séparés par deux rangs de briques plates
superposés. Les joints en mortier de chaux et sable gris siliceux étaient
aplatis et passés au fer." D'abord
conservée avec soin par son propriétaire, M. Fréret, elle a disparu lors de l'agrandissement
d'une ballastière.
Par
la suite, en 1929, on a signalé aux Pendants,
"à gauche du chemin de la Pierre Saint-Martin, dans une propriété
de M. Fréret", une importante villa gallo-romaine dont les murs avaient
été rencontrés au cours de travaux de culture. On peut supposer que ces fondations
et la cave appartiennent au même ensemble d'habitation.
L'ensemble
des vestiges archéologiques situés aux Pendants a été totalement détruit par
une carrière et le terrain de sport communal s'est installé à leur
emplacement. On atteste cependant la présence
d'une cave au Nouveau Pitres,
aujourd'hui largement comblée de détritus, qui pourrait être cette cave
ou être en rapport avec elle.
Le Fonds de Vaurenoux
A
environ 50 mètres de la départementale, on a découvert les maçonneries d'une
villa du 1er ou 2ème siècle
Nécropole Gallo-Romaine de la Remise
A la
période romaine, les sépultures à incinération présentent une grande variété de
rites funéraires . Les ossements sont le plus souvent placés dans une urne en
terre ou en verre, accompagnée d'offrandes parfois nombreuses, mais les os
peuvent aussi être déposés en pleine terre. Dans certains cas, des systèmes de
protection ont été aménagés : une tombe, protégée par un amas de calcaire et de
fragments de tuiles a livré une cruche intacte, un bol en sigillée, un
couvercle et une seconde cruche brisée; une autre était enfermée dans un coffre
en bois
Dans
certaines fosses subsistaient des traces de cercueils en bois. Des sarcophages
gallo-romains en plomb ont également été signalés lors de l'exploitation de la
ballastière.
Enceinte
Sur
plusieurs points de la commune, L.Coutil a exhumé des fondations de murs à un
mètre d'épaisseur, formés de gros blocs calcaire équarris. Il a supposé qu'il
s'agissait de sections d'un seul et même mur formant une sorte d'enceinte
continue autour du Pitres antique. Nous ne savons pas si cette hypothèse
s'appuie sur une comparaison précise du mode de construction des différentes
parties de murs où s'il s'agit d'une simple intuition. L'existence d'une
enceinte reste aujourd'hui très incertaine et il est préférable, en l'absence
de nouvelles découvertes, de considérer indépendamment chaque partie de
maçonnerie. (d'après Claire Beurion)