1 mars 2017

L'église de Pîtres

Eglise de Pîtres


L’EGLISE DE PITRES


En introduction d’études plus précises à venir, nous reproduisons de larges extraits d’un article publié par Amis des Monuments et Sites de l'Eure. Société historique de Lisieux, 2010, reprenant les notes archéologiques inédites de Charles Vasseur : Églises de l'EureCh. Vasseur (1831-1896), archéologue et historien, visita nombre d'églises, disant crûment les choses, dénonçant les abus et à l'occasion stigmatisant le vandalisme ...

Les rois carlovingiens avaient un palais à Pitres où il se tint un Concile et où furent signés plusieurs capitulaires. On a voulu rendre l'église actuelle témoin de ce concile qui se tint en 863 ; rien dans son état actuel ne peut faire présumer une si haute antiquité. Elle doit remonter cependant au XIe siècle.

Son portail occidental est sans intérêt, il a été refait à une époque récente où l'on s'est avisé également de clôturer le vieux porche en charpente qui protégeait la porte : c'est un travail hideux et qui sent son époque.

Le côté méridional de la nef appartient tout entier au XIe siècle ; ses murs sont composés d'un appareil irrégulier, c'est-à-dire d'un mélange de petit appareil et d'arêtes de poisson. Il y a absence de contreforts.[…..]

Eglise de Pîtres - Le mur nord, et la façade avant la rosace
Le mur nord, et la façade avant la rosace

Le mur nord de la nef est encore plus caractérisé s'il est possible que celui du midi. Toujours absence de contreforts ; l'appareil est un blocage assez grossier dans lequel figurent quelques fragments de briques romaines arrachées probablement aux ruines avoisinantes ; on y voit aussi quelques traces de la disposition en feuilles de fougères. Les cinq fenêtres sont primitives, les deux premières, celles qui sont les plus voisines de l'occident, sont fort étroites, semblables à celles du côté méridional. Les trois autres sont plus larges, quoique également cintrées, et des briques romaines sont mêlées à leurs claveaux.

Entre le chœur et la nef, ou plutôt sur la première travée du chœur, se trouve la tour, massif carré aussi de l'époque romane, mais garni sur chacune de ses faces de larges contreforts du XVe siècle. Du côté du nord son mur est visible jusqu'à la base et on y a percé une grande fenêtre ogivale du XVe siècle comme les contreforts, qui sert à éclairer le chœur. Le côté du midi est obstrué par des constructions postérieures. Le corps carré qui s'élève au-dessus des toits est percé régulièrement sur chaque face d'une fenêtre ogivale du XIIIe siècle, subdivisée par un meneau en deux lancettes surmontées d'un oculus.


La corniche est composée de modillons et de trèfles ; mais ces caractères n'appartiennent qu'à une restauration faite dans un mur plus ancien, car au-dessus, dans la face du midi, on voit une petite fenêtre évidemment romane.

Eglise de Pîtres

La régularité du plan primitif de l'église est détruite par l'adossement de deux chapelles et d'une sorte d'appentis au flanc méridional du chœur. L'appentis est moderne et sent son époque. Les deux chapelles qui présentent leur pignon datent du XVe siècle ; elles sont soutenues par deux contreforts saillants. Dans la première est ouverte une fenêtre cintrée sans caractère et une porte moderne. L'autre est éclairée par une fenêtre avec un meneau et à compartiments rayonnants.

Eglise de Pîtres - Le chevet
Le chevet

Le chevet est droit mais il se trouve obstrué à sa base par un appendice moderne en brique qui sert d'abri à un tombeau du Christ, pour lequel on a sacrifié et bouché une fenêtre rayonnante comme celle de la chapelle. C'est du reste une bonne idée que d'indiquer l'endroit où se trouve intérieurement l'autel par un tableau propre à rappeler les mystères qui s'y opèrent. Le pignon du chevet qui est resté visible, montre dans son appareil quelques tuiles romaines ; il est soutenu par deux contreforts saillants.

Le côté nord du chœur est aussi bouché par la sacristie.

Intérieur

Eglise de Pîtres - La voûte
La voûte 
Eglise de Pîtres - Engoulant
Engoulant

Dans la nef, les fenêtres de l'époque primitive sont largement ébrasées à l'in-térieur. La voûte est à lambris et ornée autrefois de dessins noirs au pochoir. Les entraits sont disposés de manière à paraître comme accouplés deux à eux, ceux qui sont à l'extrémité occidentale ont des poinçons dont le travail est fort curieux.

Les petits autels, à dais et panneaux à compartiments flamboyants, sont du XVIe siècle, bien qu'ils aient été remaniés en pseudo-gothique plus ou moins récemment. Sur celui du midi était une Vierge en faïence blanche garnie de filets dorés sur les vêtements, haute d'environ un pied, tenant dans ses bras l'enfant Jésus vêtu d'une longue robe. Son aspect est celui des faïences si rares et si précieuses du règne de Henri II.

Le chœur, y compris la base de la tour, est long de deux travées à voûtes ogivales avec arceaux et arcs doubleaux datant du XIIIe siècle, portées sur des faisceaux de trois colonnettes de différents diamètres avec chapiteaux à crossettes aux feuilles galbées. Le mur droit du chevet était percé de deux longues lancettes ; une autre lancette bouchée par la sacristie éclairait au nord ; de concert avec la fenêtre flamboyante de la tour qui a conservé des fragments de vitraux de la Renaissance, sur lesquels on lit :
S MICAEL NICOLAUS


L'arc triomphal date du XIIIe siècle, il n'a point de moulures, ses bords sont seulement épannelés.

Le miracle de saint Nicolas, patron des mariniers
Le miracle de saint Nicolas, patron des mariniers

Les deux chapelles du midi communiquent au chœur par deux arcades ogivales. Le mur qui les séparait l'une de l'autre est également percé d'arcades, de sorte qu'elles forment comme un double chœur ; au fond est un autel dont le retable en pierre dans le style Louis XIV, se compose d'un bas-relief en pierre représentant le miracle de saint Nicolas aidant à la manœuvre des mariniers qui l'avaient invoqué dans une tempête. L'encadrement se compose de moulures avec un fronton circulaire et des bouquets de fleurs pendantes. Il a été restauré en 1843 par les mariniers de la Seine. On lit dans une chronique que saint Nicolas fut au concile de Nicée et un jour quelques mariniers en danger de périr le prièrent ainsi en versant des larmes... « Nicolas, serviteur de Dieu, si les choses sont vraies que nous avons ouïes, donne-nous ton assistance. » Et alors il leur apparut un homme qui avait sa figure et leur dit : Me voici, ne m'appelez-vous pas ? Et il commença à les aider dans la manœuvre du bâtiment et la tempête cessa. Et quand ils furent à son église, eux qui ne l'avaient jamais vu auparavant reconnurent que c'était lui qui les avait assistés sur mer. Et ils rendirent grâce de leur délivrance à Dieu et à lui. Et il leur dit d'attribuer ce miracle à la miséricorde de Dieu et à leur foi et non pas à ses mérites (Légende dorée).

Les voûtes sont aussi en pierre avec arceaux et arcs doubleaux. Dans le pavage est une pierre tumulaire effacée. Le retable du maître-autel est en pseudo-gothique, mais d'assez bonne exécution ; l'ancien datait du règne de Louis XIV.
                                                                       22 mai 1856
  
( à suivre)       

Photos Rodolphe Delorme