1 juillet 2017

Pîtres fin XIXème : le grand chambardement

Pîtres

Pîtres entre deux guerres

La période, 1871 à 1914, que nous allons étudier dans ce numéro, est celle de la première partie de la IIIème République, de la fin de la guerre de 1870 à celle de 1914-18. Pour les habitants de Pîtres, elle marque l'entrée dans le monde moderne : routes, chemin de fer, poste, écoles, et aussi une meilleure prise en charge de la vieillesse, de l'indigence, de l'hygiène publique, ouverture d'un bureau de bienfaisance. Bref, beaucoup de choses changent...

La population

Elle fluctue entre 900 et 1000 habitants, sans que l'on puisse invoquer des causes bien précises, avec environ 25 naissances par an, un peu plus à la fin du siècle, et un nombre de morts légèrement inférieur, malgré deux pics en 1884 (36 décès) et 1893 (42 décès ), peut-être dus à des hivers plus rudes.

Un centre presque vide

Plus d'un tiers des familles réside rue des Moulins, presque un quart rue du Taillis, et un dixième rue Dubosc, ce qui laisse peu d'habitants au centre… Une occasion d'y établir un pôle sera manquée en 1912, lorsqu'on prévoit l'acquisition du restaurant "Les tilleuls" comme "place publique", mais les négociations pour cet achat sont arrêtées car le locataire en place " pose des conditions trop onéreuses ".

La municipalité

Mai 1871. A Paris, c'est la "Semaine sanglante", le massacre de la Commune. A Pîtres, l'installation du conseil municipal montre que la chute de l'Empire ne rompt pas la continuité : les mêmes noms reviennent. (voir annexe 1)
L'activité reste réduite, parfois on ne réunit pas le quorum, une fois même, en 1879, on constate, lors de la session ordinaire, qu'il n'y a rien à faire, et on se sépare.

De quoi vit-on à Pîtres ?

Extrait du registre recensant les livrets de 1878 ( A.M. Pîtres)
Extrait du registre recensant les livrets de 1878 (A.M. Pîtres)

Pîtres ne s’est pas industrialisé, mais de nombreux ouvriers y résident, qui travaillent à Romilly, chez Peynaud, à la filature, ou aux fonderies. Les livrets ouvriers nous les montrent, parfois très jeunes, souvent petits de taille. (voir aussi l’annexe 2)

Le livret ouvrier a été institué par Napoléon pour restreindre la libre circulation des ouvriers. Tout ouvrier voyageant sans livret est réputé vagabond et condamné comme tel. Il ne peut quitter un employeur qu’avec un quitus, ni une commune sans le visa du Maire ou de la Gendarmerie, avec indication du lieu de destination.
Le livret est obligatoire jusqu'en 1890.

Mais le village ne manque pas de ressources, et grâce à une liste des patentés datée de 1886, qui comporte 35 noms, nous pouvons-nous faire une idée précise des activités commerciales et artisanales du village: 
- cinq épiciers, dont un regrattier (vend en très petites quantités)
- cinq cabaretiers, un marchand de café tout préparé et un débitant d'eau de vie
- deux bouchers et un charcutier
- deux marchands de bois à brûler
- et encore un maître maçon, un exploitant de moulin à farine, un marchand de veaux, un entrepreneur de bals publics, un assortisseur (métier de la cordonnerie), un marchand de casquettes, un fabricant de chaises, un voiturier, un chiffonnier, un logeur, un exploitant de machine à battre (c'est Hyacinthe Védrine, le maire).

La famille Frétigny à elle seule comporte un  fabriquant de briques, un maître de barques et bateaux de transport de marchandises, un tailleur marchand et un boulanger.

Conséquences de la guerre

On s'emploie à indemniser les victimes des réquisitions de l'armée prussienne. Le total des réclamations des habitants s'élève à environ 6000 francs, soit deux ans du budget communal environ. On décide donc pour obtenir des fonds d'un emprunt forcé de dix centimes par franc de contributions, et de ventes de concessions dans le cimetière, projet abandonné, car le cimetière est trop petit. A la fin de l'année, on reçoit de l'État une somme de 941 francs, venant d'une première indemnisation nationale de cent millions de francs, que l'on remet, "aux cultivateurs nécessiteux qui ont subi des réquisitions".

Ces indemnisations vont continuer pendant une dizaine d'années, puisqu'on trouve encore en mai 1883 une décision selon laquelle le salaire des gardes champêtres serait pris sur le reliquat des réquisitions allemandes.

Le budget municipal

Au tournant du siècle, les dépenses restent modestes : 50 francs alloués au maire pour frais de bureau, 200 francs pour payer le secrétaire, 336 pour le receveur municipal, 500 pour le garde champêtre, 30 pour le tambour, une cinquantaine pour la tenue de l'État civil, 200 de salaire pour l'instituteur, autant pour l'institutrice, 100 francs de chauffage pour l'école. À ces charges ordinaires, il faut ajouter l'entretien des chemins où différents travaux pour lesquels on va avoir recours à des taxes supplémentaires, dites centimes additionnels, ou qui peuvent être accomplis en nature, c'est ainsi que l'on trouve toujours l'équivalent pour la fourniture d'une journée de travail, d'un cheval, d'une charrette.

Concernant les recettes, outre la part reversée des impôts sur la propriété et les patentes des commerçants, on a différentes taxes, sur les chevaux, voitures, les vélocipèdes et les chiens. Ainsi en 1897, les chiens rapportent 528 francs, les vélocipèdes 15, les chevaux et voitures 12 : il faut comprendre qu'il s'agit essentiellement de taxes sur ce que l'on considère comme un luxe : sont taxés plus forts les chiens d'agrément et chiens de chasse : huit francs, les chiens de troupeaux, de garde, ou d'aveugle, ne coûtant que deux francs.

Une loi de 1855 établit cette taxe municipale sur les chiens. Les propriétaires de chien doivent faire chaque année une déclaration en mairie, seuls les chiens nourris par leur mère étant exonérés. La raison invoquée pour établir cette taxe est alors principalement de santé publique, afin de lutter contre les chiens errants et les accidents causés par la rage.
Concernant les chiens de compagnie, elle peut s'assimiler à d'autres taxes somptuaires : la contribution sur les chevaux, voitures, mules et mulets (il s'agit des chevaux de selle et des attelages des voitures suspendues de transport), la taxe sur les billards, ou la taxe sur les vélocipèdes instaurée en 1893.
Le rendement de cette taxe sur les chiens a été de plus en plus faible et sa perception de plus en plus difficile, mais elle n’a été abrogée qu’en 1971, et son rétablissement est parfois demandé afin de lutter contre leur prolifération.

Généreux donateurs

On se souvient que l'abbé Bouillant, décédé en 1869, avait légué à la fabrique, c'est à dire à l'association cultuelle de la paroisse, une rente annuelle perpétuelle de 600 francs, somme rondelette, contre la promesse de 50 messes par an et des recommandations tous les dimanches aux prières des fidèles.
Le conseil municipal lui vote en 1874 l'attribution d'une concession perpétuelle, ce qui est bien la moindre des choses, mais l'héritier, un certain Rossignol, rechigne à payer la rente, et on décide en 1879 de le poursuivre en justice, ce qui l'incite à demander à rembourser la rente annuelle perpétuelle par 600 francs versés d'un coup à la fabrique de l'église. L'acceptation par la fabrique entraîne accord du conseil municipal.
En 1893, c'est François Delamare, ancien percepteur, décédé à Boulogne sur Seine, qui a légué la très importante somme de 208 000 francs pour la création d'un bureau de bienfaisance. Le conseil donnera son nom en 1910 à la sente « François Delamare ».

Secours, politique sociale

C’est une nécessité d'autant plus grande que peu après la guerre commence une crise économique de longue durée…

La Grande Dépression (1873-1896)
D'abord un double mouvement de spéculation immobilière et boursière découlant de la libéralisation bancaire des années 1870, dans plusieurs pays d'Europe a vu le secteur immobilier exploser à Paris, Vienne et Berlin, les financiers n'hésitant pas à s'endetter pour investir dans la construction.
Puis une crise bancaire démarre en mai à la Bourse de Vienne, s'étend à Paris et Berlin, et déclenche une récession rapide.
           
En 1874, le conseil est défavorable à un dépôt de mendicité car "il n'y a pas d'argent", et on vote l'an suivant 36 francs, une somme très modeste, "pour l'extinction de la mendicité", mais on fixe les tarifs des concessions du cimetière, après son agrandissement, qui vont de 100 francs le m² pour une concession perpétuelle, à 15 francs pour une concession de 15 ans, cela permettant d'abonder de 300 francs annuels les fonds d'un bureau de bienfaisance.

Signalons au passage les tarifs des inhumations, en trois classes, allant de 50 francs, pour la présence de dix frères, à 24 s'ils ne sont que six. On précise par ailleurs qu’il y aura des déductions s'il y a des frères absents…

Des anciennes coutumes qui permettaient aux pauvres de survivre ne subsiste guère que le droit de glanage, mais on sent qu'il est en recul : ainsi une décision de 1877 stipule que le glanage doit se faire uniquement sous la conduite du garde-champêtre, ce qui est une forte limitation de ce droit ancestral.

Grâce au legs Delamare, on voit peu à peu se dessiner le début d'une prise en charge plus efficace : assistance médicale gratuite dispensée à six indigents par exemple en 1896 (six femmes), ou les secours à la famille d'un soldat, "dont le père est perclus depuis sept ans et au lit depuis quatre mois". Fourniture de bois de chauffage, bons de pain, de lait et de viande, et surtout semble-t-il fourniture de fosses et cercueils, 3 ou 4 par an à partir de 1896 : c'est devant la mort que l'indigent se trouve le plus démuni, et l'on craint plus que tout l'horreur de la fosse commune.

Le bureau de bienfaisance tient un registre de ces indigents, dont le nombre s'établit un peu en dessous de la trentaine de 1896 à 1914. Ils touchent entre deux kilos de pain pour une personne seule et quatre pour une famille de quatre personnes.

Une loi de 1905 établit l'assistance obligatoire aux vieillards, fixée à 18,50 francs par mois : 13,50 francs pour l'alimentation, un franc pour le vêtement, 3 francs pour le logement, 1 franc pour le chauffage (le salaire ouvrier moyen de l'époque est d'environ 100 à 150 francs). 
Huit familles ayant quatre ou cinq enfants de moins de 13 ans sont admises à l'assistance, treize vieillards, dont neuf femmes (mais une veuve voit sa demande rejetée, car elle a "un fils et un concubin”). En 1808, le taux d'assistance mensuelle est baissé à 15 francs.

A noter le nombre important de demandes de soutien de familles de soldats dans la dernière décennie du siècle.

En 1911 se constitue une commission municipale pour dresser la liste des assurés à la retraite ouvrière : Albert Roze, meunier, refuse d’y représenter les patrons, il est remplacé par Abel Delahaye, tandis qu’un serrurier et un ouvrier de filature représentent les salariés.

En 1913, on vote, conformément à la loi de juillet, des centimes additionnels pour l'assistance aux familles nombreuses et une allocation journalière aux femmes en couches.

Au XIXème siècle prévalait l'idée que les enfants ne pouvaient être à charge que des parents, même si ceux-ci les avaient mis imprudemment au monde. La misère des petits n'était que le résultat d'une imprudence des parents. La loi de 1913, qui rompt avec cette logique, prévoit le versement d'une allocation à tout chef de famille d'au moins quatre enfants de moins de 13 ans sans ressources suffisantes.

Travaux

            L’église et le presbytère.
En 1872 est adopté le principe de la construction d'un presbytère. Quant aux travaux prévus sur l'église, Jean-Baptiste Poulain, l’adjoint, refuse d'autoriser des ouvertures, considérant que la solidité de l’édifice en serait menacée. En 1879, on remplace la couverture en tuiles par de l'ardoise, et en 1901, on reconstruit le pignon ouest.

            Le barrage
En 1882, on se plaint que les travaux du barrage de l'écluse de Pîtres attirent un grand nombre « d'ouvriers sans pain ni asile qui se boissonnent », et qu'il faut donc prévoir une "chambre de sûreté", et un "asile de nuit", dans la cour de la mairie. Le maire propose de prendre les crédits sur les indemnisations des réquisitions allemandes.

Mais cinq ans plus tard, cet asile de nuit, installé à une vingtaine de mètres des écoles, pose des problèmes : « disputes, pugilat, débauche, orgies et scènes nocturnes », et on décide de sa désaffectation par huit voix contre quatre.

Caisses vides

En 1807, on vire des sommes du fonds « reliure des archives » pour pouvoir acheter du charbon et des fournitures, et l’année suivante on demande une subvention de 400 francs au préfet pour réparer la toiture de la mairie endommagée par la grêle, car « les caisses sont vides ».

L’instruction, la culture

En 1866, sur 914 habitants, 494 savaient lire et écrire, dont 319 ayant moins de 20 ans et 143 plus de 60 ans.

En 1872, 519 habitants, sur 905, savent lire et écrire : le progrès est donc léger. À noter que l'on ne trouve pas de différence significative à cet égard entre les hommes et les femmes.

Le traitement de l'instituteur est fixé à 200 francs, et celui de l'institutrice est le même, mais on note que son salaire final annuel, quand les élèves ont payé leur écot, peut s'élever à environ à 1000 francs.

En 1884 Louis Oswald Levavasseur remplace son père, Pierre Louis Isidore, auquel le conseil municipal attribuera une concession perpétuelle pour avoir été, instituteur et secrétaire de mairie pendant 47 ans.

A la fin de l'année, on constate l'échec des cours adultes : les jeunes gens et les jeunes filles sont tous employés aux filatures et fonderies de Romilly, et répugnent à veiller et rentrer chez eux le soir tard, qui plus est de nuit.

1888, on donne priorité à la création d'une classe enfantine sur la clôture de la cour de la mairie, qui  attendra. Malheureusement, on verra que les autorités supérieures ne suivront pas...

Les classes enfantines, futures classes maternelles, reçoivent les élèves de 5 à 6 ans. Rappelons que l'école devient en 1882 obligatoire, laïque et gratuite de 6 à 13 ans. Cette obligation restera malheureusement théorique pendant encore quelques décennies, les parents préférant parfois que leurs enfants travaillent.

En 1896, on décide que les quêtes aux mariages (à la mairie) serviront à l'achat de livres de classe pour les indigents, et le legs Delamare va permettre de créer une bibliothèque, de plus de 150 volumes, à la constitution de laquelle on affecte 70 francs.

En 1910, on recule à six ans l’âge d'admission à l'école des filles, car il y a « une population scolaire féminine hors de proportion », ce qui est donc le signe d’une vraie demande.

1911 : le préfet est défavorable à la création d'une école enfantine car la natalité baisse dans la commune, et il donne ces chiffres : de 1883 à à 92 : 269 naissances, de 1893 à 1902 : 271, mais seulement 142 de 1902 à 1910.

La baisse de la natalité est constante dans la France des 18 et 19ème siècles, qui est à cet égard en avance sur le reste de l’Europe, et c’est bien ce qui va préoccuper les autorités militaires à la veille d’un conflit qui se profile à l’horizon : disposera-t-on d’assez de chair à canon face à l’Allemagne ? Ceci explique en partie la loi de 1913 que nous avons mentionnée plus haut.

Chemins

En 1872, la municipalité donne un avis positif sur le "projet de chemin de Houville à Ymare". C'est la future départementale 20, dont on parle à nouveau en 1880, mais cette fois-ci sous le nom de « chemin d'Ecouis à Pîtres ».

En 1885, des terrains et des bâtiments sont frappés d'alignement "pour le chemin de grande communication dans la traverse de Pîtres". C'est, d'Elbeuf à Forges-les-eaux, la future nationale 321 qui se prépare (départementale depuis 1972)

En 1897, la municipalité refuse de subventionner le passage d'eau de Poses (bac d'Amfreville), fidèle à sa politique qui est de demander non pas un bac, mais un pont. Dix ans plus tard, le conseil s'engage d’ailleurs à voter une participation de 10 000 francs s'il est construit en aval des écluses.

La Poste

Un bureau de poste a été créé à Romilly en 1885, et huit ans plus tard en 1913, Pîtres achète 7 ares rue de la bise pour sa poste, bureau du facteur receveur et service téléphonique, on emprunte 11 000 francs et on pioche dans la subvention du budget des cultes.

En 1907, une plainte avait été adressée au directeur des Postes de l’Eure : la dernière levée a lieu" à une heure du soir" et "certaines rues n'ont qu'une seule distribution (celle du matin)" ; on demande deux distributions par jour et de modifier les horaires du courrier à cheval pour avoir une boîte au passage de nuit.

On peut s'étonner de ces exigences, mais il faut se souvenir que la Poste est à cette époque quasiment le seul moyen de communication à plus ou moins longue distance, le téléphone, qui existe en ville, n'ayant pas encore atteint les campagnes.

Chemin de fer

En 1904, une halte pour les colis est aménagée à Pîtres, "au passage à niveau numéro 60 du chemin de communication numéro 20, au-dessus du niveau des eaux d'inondations". C'est l'embryon de la future gare de Pîtres.

Les demandes, nombreuses, faites à la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest, concernent surtout les horaires et les correspondances, on voudrait par exemple un train partant à 5 h 30 de Pont-de-l'Arche pour arriver à Paris à 9 heures, ou un train supplémentaire car il n'y a rien entre 9 heures et demie et 15 heures et demie, etc., mais aussi le déplacement de la halte de chemin de fer vers le chemin allant de Pîtres  au port de Poses.

Électricité

En 1904, on refuse une concession d'État pour l'installation électrique à la société Lefebvre & Cie.

En 1909, M. Poliakoff, qui habite l’île Sainte-Hélène demande l'autorisation d'établir une canalisation aérienne pour l'éclairage électrique. On sait par ailleurs qu’il produisait lui-même son électricité grâce à une turbine installée sur un des bras de l’Andelle, parallèle au canal d’amenée du moulin, et passant sur sa propriété.

Santé publique

Depuis 1853, le plomb et le cuivre étaient interdits dans les cabarets, car considérés comme dangereux, ceux-ci ne devaient pas ouvrir avant cinq ou sept heures le matin selon la saison, et étaient interdits aux moins de 16 ans.

En ce début de siècle, on commence à se préoccuper sérieusement d’hygiène publique, comme en témoigne cet arrêté municipal qui reprend les principales mesures prévues par une loi de 1902.
Pîtres Hygiène publique
On assainit l’habitat : badigeonnage à la chaux, lutte contre l’humidité par surélévation des sols interdiction de la terre battue, obligation d’évacuer correctement les fumées, ventilation, ouvertures pour faire entrer la lumière. Les travaux de Pasteur ont amené une conscience plus aigüe des agents d’infection, et on instaure une protection des puits contre le fumier, le purin, les déjections animales ou humaines.

L’intérêt de ce texte est d’ailleurs le plus souvent que l’on y lit en creux les pratiques qu’il combat : ainsi de l’interdiction de loger dans les caves, d’établir une fosse à purin à même la terre, ou de « jeter les animaux morts dans les mares, rivière, abreuvoirs, gouffres et bétoires».

S’y ajoutent la mise à l’isolement des malades contagieux et l’interdiction de « déverser les déjections (crachats, matières fécales, matières vomies, etc.) sur le sol des voies publiques ou privées, des cours, des jardins, sur les fumiers et dans les cours d’eau.

On instaure aussi l’obligation d’une visite médicale avant de rentrer à l’école après une maladie contagieuse.

En 1909, on met en place une « inspection des tueries particulières» par un vétérinaire et une taxe abattage : 40 centimes par bœuf, cinq centimes par mouton, 10 par porc.

Lutte contre l’alcoolisme.

Alors que l'on distille place des Flotteaux, en 1905, le maire fait adopter le voeu de combattre l'alcoolisme "qui rend inutile le sacrifice de solidarité consenti par les plus prévoyants et laborieux" et on "émet le voeu que de nouveaux impôts sur l'alcool, prohibitifs par leur élévation, soient votés et appliqués à bref délai ".

On décide aussi qu’aucun café ou débit de boisson ne devra se trouver dans un rayon de 100 m du cimetière, de l'église, ou des écoles.
1909  : après le refus d'hospitaliser un "alcoolique invétéré", qui n'est pas considéré comme indigent, on demande, sur proposition de Paul Frèret (voir Bulletin n°2), «que les pouvoirs publics arrêtent les progrès de l'alcoolisme soit par l'établissement d'un impôt prohibitif ou par tous autres moyens, qui ne seront jamais assez énergiques ni trop efficaces», puis on lui vote de cinq francs de secours..

Pour la petite histoire, le fils de « l'alcoolique invétéré » proposera que la commune opère 40 francs de retenue mensuelle sur son salaire pour envoyer son père à Pont-de-L'arche : le marché est accepté. Nous savons que cet homme gagnait alors cinq francs par jour : il doit donc payer plus d'une semaine de salaire chaque mois…
Quand il tombe lui-même malade, on vote une prise en charge de deux mois et on abaisse cette somme à 25 francs. 
           

Séparation des Églises et de l'État


1905. La loi de séparation des Églises et de l’État déclare que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Elle prévoit donc la formation d’associations cultuelles pour prendre en charge ce dont l'État se dégage.
Depuis la Révolution, les édifices cultuels (palais épiscopaux, séminaires, presbytères, églises) sont la propriété de l’État, des départements et des communes, mais le mobilier et les objets liturgiques des églises sont demeurés la propriété de l’Église, à travers les fabriques paroissiales. Les catholiques s'opposent à leur transmission à des associations, craignant que certaines, se réclamant du catholicisme mais ne respectant pas ses codes, puissent s’en emparer.
Aristide Briand porte un projet de séparation plus conciliant, respectant la hiérarchie catholique : les biens cultuels, propriété de l’État, des départements ou des communes le demeurent, mais peuvent être mis gratuitement à la disposition d’associations cultuelles qui doivent respecter les règles générales du culte dont elles relèvent.

A Pîtres, les choses semblent plutôt aller en douceur. Une convention passée entre le maire, Albert Roze, et l'abbé Périnelle, curé, garantit 18 ans de jouissance gratuite de l'église et des objets du culte, et la location du presbytère pour 150 francs par an. Mais le fait que deux membres du conseil, Paul Lefebvre et Paul Fréret, refusent de signer montre qu'il y eut quand même débat, ce dernier ne manquant pas d'influence…
Parmi les biens « équestrés» se trouve le corbillard … sa vente est décidée par 7 voix contre 4, et cette fois-ci, ce sont d'autres conseillers (Fréret, Depitres, Cécile et Jean) qui refusent de signer… puis tout le monde se réconcilie lors de la cession du char séquestré, pour 100 francs, approuvée par 11 voix sur 11. Et quand le préfet fait savoir qu'il trouve le prix de location du presbytère (150 francs) " illusoire", le conseil maintient sa décision, et choisit donc de respecter les termes de son accord avec le curé.
Malgré l’existence de sensibilités opposées que l’on voit se dessiner au sein du conseil, la crise a été évitée.


Pour l’anecdote : que d’abus !

Mise au point polie, mais ferme : pour être témoin de décès, il ne suffit pas d’être ami…
Pîtres



Michel Bienvenu


Annexe 1 
Maires, adjoints, conseillers
1871
ROSE Louis Athanase, FRERET J-Louis, FRETIGNY Pierre, LEPRETRE Jules, VIGOR Lucien, BESSIN Adolphe, FRETIGNY Louis, DEPITRE Damour, DUVAL Frédéric, VIGOR Cléophas

Maire : VEDRINE Victor Hyacinthe 
Adjoint : POULAIN Jean-Baptiste
1874
BESSIN Adolphe, FRERET J-Louis, LETHORE Arsène, ROZE Louis, VIGOR Lucien, VIGOR Louis Gustave, LEPRETRE Jules, DEPITRE Damour, FRETIGNY Louis, DUVAL Frédéric

Maire : VEDRINE Victor Hyacinthe
Adjoint : POULAIN Jean-Baptiste
1876
Maire : VEDRINE Victor Hyacinthe
Adjoint : LEPRETRE Jules
1878
VIGOR Lucien, VIGOR Gustave, LETHORE Arsène, DEPITRE Damour, FRERET Jean-Louis, ROZE Louis, FRETIGNY Louis, GOSSENT Ferdinand, DUVAL Amédée, FRETIGNY Pierre

Maire : VEDRINE Victor Hyacinthe
Adjoint : BESSIN Adolphe
1884
FRETIGNY Pierre, VIGOR Louis Gustave, DEPITRE Damour, FRERET Albert, VIGOR Lucien Anatole, DUVAL Amédée, DUVAL Frédéric, FRETIGNY Louis, ROZE Athanase, LEPRETRE Jules

Maire : VEDRINE Victor Hyacinthe
Adjoint : BESSIN Adolphe
1888
DEPITRE Damour, VIGOR Gustave, FRERET Albert, ROZE Athanase, FRETIGNY Pierre, VALLÉE Émile, VIGOR Anatole, LETHORE Ernest, LEPRETRE Jules, DUVAL Amédée

Maire : VEDRINE Victor Hyacinthe
Adjoint : BESSIN Adolphe
1892
LETHORE Ernest, VIGOR Lucien, DEPITRE Damour, FRETIGNY Pierre, FRERET Albert, VIGOR Gustave, VALLÉE Émile, ROZE Albert, MESLIN Alexandre, DUVAL Amédée

Maire : VEDRINE Victor Hyacinthe
Adjoint : BESSIN Adolphe
1896
ROZE Albert, DEPITRE Damour, LETHORE Ernest, HALLEY François, FRETIGNY Pierre, FRERET Albert, DUVAL Amédée, MOREAU Paul, LESUEUR Léon, JEAN Auguste

Maire : VEDRINE Victor Hyacinthe
Adjoint : MESLIN Alexandre
1900
ROZE Albert, FRETIGNY Pierre, JEAN Auguste, DEPITRE Damour, MESLIN Aîné, VALLÉE Émile, FRERET Albert, BRÉARD Albert, CÉCILLE Armand, MOREAU Paul,

Maire : VEDRINE Victor Hyacinthe
Adjoint : FRETIGNY Gustave
1904
DEPITRE Damour, BRÉARD Albert, ROZE Albert, FRERET Albert, CÉCILLE Armand, JEAN Auguste, MESLIN Alexandre, FRERET Paul, LEFEBVRE Eugène, FRETIGNY Gustave

Maire : VEDRINE Hyacinthe
Adjoint : MOREAU Paul
1906
Maire : ROZE Albert, MOREAU Paul n'ayant pas accepté le mandat
Adjoint : MOREAU Paul
1908
FRERET Paul, CECILLE Armand, JEAN Auguste, FRERET Albert, DEPITRE Damour, BRÉARD Albert, LEFEBVRE Eugène, DUVAL Albert, MESLIN Alexandre, ROZE Jules

Maire : ROZE Albert
Adjoint : MOREAU Paul
1910
DELAHAYE Abel, MESLIN Armand, nouveaux conseillers

Maire : FRERET Paul
Adjoint : MOREAU Paul
1912
ROZE Albert, JEAN Auguste, CECILLE Armand, BRÉARD Albert, FRERET Pierre, LEFEBVRE Eugène, DUVAL Albert, ROZE Jules, MESLIN Armand, DELAHAYE Abel

Maire : FRERET Paul
Adjoint : MOREAU Paul

Annexe 2 
Les métiers à Pîtres à la fin du XIXème siècle
Cette liste, établie à partir des registres d’Etat-civil de 1886 à 1896, donne une vue plus large de la diversité des métiers que le registre des patentes de la même époque, qui ne recense que les chefs d'entreprise, donc ni les femmes ni les ouvriers. Cependant, elle ne recense pas l’ensemble de la population, mais un échantillon de 160 foyers. La population moyenne sur ces années étant d’environ 900 habitants, on peut considérer que les deux tiers des habitants sont représentés. Si donc 26 personnes travaillent aux fonderies, on peut considérer que le chiffre total est d’environ 40.
AJUSTEUR AUX FONDERIES
1
CHARPENTIER
1
CHARRETIER
1
CHARRON
1
CHAUFFEUR
2
CHAUFFEUR MARINIER
1
CHAUFFEUR MECANICIEN
3
CONDUCTEUR Pt et Chaussées
4
CONTRE-MAITRE
1
CORDONNIER
3
CULTIVATEUR
10
DEBITANT DE TABAC
1
DESSINATEUR
1
EMPLOYE AUX FONDERIES
1
EMPLOYE DE FILATURE
2
EMPLOYE CHEMINS DE FER
1
EPICIER
3
FORGERON
2
GARCON BOULANGER
1
GARCON MARINIER
1
GARDE PARTICULIER
1
GARDE-PECHE
1
INSTITUTEUR
1
JOURNALIER
29
JOURNALIERE
4
LIMONADIER
1
MAÇON
3
MARAYEUR
1
MARCHAND BOUCHER
3
MARCHAND DE BOIS
1
MARCHAND EPICIER
1
MARINIER
1
MECANICIEN
1
MENUISIER
2
OUVRIER AUX FONDERIES
24
OUVRIER BRIQUETIER
1
OUVRIER DE FILATURE
2
OUVRIER FILEUR
1
OUVRIER MARECHAL FERRAND
1
OUVRIERE DE FILATURE
3
PROPRIETAIRE
3
RENTIER
4
REPASSEUSE
4
SCIEUR DE PIERRES
1
SURVEILLANT
2
TAILLEUR D'HABITS
1
TAILLEUR DE PIERRES
2
TERRASSIER
5
TISSERAND
2
TISSERANDE
10
TOURNEUR SUR BOIS
1
TOURNEUR SUR METAUX
4